Edwin Drood est un jeune homme promis à un bel avenir : fiancé très jeune, par la volonté de son père défunt, à la très jolie Rosa Bud, il doit après son mariage, partir pour l'Egypte reprendre les affaires familiales.
En visite à Cloisterham où réside Rosa, elle aussi orpheline, il prend ses quartiers chez son oncle, John Jasper, maître de chapelle à la cathédrale.
Edwin ignore que ce dernier, de seulement quelques années son aîné, fréquente les fumeries d'opium de l'East End, et nourrit un amour plus qu'inquiétant pour la jeune Rosa.
D'autre part, l'arrivée de deux jeunes gens, Helena et Neville Landless, à Cloisterham, sème le trouble dans cette trop paisible communauté. Après avoir rompu secrètement ses fiançailles avec Rosa, Edwin Drood disparaît brutalement...
D'autre part, l'arrivée de deux jeunes gens, Helena et Neville Landless, à Cloisterham, sème le trouble dans cette trop paisible communauté. Après avoir rompu secrètement ses fiançailles avec Rosa, Edwin Drood disparaît brutalement...
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"Le Mystère d'Edwin Drood", résidait depuis longtemps sur mon étagère, prenant la poussière en attendant paisiblement d'être lu... Seulement voilà, il aurait encore pu y rester de longs mois, si la BBC ne s'était pas emparé de cette oeuvre pour le moins énigmatique de Dickens. Quinzième et dernier roman de l'auteur, resté inachevé à la mort de ce dernier, le Mystère d'Edwin Drood a incité toutes sortes de théories. Le roman en effet, n'était sans doute guère qu'à la moitié de son intrigue à la disparition de l'écrivain, et "le mystère" de la disparition du personnage, ou de son assassinat, comme le dit le postulat le plus courant, est donc resté entier.
Rosa (Tamzin Merchant) et Edwin Drood (Freddie Fox)
Rosa (Tamzin Merchant) et Edwin Drood (Freddie Fox)
A cheval entre le romanesque et le roman d'intrigue, Le Mystère d'Edwin Drood est en effet une oeuvre singulière, qui demeure néanmoins très sombre sur le contenu. Les personnages y sont passionnants, à la fois attachants ou délicieusement détestables. Edwin Drood tout d'abord est un jeune homme insouciant, qui traite la vie et les choses, même les plus sérieuses, avec une légèreté toute juvénile, au point qu'il en arrive à paraître merveilleusement agaçant la plupart du temps. Il demeure néanmoins un personnage sympathique, dont on ne sait au juste quel sort ou quelle fin l'auteur lui avait réservé. Rosa Bud, quant à elle, est comme son nom l'indique si bien "un joli bouton de rose"... fraîche jeune fille de 17 ans, têtue, enfantine, charmante, et gaie, comment ne pas l'aimer ? Elle est animée d'une franchise et d'une innocence magnifique, et dans chaque ligne, on la sent lumineuse et vivante, même si elle a quelques manières d'enfant trop gâtée...
Rosa (Tamzin Merchant) fait part de ses doutes à son tuteur, Mr Grewgious (Alun Armstrong, alias Thénardier du TAC des Misérables 1995...)
Cependant, la seule ombre au tableau de ce jeune couple de fiancés, est qu'ils ne s'aiment pas autrement que fraternellement, et qu'ils décident d'un commun accord, très délicat et très admirable, de ne pas s'engager dans un mariage malheureux... Si le roman s'était borné à cet aspect des choses, le lecteur se serait sans doute singulièrement ennuyé... Cependant, il y a bel et bien un "moteur" à cette histoire, et ce moteur n'est autre que le personnage noir et destructeur du roman, John Jasper. Je vais fièrement plagier Lorinda, en qualifiant clairement ce personnage de "frollien"... Il en a en effet toutes les caractéristiques, bien que le roman de Dickens ne lui ait pas laissé beaucoup de place quant à la description de sa personnalité réelle. Certains spécialistes de Dickens l'ont qualifié de "Jekyll et Hyde", et cela est facilement compréhensible, si l'on veut du moins expliquer la dichotomie entre les deux personnalités que l'on voit émerger au fil du roman...
John Jasper (Matthew Rhys), le tuteur d'Edwin, émergeant de l'un de ces délires d'opiomane.
John Jasper a toutes les allures d'un personnage respectable : maître de chapelle à la cathédrale, maître de musique, chef de choeur, il est estimé de ses pairs, et adoré par son neveu Edwin. John Jasper, de son côté, voue un véritable culte à son neveu, dont il est seulement l'aîné de 5 ou 6 ans. Les deux hommes se vouent une admiration et une affection réciproques, dont on ne peut en aucun cas douter. Et pourtant, John Jasper s'adonne à la prise d'opium, suffisamment souvent et de si fortes doses, qu'il lui arrive de ne plus savoir qui il est, ni ce qu'il fait.
D'autre part, l'amour qu'il éprouve pour Rosa, la fiancée d'Edwin, a quelque chose d'inquiétant et de terrible que l'on peine véritablement à expliquer. Cette passion folle et presque mauvaise, n'est décrite que par les yeux de Rosa, dans la première partie du roman. Cette passion, elle la connaît, sans qu'il lui en ait jamais dit le moindre mot :
"Cet homme me terrifie, il hante mes pensées comme un redoutable fantôme. J'ai l'impression de n'être jamais hors de son atteinte, il me semble qu'il serait capable de passer à travers le mur dès qu'on parle de lui."
"Ses regards ont fait de moi une esclave. Il m'a forcée à le comprendre sans qu'il ait prononcé une parole, il m'a forcée à garder le silence sans qu'il ait proféré une menace. Quand je suis au piano, ses yeux sont rivés sur mes mains. Quand je chante, ses yeux sont rivés à mes lèvres. Quand il me reprend, s'il frappe une note ou un accord ou bien s'il joue un passage, il est présent, en personne, dans les sons qu'il produit (...)"
Rosa (Tamzin Merchant), et John Jasper (Matthew Rhys) l'accompagnant au piano... Scène merveilleusement troublante et révélatrice ... (Cliquer sur les images pour voir en grand format)
La "déclaration" menaçante de John Jasper à Rosa.
Alors qu'Edwid Drood a "disparu" depuis plus de 6 mois, et que toute sa famille en porte le deuil sans qu'on ait pourtant retrouvé son corps, John Jasper se présente à Rosa, et l'on assiste sans doute à une déclaration d'amour merveilleusement passionnée, mais d'un tel égoïsme, qu'elle m'a forcément rappelée celle de Claude Frollo à la prison (sans être pour autant si longue)... - sans doute aussi parce que je l'ai relue il y a peu - mais aussi certainement parce que la tension dramatique est à son comble. La crainte déraisonnée que Rosa éprouvait déjà pour John Jasper, se métamorphose à cet instant en véritable terreur. Amoureux éconduit, Jasper se révèle sous son véritable jour : la violence de ses sentiments s'extériorise, alors qu'elle était depuis trop longtemps bridée. A bout d'arguments, mais certainement pas à bout de ressources, le maître de chapelle utilise le chantage, la menace.
La jeune femme le repousse avec une telle horreur, que la scène qui se serait voulue romantique vire au drame. Celle-ci qui se conclut par cette inoubliable phrase de Jasper (que l'acteur de la version récente de la BBC, Matthew Rhys, a magnifiquement rendue, en murmurant dans un sourire carnassier, et avec un regard pour le moins inquiétant) :
"Je vous aime, je vous aime, je vous aime ! Si vous me repoussiez maintenant - ce que vous ne ferez pas - jamais vous ne seriez délivrée de moi. Nul ne pourrait s'interposer entre nous. Je vous poursuivrais jusqu'à la mort."
Comment, décidément ne pas penser à un personnage frollien, délicieusement ambigu, à la personnalité trouble, l'un des ces personnages à l'apparente droiture morale, voire à une certaine rigidité, et capable dans la même minute des pires bassesses. Au même titre que son homologue hugolien, si je puis me permettre de le nommer ainsi, aucune abnégation, juste cette souffrance égoïste, cette douleur déchirante et pourtant inquiétante, qui entraînera à sa suite tous ceux qu'il touche.
Bref, on l'aura compris, j'ai été charmée par ce roman, captivée par les personnages de Rosa, Edwin et Jasper, qui sont tous trois d'une grande richesse...
Mais comment oublier la galerie de personnages plus ou moins secondaires, à la fois tragiques, drôles ou touchants, parmi lesquels on retiendra particulièrement Helena et Neville Landless , ou encore le révérend Crisparkle, le personnage sans doute le plus estimable de cette fresque inachevée...
Mrs Crisparkle (Julia McKenzie) et le révérend Septimus Crisparkle (talentueux Rory Kinnear)
Helena (Amber Rose Revah) et Neville Landless (Sacha Dhawan)
L'adaptation de la BBC a d'ailleurs si bien rendu hommage au roman, que l'on ne peut que saluer tout le travail réalisé par Gwyneth Hughes sur le scénario, en le complétant avec beaucoup de respect. La fin - sans que je n'en révèle le moindre mot, est absolument à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer, sans oublier le sort réservé au maître de chapelle, qui ne pouvait décidément échapper à ses démons, ni à l'inéluctable tragédie.
John Jasper (impressionnant Matthew Rhys)
Merci à http://rawr-caps.livejournal.com/ pour les photos du téléfilm ;-)