06 mars 2013

The theme takes shape, Watson.

Uniquement parce que j'ai visionné une nouvelle fois cette adaptation de 2003 du Chien des Baskerville, et que je ne résiste pas à poster quelques petites perles. Le Sherlock Holmes (blond !) de Richard Roxburgh est un tel condensé à la fois de froideur hautaine, de condescendance, et d'inconscience face au danger que c'en est jubilatoire. Bref, une délicieuse et terrifiante relecture du roman, qui demeure mon adaptation préférée, malgré ses défauts, et malgré qu'aucune à ce jour n'ait jamais pu retranscrire parfaitement la merveilleuse ambiance de l'oeuvre originale...
Reste que cette version donne à voir un Holmes qui se démarque assez de tout ce qui a pu être fait jusque là, (si on excepte bien entendu Benedict Cumberbatch, s'il est parfait dans son genre, n'est pas réellement un Holmes "canonique" !), très sûr de lui, absolument imbuvable, et en même temps parfois tellement "pied dans le plat" quand il s'agit des relations humaines que c'en serait presque attendrissant... 
Holmes : What do you make of it, Watson ?

Watson : It's bewildering. The change of the footprints, for example. Why should a man be walking on tiptoe ?


Holmes : Don't be an idiot, Watson. He wasn't walking on tiptoe, he was running ! Running for his life. Running until he burst his heart and fell dead upon his face. Only a man who's crazed with fear would run away from the house instead of toward's it. Whom was he waiting for ? Why was he waiting in the dark walk on a freezing night and not in his own house, the night before he was due to take his departure for London ?
The theme takes shape, Watson. It has a certain character of its own.

***



Holmes : (clears throat) To Watson : I have a box for Les Huguenots tonight.

*silence*

(continue) I thought a little dinner at Mancini's on the way

*silence*
Watson : The answer to your question is no.
Holmes : What ?
Watson : No, I don't trust you. But Mancini's would be nice.


04 mars 2013

The Mystery of Edwin Drood (1993), de Timothy Forder



Téléfilm écrit et réalisé en 1993 par Timothy Forder, d'après le roman inachevé de Charles Dickens.
Durée : environ 1h40.

Avec Robert Powell (John Jasper), Jonathan Phillips (Edwin Drood), Finty Williams (Rosa Bud), Michelle Evans (Helena Landless), Rupert Rainsford (Neville Landless), Freddie Jones (Mayor Sapsea), Glyn Houston (Mr Grewgious), Peter Pacey (Rev.Crisparkle), Andrew Sachs (Durdles).

***

On pourra dire que j'aurai attendu des semaines avant de me risquer à un avis sur cette adaptation très impressionnante du roman inachevé de Dickens, le temps de visionner une seconde puis une troisième fois, et de s'imprégner parfaitement de l'ambiance lugubre qui règne sur cette version télévisée de 1993.
Comme vous l'aurez compris au fil des posts et messages de ce blog, aucune adaptation ne parviendra à détrôner la mouture 2012 de la BBC, imaginée par Gwyneth Hughes. Cependant, force est de reconnaître que la version dont il est question ici, est profondément marquante pour son esprit infiniment respectueux du matériau de base, mais également comme je l'ai dit plus haut, pour l'ambiance et le charisme venimeux qu'elle dégage.

Le premier tour de force consiste sans doute en la prouesse de résumer en un format relativement court l'histoire originale de Dickens, en la prolongeant agréablement, mais en se contentant du minimum syndical... Mais enfin, inutile de bouder son plaisir, cette adaptation du Mystère d'Edwin Drood a quelque chose d'inédit, et surtout de délicieusement sinistre.
Sa principale qualité est surtout d'avoir introduit des scènes originales de l'oeuvre, absente de l'adaptation de la BBC (je pense particulièrement à la première scène du repas entre Edwin Drood et son oncle, ou encore à l'évanouissement intempestif de Jasper lorsqu'il apprend que son neveu et Rosa avaient rompu leurs fiançailles, par exemple, qui sont ici très marquantes et ajoutent encore à l'angoisse générale de ce téléfilm)

Ensuite, même si les interprétations sont assez inégales, on ne pourra nier le talent écrasant de Robert Powell dans le rôle de John Jasper (bien connu pour avoir incarné Jésus de Nazareth dans le film éponyme de Zeffirelli, ou encore Phoebus dans la version de NDDP de 82, toutélié), qui demeure ici la figure centrale de cette adaptation. Bon, il faut reconnaître qu'il sera définitivement difficile de faire mieux que Matthew Rhys en la matière, dans son mélange subtil de mesure policée, de frustrations, d'envie et de souffrances intérieures. Mais soit, Robert Powell, passé par là 20 ans auparavant avait donné à voir une incarnation pour le moins honorable, et particulièrement noire du personnage. L'atmosphère délétère et asphyxiante de cette version, repose entièrement sur les épaules de l'acteur, qui parvient à donner réellement des frissons dès les premières scènes. 
Jasper est ici clairement inquiétant dès l'ouverture du téléfilm, avec ses longues pauses tenues dans un sourire figé, dont on ne sait s'il est bienveillant ou l'inverse, ses regards froids qui accompagnent si subtilement des paroles faussement amicales, ses silences d'une pesanteur quasi étourdissante... Dans le registre du personnage gothique, on peut dire sans honte qu'il a merveilleusement exploité le terrain. D'ailleurs, je pense que ce Jasper va même au-delà de ce qu'on a pu voir dans la version de la BBC. Le contexte de film à suspense d'ailleurs le lui permet plus aisément. Jasper est un personnage si parfaitement respectable en apparence, si parfaitement inquiet du bien-être de son neveu, le tout à l'excès, que l'on perçoit tout de suite le malaise qui va persistant jusqu'à la disparition de Drood. Malgré cette froideur et cette bienséance visibles, qu'il peine beaucoup à contenir, Jasper apparaît immédiatement comme un personnage en complète démesure intérieure, dont on doit craindre les pires débordements.  


C'est justement ce qu'il y a de plus passionnant dans cette interprétation. Le fait de voir, ou plutôt d'attendre basculer Jasper d'une personnalité à l'autre, notamment lorsque l'acteur suit la caméra d'un regard absent, en ayant l'air de vous observer jusqu'au fond de l'âme. Ce passage est réellement incroyable. 
Et dire qu'Edwin Drood (interprété par Jonathan Phillips, vu dans Clarissa en 1991, que l'on voit finalement assez brièvement) est suffisamment naïf pour croire que son oncle ne fait que le materner... C'est assez désarmant, je dois dire. Rien que la manière dont celui-ci l'appelle "My dear boy" donnerait des frissons même à un bloc de glace... 

Jonathan Phillips (Edwin Drood), et Finty Williams (Rosa Bud)


Quant à dire que l'on ressent une certaine sympathie pour Jasper, ce serait excessif. Le comprendre, encore pire. C'est un personnage qui, à l'ouverture du téléfilm, a déjà perdu toute mesure. C'est un homme malade, ou fou, ou les deux ensemble. Difficile de ne pas éprouver de l'empathie pour Rosa dans ces conditions.  La naïve et gentille jeune fille interprétée par Finty Williams, que ne quitte jamais un splendide sourire enfantin, est sincèrement à plaindre, ainsi poursuivie par d'étranges et silencieuses assiduités.


Dans cette adaptation, la scène au piano, qui se déroule après le dîner chez le révérend Crisparkle, est plutôt réussie elle aussi, car toute en regards insoutenables, et en non-dits. Les deux personnages jouent cette scène dans un long regard terrifié et fou, comme absorbés et enchaînés par un malaise insupportable, renforcé par cette musique entêtante, répétitive et dramatique accompagnée au piano. (On the banks of Allan Water, chanson traditionnelle, magnifiquement interprétée par Finty Williams)



Quant à la conclusion de l'histoire, laissée inachevée à la mort de l'auteur, rien de bien révolutionnaire n'a été mis en place. Après tout, Dickens n'imaginait-il rien de plus extraordinaire que ce l'on pouvait déjà penser. Jasper étant depuis le premier chapitre un coupable tout désigné, cette adaptation est restée sur cet acquis, en accentuant le trait, puisqu'il s'enfonce au fil du temps dans une véritable folie meurtrière, dont Neville, la propriétaire de la fumerie d'opium seront les victimes, et ne sera finalement arrêté in-extremis que lorsque celle-ci se tournera vers Rosa, qu'il voit progressivement et insupportablement s'échapper de son emprise.

En d'autres termes, une adaptation à voir, et à revoir, rien que pour la pesanteur de son atmosphère !

PS : désolée pour l'aspect saturé des photos, qui sont issues d'une VHS de piètre qualité... 

Quelques images... Merci à descartes62 pour l'extrait vidéo posté sur youtube.

Jasper surprend Deputy qui le suit

Durdles protège Deputy d'un Jasper menaçant



Rosa Bud (Finty Williams) apprend à Jasper qu'elle refuse de poursuivre ses leçons de piano


 


(Le personnage frollien aime faire pleurer les demoiselles... ^_^)



"See what you have done !"

"No one could love you but I..."



Dans sa cellule

01 mars 2013

Haïr délivre


Ici la tombe, là le chaos ; sur ma tête
La noirceur, sous mes pieds la chute ; où je m'arrête,
La profondeur s'écroule, et tout est vide ; eh bien !
Tous ces gouffres mêlés sur moi ne seraient rien 
Si je pouvais donner le change à ma pensée,
Moi-même m'enivrer de ma fureur versée,
Et me persuader que je hais ; Ce n'est pas
De la crypte stupide et sourde du trépas,
Ce n'est pas du cachot, du puits, de la géhenne,
Ce n'est pas du verrou, ce n'est pas de la chaîne,
C'est de son propre coeur qu'on est le prisonnier.
Haïr délivre.

Dans le Ciel - Hymne des Anges
Pensée - Chant XIII
La Fin de Satan, Victor Hugo