17 avril 2024

La recluse de Wimpole Street ou la folle histoire d'Elizabeth Barrett et Robert Browning

 


Bien qu'ils soient peu assez peu connus en francophonie, Elizabeth Barrett et Robert Browning sont deux des poètes de l'ère victorienne les plus fameux et les plus connus d'Angleterre. D'une part parce qu'ils ont bien entendu produit chacun une oeuvre foisonnante et splendide, et d'autre part parce qu'ils ont aussi une histoire commune follement romantique, d'une conclusion plutôt heureuse, quoiqu'elle se présentât à ses prémices plutôt mal.

L'histoire peu commune de la rencontre de ces deux monuments littéraires, si je puis dire, m'avait toujours évoqué quelque chose de vaguement romantique, sans trop m'être attardée sur le sujet. Ce n'est qu'après avoir visionné le film "The Barretts of Wimpole Street", adaptation de 1934 de la pièce éponyme de Rudolf Besier, que je me suis réellement intéressée aux détails.

Fredric March (Robert Browning) et Norma Shearer (Elizabeth Barrett) dans le film de 1934

Et je dois dire, que même si le film (et donc la pièce d'origine) raccourcit nettement les faits, il retranscrit néanmoins leur nature de manière assez fidèle. Le fond est donc tout ce qu'il y a de plus véridique, et c'est par  ce biais que je vais tâcher de résumer cette histoire d'un romantisme échevelé. 

Elizabeth, née en 1806, est l'un des douze enfants d'Edward Moulton-Barrett, un homme d'affaires britannique ayant fait fortune grâce à l'exploitation de plantations de canne à sucre en Jamaïque. Enfant joyeuse, pleine de santé, elle subit une première maladie, dont on ignore l'exacte nature, suite au décès de l'une de ses soeurs, puis de celui de sa mère. Ces chocs successifs, qu'elle peine à surmonter, la laisse abattue et presque impotente. Le décès accidentel de l'un de ses frères adorés quelques années plus tard, dont elle se pense responsable, la laisse presque paralysée. On pense aujourd'hui, au regard de ce qui suivra quelques années plus tard, que son mal était probablement conséquent à des traumatismes psychologiques, mais également au contexte familial pour le moins délétère dans lequel elle vécut une majeure partie de sa vie. 

En effet, Edward Moulton-Barrett, est un homme exigeant et tyrannique, foncièrement religieux, qui entend imposer le célibat à tous ses enfants, pour on ne sait quelle obscure raison. Il maintiendra Elizabeth, l'enfant préférée de la fratrie, dans cet état indolent et malsain, presque paralysée, isolée de tout, véritable recluse dans leur maison de Londres de Wimpole Street. L'oeuvre de Besier, inspirée d'un épisode majeur de la vie d'Elizabeth Barrett, qui a donné naissance à plusieurs adaptations, dont je reparlerai un peu plus loin, insiste particulièrement sur le comportement borderline de ce père autoritaire et intraitable, dont on soupçonne des intentions vraiment abjectes. Tout laisse supposer, quoique nul ne peut réellement l'attester de manière certaine, qu'Edward Moulton-Barrett présentait quelques caractéristiques du syndrome de Münchhausen inversé. Il se plaisait à maintenir sa fille dans un état maladif, l'empêchant de sortir de sa chambre ou même de marcher... Incapable de se révolter, elle restera sous l'emprise de cette cellule familiale, sorte de microcosme nocif jusqu'à presque 40 ans... 

Elizabeth Barrett


A contrario, son père lui permettra toujours d'exercer ses talents de poétesses en la poussant à publier ses écrits, qui rencontreront un grand succès public, ainsi qu'à entretenir de nombreuses correspondances avec ses pairs. C'est par ce biais, d'ailleurs, qu'elle fait la connaissance de Robert Browning. De quelques années son cadet, le poète, déjà fort d'une certaine notoriété, a tout lu d'elle, et elle de lui. Ils ont eu un coup de foudre littéraire réciproque, si l'on peut dire. Pendant des mois, Robert Browning va insister pour la rencontrer, mais elle se refusera à le voir, en raison de "son état". Elle ne souhaite pas paraître diminuée ou malade, face à cet homme qu'elle admire sans vraiment connaître. Leur correspondance va donc se poursuivre un certain temps, mais les lettres d'abord d'aspect amicales, prennent progressivement une toute autre tournure. Les déclarations échevelées de Robert Browning effrayent Elizabeth, qui n'a jamais côtoyé d'autres hommes que ses frères et son père. Même si elle s'en défend, son amour pour lui commence à s'épanouir déjà sûrement, et bien qu'elle soit assez ignorante en la matière, elle n'est pas sotte au point de croire aveuglément en des serments faits sur le papier... Elle demeurera ferme pendant de longs moins encore avant qu'elle ne consente enfin à voir Robert Browning en chair et en os.  Le jour où il accède au 50, Wimpole Street, Elizabeth tergiverse encore, mais cet homme solaire, au caractère tapageur, va venir à bout de ses dernières préventions. C'est le début pour Elizabeth d'une véritable résurrection : elle recommence à marcher, et s'ose à sortir de sa chambre, puis de la maison de son père. En d'autres termes, elle recommence à vivre, sous l'impulsion de cet amour un peu fou que lui porte Browning. Il va, selon ses dires, la sortir du tombeau. Cet état d'esprit est magnifiquement exposé dans ses Sonnets Portugais (Sonnets from the Portuguese), commencés par l'auteure au moment de leur rencontre.

" The face of all the world is changed, I think,
Since first I heard the footsteps of thy soul
Move still, oh, still, beside me, as they stole
Betwixt me and the dreadful outer brink
Of obvious death, where I, who thought to sink,
Was caught up into love, and taught the whole 
Of life in a new rhythm. The cup of dole
God gave for baptism, I am fain to drink,
And praise its sweetness, Sweet, with thee anear.
The names of country, heaven, are changed away
For where thou art or shalt be, there or here ;
And this... this lute and song... loved yesterday,
(The singing angels know) are only dear,
Because thy name moves right in what they say."

(Sonnet VII)
La face du monde a changé, je crois,
Depuis que j'entendis les pas de ton âme
Glisser doucement près de moi, comme
S'ils me dérobaient au terrible gouffre
De la mort, d'où - moi qui pensais sombrer -
Je fus rattrapée par l'amour, et appris
A nouveau la vie. La coupe du sort,
Par Dieu offerte, je la bois volontiers
Et loue sa douceur, toi à mes côtés.
Les noms des pays, des cieux ont changé
Car tu es ou seras, ici ou là ;
Ce luth et cette chanson... aimés hier,
(Le choeur des anges le sait) ne sont plus chers
Que parce que ton nom danse en leurs paroles.

(7ème Sonnet)



Robert Browning vers 1865


Les deux années qui vont suivre seront cependant pour Browning une longue bataille pour parvenir à arracher Elizabeth à sa prison et à l'emprise tentaculaire du père Barrett. Les deux hommes ne s'apprécient guère - on comprend aisément pourquoi - et on peut se demander comment le poète a pu continuer à être autorisé à franchir ne fut-ce que le seuil de leur maison. Il y a fort à parier qu'Edward Barrett ait été intimidé par la notoriété de Browning, et qu'il était trop certain de son influence pour jamais réellement soupçonné que sa fille s'osât à briser sa promesse solennelle de célibat. Ce n'est qu'assez tardivement qu'il s'ingéniera à les séparer, en organisant un déménagement brutal vers la campagne. Ce n'est qu'à la faveur de cet événement qu'Elizabeth, refusant de s'éloigner de Robert, acceptera enfin de l'épouser clandestinement. Il leur faudra ensuite une semaine pour organiser leur fuite de Londres vers l'Italie, qu'Elizabeth rêvait de visiter. C'est de nuit, accompagnée de sa bonne et de son fidèle épagneul Flush, qu'elle quitte le 50, Wimpole Street, pour ne plus jamais y revenir. Elle ne reverra d'ailleurs jamais son père. De leur côté, les enfants Barrett, pourtant tous dans la trentaine, se sont pliés à la volonté du patriarche, en n'entrant plus jamais en contact avec leur soeur. 

Elizabeth Browning et son fils Pen.

Elizabeth Barrett, devenue Elizabeth Browning, continuera donc à filer le parfait amour avec son mari en Italie, où elle continuera à écrire à publier des poèmes. Le bonheur conjugal, loin de la brider, lui insufflera une inspiration telle qu'il deviendra le centre de toutes ses oeuvres postérieures. C'est d'ailleurs sur les insistances de son mari qu'elle consentira à publier les Sonnets Portugais, qui dira-t-il "sont les sonnets les plus remarquables écrits depuis Shakespeare". Elle écrira également Aurora Leigh, son roman en vers le plus emblématique, dans lequel elle revendique son indépendance d'esprit, en faisant montre d'un contexte féministe très en avance sur son temps, mais présentant également l'amour comme l'élément salvateur absolu. Elle qui avait toujours craint de ne jamais être mère, elle finira par donner naissance à un fils en 1849, Robert Wiedemann Barrett-Browning, plus connu sous le nom de Pen Browning, qui quelques années plus tard, deviendra artiste peintre et sculpteur. On lui doit notamment plusieurs portraits de son père, qui de son côté, était devenu l'un des poètes les plus fameux d'Angleterre, à l'égal d'Alfred Tennyson. 
   
Portrait de Robert Browning par son fils, Pen Barrett-Browning (1885)

La santé probablement altérée par les années d'isolement et de mauvais traitement subis dans sa jeunesse, Elizabeth meurt précocement à l'âge de 55 ans, dans leur maison florentine, dans les bras de cet époux follement aimé. 

*

Comme je le disais un peu plus haut, cette histoire a donc été transcrite en pièce, par Rudolf Besier, puis adaptée en films à deux reprises, une première fois en 1934 dont il est question plus haut (avec Charles Laughton, Norma Shearer et Fredric March), et une seconde fois en 1957 (avec John Gielgud et Jennifer Jones), et enfin en téléfilm pour la BBC en 1982, avec le merveilleux Jeremy Brett dans le rôle du tonitruant Browning... Cette adaptation de la pièce est une merveille... A vrai dire, c'est celle qui permet le mieux de comprendre comment une intellectuelle recluse de 38 ans, complètement sous l'emprise d'un père aux principes douteux, finit par reprendre goût à la vie en l'espace de quelques jours, presque de quelques heures. Les façons de Brett, enthousiastes, un peu folles et désordonnées, emportent tout sur leur passage. Ce n'est pas un romantique pleurnicheur, ni un amoureux transis pétris d'idéaux naïfs, et je pense que c'est pour cette raison qu'il apparaît d'emblée si sympathique. A vrai dire, à l'image d'Elizabeth, campée ici par la douce Jane Lapotaire, même si on se méfie de prime abord quelque peu de ces manières ouvertes, excessives, elles finissent par réduire toutes les réticences à peau de chagrin au bout de dix secondes. Cet homme souriant, si certain et si franc dans ses intentions, est doté d'une telle énergie, qu'elle ne peut que soulever des montagnes. Il a d'ailleurs dû en falloir une certaine dose au véritable Browning pour extraire Elizabeth Barrett de son isolement et de la mainmise de son père...





Ce genre d'histoire fait véritablement figure d'exception dans le paysage littéraire, où les couples sont rares et s'ils existent et durent, finissent pas s'étouffer l'un l'autre, pour de lamentables questions d'égo. L'oeuvre du couple Browning s'est au contraire structurée autour, ou plutôt grâce, à leur affection mutuelle. Leur rencontre les a en quelque sorte définis, sans qu'une jalousie intrinsèque à leur succès respectif ne vienne obscurcir leur bonheur conjugal. De beaux contes comme ceux-là sont suffisamment rares pour être consignés... 



Fredric March (R. Browning) et Norma Shearer (Elizabeth Barrett)
dans l'adaptation de 1934
Via https://fredricmarch.tumblr.com/





"How do I love thee? Let me count the ways.

I love thee to the depth and breadth and height
My soul can reach, when feeling out of sight
For the ends of being and ideal grace.
I love thee to the level of every day’s
Most quiet need, by sun and candle-light.
I love thee freely, as men strive for right.
I love thee purely, as they turn from praise.
I love thee with the passion put to use
In my old griefs, and with my childhood’s faith.
I love thee with a love I seemed to lose
With my lost saints. I love thee with the breath,
Smiles, tears, of all my life; and, if God choose,
I shall but love thee better after death."

Elizabeth Barrett-Browning - Sonnet 43
Songs from the Portuguese 

01 avril 2024

Dr Jekyll & Mr Hyde, de Rouben Mamoulian (1931)

 

Le Dr Henry Jekyll, brillant médecin aux principes avant-gardistes, est persuadé qu'il existe en chaque être humain deux centres distincts : celui du bien et celui du mal. Pour peu qu'on musèle l'un, l'autre pourrait aisément être libéré. Il s'agirait alors du mal à l'état pur que l'on pourrait commettre, sans conscience ni remords. Quoique homme rangé et prêt à se marier, Jekyll entreprend de tester sur lui-même la drogue qu'il a conçue et qui est sensée donner accès à la plus sombre partie de son être. Une fois la bride lâchée, il ne parviendra cependant plus à la resserrer...

*** 

Il existe un nombre assez faramineux d'adaptations de ce classique de Robert Louis Stevenson, l'un des tous premiers récits à traiter d'une certaine façon du dédoublement de personnalité. J'ai beau d'ailleurs en avoir vu un certain nombre, de qualité assez variable, il faut reconnaître qu'il y en a assez peu, in fine, qui sortent du lot. Celle dont il est question ici fait clairement partie de ce cercle très restreint des adaptations incontournables. Il est certain qu'elle n'est pas tout à fait fidèle à l'oeuvre de Stevenson - aucune d'ailleurs ne l'est vraiment. Le roman très court de l'auteur écossais, devenu un classique de la littérature fantastique ou d'horreur, permet assez peu une transposition aisée à l'écran. Il a donc fallu, dans tous les cas, en raison de son format fort bref, combler la trame de ce récit pour conférer un certain corps à l'histoire originelle. La version de 1931 de Rouben Mamoulian, produite par la Paramount, ne fait pas figure d'exception. Elle s'inspire d'ailleurs en partie de la précédente et glaçante version muette de 1920, comptant l'iconique John Barrymore au casting, et qui a inventé les deux personnages féminins gravitant autour de Jekyll, personnifiant en quelque sorte les deux pôles de ses questionnements. Cet élément a été ensuite repris dans de très nombreuses adaptations suivantes. 


Fredric March (Dr Henry Jekyll)



Cette version de 1931 est notable pour plusieurs raisons : elle est inventive, visuellement très soignée, à l'image du Dracula de Tod Browning, ou du Svengali d'Archi Mayo, tous deux sortis la même année. La mode était à la tendance expressionniste, foncièrement gothique, dans les productions de cette nature, et dotée d'un esthétisme irréprochable.  Quand je parle d'inventivité, je pense en premier lieu à l'étrange scène d'ouverture du film de Mamoulian, où l'on se trouve visiblement dans la tête d'Henry Jekyll. La caméra se déplace au rythme de Jekyll, qui s'adresse à son majordome, se prépare à sortir, pour finalement faire face à un miroir, où l'on découvre un visage jeune, distingué, mais grave, dans le reflet. A plusieurs reprises, cette technique d'immersion est utilisée au cours du film, notamment au cours de la première transformation en Hyde. Ensuite, la présence de Fredric March, charismatique en diable, et n'hésitant pas à embrasser ce rôle problématique sans se ménager, a sans doute largement contribué au succès de ce film, aussi bien public que critique. Un engagement personnel qui l'a, dit-on, conduit, épuisé, jusqu'à l'hôpital, en raison de l'alternance schizophrénique des personnalités de Hyde et de Jekyll tout au long de ce tournage éreintant. Il n'aura finalement pas volé l'Oscar du meilleur acteur pour ce double rôle... (Il s'agissait d'ailleurs de la première fois dans l'histoire du cinéma qu'un acteur était récompensé dans le cadre de son travail dans un film de genre.)

 




Fredric March assure avec aisance le rôle du médecin investi, digne et plein d'humanité, fiancé aimant et très (trop) empressé, n'hésitant pas à tutoyer des principes contestables, ou à frayer comme qui dirait avec le diable. Il y a en effet quelque chose de faustien dans son laboratoire plein de feu et d'ombres étirées. Les puissances infernales apparaissent bel et bien, mais dans les traits monstrueux que lui renvoie son miroir. Hyde surgit du dedans de cette âme hypocrite comme un animal sauvage. Il en a les manières et même les traits simiesques. On pourrait reprocher les allures que l'on pourrait qualifier d'un peu outrancières, sous le prisme de l'appréciation moderne, de cette représentation de Hyde. Tel le portrait de Dorian Gray, qui vieillit et se couvre de la noirceur de l'âme de son modèle, Hyde a sur le visage et le corps, le fond d'une moitié de l'âme de Jekyll. Il apparaît depuis les premières scènes que le bon docteur a sa part d'ombre, et qu'il résiste assez mal aux tentations charnelles. Hyde s'y complait en y ajoutant la violence, la manipulation, et en martyrisant la pauvre Ivy, jeune chanteuse de cabaret qu'il a rencontré sous les traits de Jekyll. Hyde est un exutoire de toutes les bassesses, de tous les excès, qui conduisent immanquablement au meurtre. Le film, tourné dans la glorieuse époque "pre-code",  présente ces éléments sans aucun détour. La nature des pulsions de Jekyll sont de ce fait, si elles ne sont pas franchement explicites, parfaitement claires.  

Miriam Hopkins dans le rôle d'Ivy.

Chaque plan, chaque détail de ce film apportent leur lot de sous-entendus, à l'image de ces longs plans sur le creuset perpétuellement sur le feu du laboratoire de Jekyll, et qui, dans ses débordements intempestifs traduisent assez bien l'imminence des crises du personnage. Très vite, Jekyll ne maîtrisera plus ces accès, et la bête surgira pour le supplanter complètement. La scène de course-poursuite à travers Londres, puis au coeur de son propre laboratoire, dans lequel il se meut comme un animal acculé, de manière folle, violente et désordonnée, courant en tout sens, escaladant les murs, conclut le film en une véritable apothéose. Quand le personnage finit par s'écrouler, la poitrine transpercée d'une balle, au milieu des débris de verre de ses fioles et de ses alambics, ce sont pourtant bien les traits d'un Jekyll apaisé que l'on voit transparaître, comme si la bête Hyde lui laissait seul assumer dans la mort la responsabilité de ses actes.




Ce film de Rouben Mamoulian, s'il accuse quatre-vingt treize ans d'âge, est toujours considéré aujourd'hui comme l'une des meilleures transpositions à l'écran du récit de Stevenson, sinon la meilleure. Aux interprétations d'une grande modernité s'ajoutent un esthétisme magnifié par ces contrastes d'ombre et de lumière, cette grande liberté de ton si caractéristique aux films de cette époque, ainsi que ces divers niveaux de lectures et d'interprétations. La multiplicité des suggestions et des réflexions qui le parsèment lui donnent une richesse qui a été rarement été égalée depuis dans une adaptation de ce genre. On rêverait d'en voir autant aujourd'hui... 




10 mars 2024

Non, ce blog n'est pas mort (enfin, pas encore) !


Déjà deux ans et demi sans aucun article ! 

Il faut dire aussi que cela faisait déjà un petit moment que la publication des posts commençait à s'espacer de plus en plus, jusqu'à disparaître tout à fait.

L'envie n'y était tout simplement plus. Peut-être en partie parce que la blogosphère, autrefois si foisonnante, a beaucoup changé ces dernières années, avec un lectorat toujours plus réduit. Peut-être aussi un peu en raison du travail énergivore que la rédaction de certains articles demande... Et tout simplement par manque de temps, aussi.

Ce blog a été pourtant pendant de longues années (pas loin de vingt ans, si, si) une bouffée d'oxygène, un véritable havre de paix et un espace dédié à mes réflexions sur les lectures, les visionnages, et les passions du moment. Et peut-être finalement ne doit-il être que cela. Un espace public, certes, et donc potentiellement exposé à tous les regards, mais surtout un espace de liberté. Une catharsis. Un endroit où l'on se sent libre de parler de tout et de rien sans attendre de réponse. Un lieu où l'on a l'occasion de développer de la manière que l'on souhaite, sous le format que l'on souhaite, ses pensées, que l'on soit lus ou non, au fond.

Il se pourrait donc que je me remette peu à peu à la rédaction de mes articles avec cette seule optique : simplement écrire, et peut-être plus d'articles aussi longs. C'est aussi pour cette raison que je me retrouve aujourd'hui à publier un nouveau billet. Pour dire que ce blog est effectivement délaissé depuis un moment, mais qu'il n'est pas mort, (non, pas encore) et que je pourrais tout à fait me replonger dans l'exercice des chroniques de lecture... 

A bientôt, donc, pour de nouvelles aventures. Sans doute. 
  

13 novembre 2021

Bilan des lectures de septembre à octobre

L'automne n'aura vraiment pas été très riche en lectures, quoiqu'il ressort tout de même de ce panel, deux très bons romans de styles tout à fait différents... 

Mexican Gothic, de Silvia Moreno-Garcia

Naomí Taboada, jeune mondaine qui n'a d'yeux que pour les soirées bon chic bon genre, reçoit une lettre singulière de sa cousine, récemment mariée à un anglais et habitant depuis lors avec sa belle-famille dans leur manoir située dans une région reculée et hostile du Mexique. Les propos décousus de sa cousine, qui se dit malade et la proie d'hallucinations, réclame l'aide de Naomí. Il n'en faut pas plus à cette jeune femme un peu tête brûlée pour faire immédiatement ses bagages. Arrivée dans la sinistre demeure des Doyle, Naomí, que l'on s'empresse d'éloigner de sa cousine souffrante, se retrouve peu à peu assaillie de singuliers cauchemars, qui la poussent, petit à petit à confondre songes et réalité... Aux prises avec l'époux au charme délétère de sa cousine, et le patriarche de la famille qui semble étrangement nourrir pour elle des attentions malsaines, la jeune femme commence à se rendre compte qu'il lui est impossible de partir, comme si le manoir était en train d'étendre sur elle une influence funeste qui l'affaiblit et l'aliène de manière irrémédiable. 
 

Autant commencer ce bilan lectures par mon plus gros coup de coeur de ces dernières semaines ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que le titre de ce roman n'est pas usurpé... Il s'agit effectivement d'un roman gothique moderne, un vrai, avec son lot de cauchemars, de pénombre et de brume, son ambiance poisseuse, et sa panoplie de personnages "bordeline" qui intriguent et révulsent le lecteur tout à la fois.  Si elle est plutôt sans fioritures, la plume de Silvia Moreno-Garcia est pourtant très efficace ! Ce roman est littéralement palpitant et va vous donner quelques sueurs froides très jubilatoires... On y reconnaît tous les ressorts du roman gothique traditionnel, à savoir des jeunes femmes qu'on isole et qu'on manipule, sur fond d'une demeure sinistre, qui empoisonne et rend fou ses occupants... Tout y est, et je n'ai pas boudé mon plaisir !


Le Serpent de l'Essex, de Sarah Perry

Résumé de l'éditeur

"Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s'installer à Aldwinter, dans l'Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s'intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l'Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l'estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d'étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté."
 

J'avais commencé ce roman il y a quelques années, lors de sa sortie, et il m'était, comme on dit, tombé des mains après une cinquantaine de pages. Ayant appris qu'une adaptation allait en être tirée pour AppleTV, avec Tom Hiddleston à l'affiche, j'ai voulu réviser mon jugement et vérifier, si avec le temps, mon avis aurait évolué. J'ai malheureusement dû constater que j'ai retrouvé exactement le même sentiment de malaise en lisant ce livre, que je me suis contrainte, cette fois, à lire jusqu'au bout, espérant dans ma grande naïveté un revirement de dernière minute, mais il n'en a rien été. Les personnages sont absolument antipathiques et l'histoire sans intérêt... L'idée de base n'est sans doute pas mauvaise, mais comment diable accrocher à un récit qui ne donne à voir que des personnages presque sans affect, et une intrigue qui n'en est finalement pas une ? Je doute vraiment que la sauce puisse prendre dans une adaptation télévisée, mais sait-on jamais, avec des acteurs convaincants et un bon scénariste, tout est possible... ;)


L'Enigme de Catilina, de Steven Saylor

A la veille des élections consulaires, l'enquêteur Gordien, désormais retiré à la campagne avec sa famille, se voit pourtant rattraper par les affaires de Rome et contraint de loger pour quelques temps Lucius Sergius Catilina, ancien lieutenant du dictateur Scylla, et cherchant à briguer le poste de Consul. Alors que ses plus farouches opposants le décrivent comme un être brutal et dégénéré, Gordien découvre avec surprise en Catilina un homme d'un charisme écrasant, pondéré et tranquille, qui ne cache cependant pas ses opinions populistes. Malgré son ancienne loyauté à Cicéron, Gordien se lie d'amitié avec Catilina. Lorsque l'enquêteur découvre un cadavre sur son domaine, il pense  être devenu la cible de ténébreuses pressions politiques...

Voilà l'un des très rares romans qui existent sur l'une des conspirations les plus emblématiques de l'Antiquité, à savoir la Conjuration de Catilina, bien connue grâce aux fameux Catilinaires de Cicéron, alors Consul de la République Romaine sur le déclin. Ces discours reprennent les allocutions du politicien, s'adressant au Sénat, et révélant une gigantesque conspiration initiée par Catilina, à qui l'on reproche, outre des opinions politiques assez dangereuses, plusieurs tentatives d'assassinat sur des sénateurs et sur la personne du Consul... Après avoir quitté Rome, Catilina constitue une armée pour renverser le Sénat, mais est défait en Etrurie, où il meurt sur le champ de bataille. 

C'est après avoir relu plutôt par hasard les Catilinaires dans leur intégralité, que je me suis intéressée de plus près au personnage qui les ont inspirés, à savoir Lucius Sergius Catilina, dont on sait, in fine, très peu de choses. Les discours de Cicéron sont tellement peu objectifs que l'on peine réellement à y démêler le vrai du faux... Connaissant le goût immodéré des sénateurs de l'Antiquité pour monter des conspirations de toutes pièces afin de détricoter la réputation de quelques opposants politiques (voir le scandale de l'assassinat des frères Gracques, encore bien plus connu que l'affaire Catilina), il est toujours intéressant de peser le pour et le contre dans ces scandales vieux de plus de deux mille ans... Si Catilina était effectivement un ancien bras droit de Scylla, reconnu pour quelques histoires pas très glorieuses touchant sa vie privée, force est de constater que Catilina n'était probablement pas le monstre assoiffé de sang que Cicéron décrit, mais un ambitieux parmi d'autres, qui s'opposait violemment au Consul en raison d'opinions politiques très tranchées en terme de partages de biens... Ces avis populistes étaient, on s'en doute, assez peu de bon ton dans une assemblée de patriciens très attachés à leurs richesses... 

Le récit de Steven Saylor, qui s'insère dans la série des enquêtes de son personnage récurent, Gordien, a le mérite de mettre en balance l'image véhiculée par les Catilinaires et la réalité historique, en présentant un Catilina, qui, s'il n'est certainement pas blanc comme neige, se révèle suffisamment fin et intriguant pour rendre cohérent le contexte réel, et mieux comprendre que la vérité se trouve toujours dans un entre-deux. A cheval entre l'intrigue politique et l'enquête criminelle, L'énigme de Catilina ravit par son brillant esprit et son ambiance délicieusement vivante...

A suivre...


25 octobre 2021

La playlist d'automne...

L'automne est là, avec ses feuilles mortes, ses averses, et ses bourrasques... De quoi avoir envie de se pelotonner au coin du feu avec un roman bien anxiogène, et une bonne playlist dans les oreilles... Une petite rétrospective des dernières lectures devrait d'ailleurs suivre bientôt :)

Hunter's Moon (Ghost)

Histoire de bien démarrer ce florilège très de saison, je ne résiste pas à faire part de mon énorme coup de coeur du moment, qui ne paraîtra sans doute pas très original, puisqu'il s'agit du tout nouveau titre du groupe suédois Ghost, pour lequel je ne cache pas mon immense affection ces dernières années. Ce morceau ultra efficace, véritable merveille sonore avec ses lignes de basse accrocheuses, pépite au niveau du texte pour qui aime les ambiances pleines d'angoisse, est en réalité le titre-phare de la BO du dernier opus de la franchise de films "Halloween". Un bonheur pour les fans, dont je suis, dans l'attente d'un nouveau titre depuis près de deux ans... Surprise aussi de découvrir le nouveau "visage" du leader du groupe, dans un clin d'oeil ostensible au masque porté par le sinistre protagoniste des films, Michael Meyers. 


Rise Up (Ben Barnes)

Dans un tout autre genre, parce que décidément, on n'est jamais contre un bon petit contraste, je suis tombée littéralement sous le charme de l'EP de Ben Barnes, sorti il y a quelques jours à peine. L'acteur, bien connu pour ses rôles plein de contradictions, éminemment doué pour camper d'abominables crapules, est aussi chanteur à ses heures. Pour son premier EP, doté de seulement 5 titres, il frappe cependant très fort en faisant montre d'une magnifique qualité sonore et d'une voix vraiment bouleversante... Sur l'album, si "11:11" est la plage qui a été lancée en single, infiniment accrocheuse, je lui préfère de loin Rise up, titre très à fleur de peau. Et on salue aussi au passage la qualité du clip vidéo, d'une très grande poésie. On en redemande... 



We love each other so much (Adam Driver & Marion Cotillard - Sparks) 

Ce titre n'est pas tout à fait une nouveauté, puisqu'il a été entendu à l'occasion de la présentation du film musical "Annette", de Leos Carax, au Festival de Cannes. Si je n'ai pas encore eu la possibilité de voir le film, sorti en Belgique seulement cette semaine et dans quelques salles choisies, je ne cache pas ma curiosité pour ce film qui m'a tout l'air d'être un bel ovni... Cependant, rien que la présence d'Adam Driver est en soi un belle source de curiosité, et à nouveau dans un rôle qui m'a l'air quelque peu borderline, d'où mon grand intérêt... Sans compter que l'entendre chanter et aussi une expérience en soi. Aussi surprenant que cela paraisse, je trouve le résultat vraiment réussi, notamment dans ce titre, écrit comme tout le reste de la BO par le groupe américain Sparks, que l'acteur interprète ici avec Marion Cotillard. Une très belle chanson, pleine de sensibilité et de sens, qui tourne en boucle depuis des semaines dans ma playlist... 


Le Jardin des Larmes (Zaz & Till Lindemann)

Voici un titre tout récent, sorti il y a quelques jours seulement et découvert grâce à la radio Classic21, réunissant un duo très improbable : Zaz et le leader du groupe de métal de Rammstein, Till Lindemann. Comme si l'association ne s'avérait déjà suffisamment surprenante, les deux artistes ont aussi collaboré sur un titre d'un ton infiniment doux et poétique, présentant une association de voix qui laisse assez rêveur, et qui n'est pas sans rappeler un titre comme "Where the wild roses grow" de Kylie Minogue et Nick Cave. Je dois dire que la voix rocailleuse, à la limite de l'atonale, de Till Lindemann s'harmonise pourtant fort bien avec le timbre très doux de Zaz. 
EDIT : depuis la publication de l'article, le clip officiel est désormais disponible sur youtube. On apprécie la cinématographie soignée et les très beaux décors, quoiqu'on peut toujours s'interroger sur le choix plutôt glauque du scénario... De la part de Till Lindemann, on n'en attendait pas moins :)



Dune - Main Title (Toto)

Forcément, comment, en ce moment, ne pas parler de Dune ? Alors bien sûr, on ne peut décidément pas passer outre le film de Denis Villeneuve, véritable splendeur cinématographique, infiniment respectueuse aussi du matériau de base, créé par Frank Herbert. Si j'ai adoré de bout en bout le film récent, de même que sa bande originale magnifique, conçue par Hans Zimmer, je dois dire que j'ai toujours eu en adoration la version de 1984 de Lynch, qui a pourtant son lot de détracteurs. Ce film m'a cependant fait tombée dans la "soupe Dune" extrêmement jeune, sans trop comprendre à l'époque pourquoi ou comment cette histoire obscure et extrêmement complexe de luttes de pouvoirs terrifiante, sur fond de religiosité et de superstitions, dans un monde aride peuplé de vers de sables géants, avait pu me plaire à ce point et résonner en moi pour longtemps. Je n'ai pas pu m'empêcher de me repasser la BO du film de Lynch, conçue par le groupe Toto, très en vogue dans les années 80, véritable merveille, mêlant influences classiques et rock, et qui accompagne si merveilleusement la transformation du personnage de Paul Atréides et l'accomplissement de sa destinée.

17 août 2021

Les étés pluvieux ont du bon...

 

La Cocinera de Castamar (La cuisinière de Castamar) -  Netflix - 2021

Mini-série espagnole, avec Michelle Jenner (Clara Belmonte), Roberto Enriquez (Diego de Castamar), Hugo Silva (Enrique de Arcona), Maxi Iglesias (Francisco Marlango), Jean Cruz (Gabriel de Castamar),...

D'après le roman de Fernando J. Muñez.

Issue d'une noblesse désargentée et mise au ban de la société, Clara Belmonte entre comme fille de cuisine chez le Duc de Castamar. Sortant à peine d'un pénible veuvage, celui-ci, en reprenant la vie publique, et en devenant le conseiller du roi d'Espagne, ravive toutes les haines et toutes les convoitises. Aux prises avec les haines mesquines de l'office et les intrigues de la grande maison, Clara, doit composer avec les troubles de son propre passé et l'amitié naturelle, mais mal perçue, qui la lie au maître des lieux. 

Clara Belmonte (Michelle Jenner) et Don Diego de Castamar (Roberto Enriquez)

Autant le dire d'entrée de jeu : cette série a été un énorme coup de coeur, et j'ai avalé les 12 épisodes en un rien de temps, véritablement incapable de m'arrêter... Si l'on devait donner un aperçu de cette série en peu de mots, je dirais que La cocinera de Castamar, est une sorte d'heureux télescopage entre Downton Abbey, Jane Eyre, et Les liaisons dangereuses, transposé dans l'Espagne du XVIIIe siècle. Quoique la série soit nettement plus crue que ses homologues britanniques, la série, adaptée d'un roman de Fernando J. Muñez (et malheureusement pas encore traduit en français), narre les manoeuvres délétères de quelques Grands d'Espagne, de leurs jalousies, de leurs libertinages et de leur oisiveté malsaine, et les petites misères des gens "d'en-bas", dont les destins croisent bien souvent ceux de leurs maîtres. Tout d'abord, il faut dire que les décors et les costumes sont absolument splendides, et n'ont vraiment à envier aux meilleurs period dramas, et qu'ensuite, les personnages sont extrêmement bien brossés et interprétés, pour peu que j'en puisse juger, n'ayant pas lu le roman. Toujours est-il que l'intrigue de cette série est vraiment addictive, et on enchaîne volontiers les épisodes sans voir le temps passer, tant on s'attache rapidement aux personnages, ceux de Clara et de Diego de Castamar en tête, heureuse et chaste parenthèse, bulle isolée et lumineuse, dont les interactions se révèlent être d'un romantisme fou, et en contraste brutal avec les agissements infects de leur monde respectif. Ensuite, on peut compter sur le terrible Enrique de Arcona, campé par Hugo Silva, qui avec ses airs de conspirateur-né et son art consommé à dissimuler ses motivations derrière des sourires et des courbettes hypocrites, se révèle être un antagoniste diablement efficace. Encore un de ces méchants que l'on adore détester... Une série impossible à lâcher ! 

Don Enrique de Arcona (Hugo Silva)


The Alienist (saison 1) & The Angel of Darkness (saison 2) -  Netflix - 2018-2020

D'après les romans de Caleb Carr, avec Dakota Fanning (Sara Howard), Luke Evans (John Moore), Daniel Brühl (Lazslo Kreizler), Douglas Smith (Marcus Isaacson), Matthew Shear (Lucius Isaacson),... 

Le Dr Lazslo Kreizler est un aliéniste contesté, spécialisé dans les troubles du comportement chez les enfants, usant de méthodes peu conventionnelles. Déterminé à démêler l'écheveau du crime de deux jeunes gens dont il avait la charge, le Dr Kreizler fait appel à John Moore, l'un de ses anciens camarades de faculté, pour infiltrer les scènes de nouveaux meurtres commis avec les mêmes méthodologies que ceux qu'il s'évertue à élucider. C'est grâce à l'appui de l'assistante du Commissaire de la police métropolitaine, Sara Howard, qu'ils parviennent enfin à tenir une piste solide... 

J'ai lu l'Aliéniste il y a quelques années, roman à suspense de Caleb Carr, se déroulant dans le New-York de la fin du XIXe siècle, et avait beaucoup aimé le trio de personnages principaux, de même que l'ambiance très anxiogène de l'intrigue, se déroulant, pour le premier volet, dans le milieu de la prostitution enfantine, dans lequel de jeunes garçons sont assassinés selon des rituels absolument atroces. Etant donné le contexte, très glauque et nauséabond, le côté meurtres crasseux, j'avais eu toutes les peines à rentrer dans le roman, tant je trouve ce genre d'atmosphère dérangeant. Mais disons qu'à force de persister, j'avais surtout accroché en raison de la psychologie des personnages, très fouillée et intéressante. Finalement, la série a bien adapté cet aspect : l'ambiance est  noire, assez sordide, mais l'aura des personnages fait en sorte que cela fonctionne à merveille. Je ne cache pas que les trois acteurs principaux sont la raison pour laquelle je suis restée scotchée devant l'écran, hypnotisée par le déroulement de l'intrigue très retorse. Mon principal coup de coeur va bien entendu à Daniel Brühl, campant l'aliéniste Kreizler, avec sa façon de se comporter et de tout analyser, choses et gens, avec une froideur très holmesienne. Personnage glacial à l'ouverture de la série,  Kreizler à l'art d'étaler la psychologie des autres sans retenue en étant dénué de tout affect, en évitant surtout soigneusement de dévoiler la sienne. A tel point d'ailleurs, que ses comportements ont tendance à mettre mal à l'aise et à poser question. Je dois dire que son évolution (comme dans le roman) est intéressante de ce point de vue : peu à peu, sous l'influence de Sara et de John, l'aliéniste se voit confronté à ses propres démons, et on voit avec délice la coquille se fissurer. Cette mise à nu le rend faillible, et il est en cela très différent de Sherlock Holmes, dont le personnage a été visiblement inspiré. Cette nuance de caractère le rend éminemment digne d'intérêt. D'autre part, impossible de bouder Dakota Fanning, incarnant une femme au caractère bien trempé, féministe avant l'heure, indépendante et résolue, ainsi que Luke Evans dans un personnage au grand coeur, quoiqu'un peu dissipé, qui contrebalancent avec bonheur l'austérité première du médecin. La première saison m'a davantage plu que la seconde, sans doute parce que Kreizler ne se trouve plus au centre de l'intrigue... Le ton reste tout à fait similaire, dérangeant au possible... Ames sensibles, s'abstenir !


A suivre...