Fredric March (Robert Browning) et Norma Shearer (Elizabeth Barrett) dans le film de 1934 |
Elizabeth Barrett |
Robert Browning vers 1865 |
Portrait de Robert Browning par son fils, Pen Barrett-Browning (1885) |
Fredric March (Robert Browning) et Norma Shearer (Elizabeth Barrett) dans le film de 1934 |
Elizabeth Barrett |
Robert Browning vers 1865 |
Portrait de Robert Browning par son fils, Pen Barrett-Browning (1885) |
Miriam Hopkins dans le rôle d'Ivy. |
Déjà deux ans et demi sans aucun article !
Il faut dire aussi que cela faisait déjà un petit moment que la publication des posts commençait à s'espacer de plus en plus, jusqu'à disparaître tout à fait.
L'envie n'y était tout simplement plus. Peut-être en partie parce que la blogosphère, autrefois si foisonnante, a beaucoup changé ces dernières années, avec un lectorat toujours plus réduit. Peut-être aussi un peu en raison du travail énergivore que la rédaction de certains articles demande... Et tout simplement par manque de temps, aussi.
Ce blog a été pourtant pendant de longues années (pas loin de vingt ans, si, si) une bouffée d'oxygène, un véritable havre de paix et un espace dédié à mes réflexions sur les lectures, les visionnages, et les passions du moment. Et peut-être finalement ne doit-il être que cela. Un espace public, certes, et donc potentiellement exposé à tous les regards, mais surtout un espace de liberté. Une catharsis. Un endroit où l'on se sent libre de parler de tout et de rien sans attendre de réponse. Un lieu où l'on a l'occasion de développer de la manière que l'on souhaite, sous le format que l'on souhaite, ses pensées, que l'on soit lus ou non, au fond.
L'automne n'aura vraiment pas été très riche en lectures, quoiqu'il ressort tout de même de ce panel, deux très bons romans de styles tout à fait différents...
Mexican Gothic, de Silvia Moreno-Garcia
Autant commencer ce bilan lectures par mon plus gros coup de coeur de ces dernières semaines ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que le titre de ce roman n'est pas usurpé... Il s'agit effectivement d'un roman gothique moderne, un vrai, avec son lot de cauchemars, de pénombre et de brume, son ambiance poisseuse, et sa panoplie de personnages "bordeline" qui intriguent et révulsent le lecteur tout à la fois. Si elle est plutôt sans fioritures, la plume de Silvia Moreno-Garcia est pourtant très efficace ! Ce roman est littéralement palpitant et va vous donner quelques sueurs froides très jubilatoires... On y reconnaît tous les ressorts du roman gothique traditionnel, à savoir des jeunes femmes qu'on isole et qu'on manipule, sur fond d'une demeure sinistre, qui empoisonne et rend fou ses occupants... Tout y est, et je n'ai pas boudé mon plaisir !
Le Serpent de l'Essex, de Sarah Perry
Résumé de l'éditeur :"Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s'installer à Aldwinter, dans l'Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s'intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l'Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l'estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d'étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté."
J'avais commencé ce roman il y a quelques années, lors de sa sortie, et il m'était, comme on dit, tombé des mains après une cinquantaine de pages. Ayant appris qu'une adaptation allait en être tirée pour AppleTV, avec Tom Hiddleston à l'affiche, j'ai voulu réviser mon jugement et vérifier, si avec le temps, mon avis aurait évolué. J'ai malheureusement dû constater que j'ai retrouvé exactement le même sentiment de malaise en lisant ce livre, que je me suis contrainte, cette fois, à lire jusqu'au bout, espérant dans ma grande naïveté un revirement de dernière minute, mais il n'en a rien été. Les personnages sont absolument antipathiques et l'histoire sans intérêt... L'idée de base n'est sans doute pas mauvaise, mais comment diable accrocher à un récit qui ne donne à voir que des personnages presque sans affect, et une intrigue qui n'en est finalement pas une ? Je doute vraiment que la sauce puisse prendre dans une adaptation télévisée, mais sait-on jamais, avec des acteurs convaincants et un bon scénariste, tout est possible... ;)
L'Enigme de Catilina, de Steven Saylor
A la veille des élections consulaires, l'enquêteur Gordien, désormais retiré à la campagne avec sa famille, se voit pourtant rattraper par les affaires de Rome et contraint de loger pour quelques temps Lucius Sergius Catilina, ancien lieutenant du dictateur Scylla, et cherchant à briguer le poste de Consul. Alors que ses plus farouches opposants le décrivent comme un être brutal et dégénéré, Gordien découvre avec surprise en Catilina un homme d'un charisme écrasant, pondéré et tranquille, qui ne cache cependant pas ses opinions populistes. Malgré son ancienne loyauté à Cicéron, Gordien se lie d'amitié avec Catilina. Lorsque l'enquêteur découvre un cadavre sur son domaine, il pense être devenu la cible de ténébreuses pressions politiques...Voilà l'un des très rares romans qui existent sur l'une des conspirations les plus emblématiques de l'Antiquité, à savoir la Conjuration de Catilina, bien connue grâce aux fameux Catilinaires de Cicéron, alors Consul de la République Romaine sur le déclin. Ces discours reprennent les allocutions du politicien, s'adressant au Sénat, et révélant une gigantesque conspiration initiée par Catilina, à qui l'on reproche, outre des opinions politiques assez dangereuses, plusieurs tentatives d'assassinat sur des sénateurs et sur la personne du Consul... Après avoir quitté Rome, Catilina constitue une armée pour renverser le Sénat, mais est défait en Etrurie, où il meurt sur le champ de bataille.
C'est après avoir relu plutôt par hasard les Catilinaires dans leur intégralité, que je me suis intéressée de plus près au personnage qui les ont inspirés, à savoir Lucius Sergius Catilina, dont on sait, in fine, très peu de choses. Les discours de Cicéron sont tellement peu objectifs que l'on peine réellement à y démêler le vrai du faux... Connaissant le goût immodéré des sénateurs de l'Antiquité pour monter des conspirations de toutes pièces afin de détricoter la réputation de quelques opposants politiques (voir le scandale de l'assassinat des frères Gracques, encore bien plus connu que l'affaire Catilina), il est toujours intéressant de peser le pour et le contre dans ces scandales vieux de plus de deux mille ans... Si Catilina était effectivement un ancien bras droit de Scylla, reconnu pour quelques histoires pas très glorieuses touchant sa vie privée, force est de constater que Catilina n'était probablement pas le monstre assoiffé de sang que Cicéron décrit, mais un ambitieux parmi d'autres, qui s'opposait violemment au Consul en raison d'opinions politiques très tranchées en terme de partages de biens... Ces avis populistes étaient, on s'en doute, assez peu de bon ton dans une assemblée de patriciens très attachés à leurs richesses...
Le récit de Steven Saylor, qui s'insère dans la série des enquêtes de son personnage récurent, Gordien, a le mérite de mettre en balance l'image véhiculée par les Catilinaires et la réalité historique, en présentant un Catilina, qui, s'il n'est certainement pas blanc comme neige, se révèle suffisamment fin et intriguant pour rendre cohérent le contexte réel, et mieux comprendre que la vérité se trouve toujours dans un entre-deux. A cheval entre l'intrigue politique et l'enquête criminelle, L'énigme de Catilina ravit par son brillant esprit et son ambiance délicieusement vivante...
A suivre...
L'automne est là, avec ses feuilles mortes, ses averses, et ses bourrasques... De quoi avoir envie de se pelotonner au coin du feu avec un roman bien anxiogène, et une bonne playlist dans les oreilles... Une petite rétrospective des dernières lectures devrait d'ailleurs suivre bientôt :)
Hunter's Moon (Ghost)
Histoire de bien démarrer ce florilège très de saison, je ne résiste pas à faire part de mon énorme coup de coeur du moment, qui ne paraîtra sans doute pas très original, puisqu'il s'agit du tout nouveau titre du groupe suédois Ghost, pour lequel je ne cache pas mon immense affection ces dernières années. Ce morceau ultra efficace, véritable merveille sonore avec ses lignes de basse accrocheuses, pépite au niveau du texte pour qui aime les ambiances pleines d'angoisse, est en réalité le titre-phare de la BO du dernier opus de la franchise de films "Halloween". Un bonheur pour les fans, dont je suis, dans l'attente d'un nouveau titre depuis près de deux ans... Surprise aussi de découvrir le nouveau "visage" du leader du groupe, dans un clin d'oeil ostensible au masque porté par le sinistre protagoniste des films, Michael Meyers.
La Cocinera de Castamar (La cuisinière de Castamar) - Netflix - 2021
Mini-série espagnole, avec Michelle Jenner (Clara Belmonte), Roberto Enriquez (Diego de Castamar), Hugo Silva (Enrique de Arcona), Maxi Iglesias (Francisco Marlango), Jean Cruz (Gabriel de Castamar),...
D'après le roman de Fernando J. Muñez.
Issue d'une noblesse désargentée et mise au ban de la société, Clara Belmonte entre comme fille de cuisine chez le Duc de Castamar. Sortant à peine d'un pénible veuvage, celui-ci, en reprenant la vie publique, et en devenant le conseiller du roi d'Espagne, ravive toutes les haines et toutes les convoitises. Aux prises avec les haines mesquines de l'office et les intrigues de la grande maison, Clara, doit composer avec les troubles de son propre passé et l'amitié naturelle, mais mal perçue, qui la lie au maître des lieux.
Clara Belmonte (Michelle Jenner) et Don Diego de Castamar (Roberto Enriquez) |
Autant le dire d'entrée de jeu : cette série a été un énorme coup de coeur, et j'ai avalé les 12 épisodes en un rien de temps, véritablement incapable de m'arrêter... Si l'on devait donner un aperçu de cette série en peu de mots, je dirais que La cocinera de Castamar, est une sorte d'heureux télescopage entre Downton Abbey, Jane Eyre, et Les liaisons dangereuses, transposé dans l'Espagne du XVIIIe siècle. Quoique la série soit nettement plus crue que ses homologues britanniques, la série, adaptée d'un roman de Fernando J. Muñez (et malheureusement pas encore traduit en français), narre les manoeuvres délétères de quelques Grands d'Espagne, de leurs jalousies, de leurs libertinages et de leur oisiveté malsaine, et les petites misères des gens "d'en-bas", dont les destins croisent bien souvent ceux de leurs maîtres. Tout d'abord, il faut dire que les décors et les costumes sont absolument splendides, et n'ont vraiment à envier aux meilleurs period dramas, et qu'ensuite, les personnages sont extrêmement bien brossés et interprétés, pour peu que j'en puisse juger, n'ayant pas lu le roman. Toujours est-il que l'intrigue de cette série est vraiment addictive, et on enchaîne volontiers les épisodes sans voir le temps passer, tant on s'attache rapidement aux personnages, ceux de Clara et de Diego de Castamar en tête, heureuse et chaste parenthèse, bulle isolée et lumineuse, dont les interactions se révèlent être d'un romantisme fou, et en contraste brutal avec les agissements infects de leur monde respectif. Ensuite, on peut compter sur le terrible Enrique de Arcona, campé par Hugo Silva, qui avec ses airs de conspirateur-né et son art consommé à dissimuler ses motivations derrière des sourires et des courbettes hypocrites, se révèle être un antagoniste diablement efficace. Encore un de ces méchants que l'on adore détester... Une série impossible à lâcher !
Don Enrique de Arcona (Hugo Silva) |
D'après les romans de Caleb Carr, avec Dakota Fanning (Sara Howard), Luke Evans (John Moore), Daniel Brühl (Lazslo Kreizler), Douglas Smith (Marcus Isaacson), Matthew Shear (Lucius Isaacson),...
Le Dr Lazslo Kreizler est un aliéniste contesté, spécialisé dans les troubles du comportement chez les enfants, usant de méthodes peu conventionnelles. Déterminé à démêler l'écheveau du crime de deux jeunes gens dont il avait la charge, le Dr Kreizler fait appel à John Moore, l'un de ses anciens camarades de faculté, pour infiltrer les scènes de nouveaux meurtres commis avec les mêmes méthodologies que ceux qu'il s'évertue à élucider. C'est grâce à l'appui de l'assistante du Commissaire de la police métropolitaine, Sara Howard, qu'ils parviennent enfin à tenir une piste solide...
J'ai lu l'Aliéniste il y a quelques années, roman à suspense de Caleb Carr, se déroulant dans le New-York de la fin du XIXe siècle, et avait beaucoup aimé le trio de personnages principaux, de même que l'ambiance très anxiogène de l'intrigue, se déroulant, pour le premier volet, dans le milieu de la prostitution enfantine, dans lequel de jeunes garçons sont assassinés selon des rituels absolument atroces. Etant donné le contexte, très glauque et nauséabond, le côté meurtres crasseux, j'avais eu toutes les peines à rentrer dans le roman, tant je trouve ce genre d'atmosphère dérangeant. Mais disons qu'à force de persister, j'avais surtout accroché en raison de la psychologie des personnages, très fouillée et intéressante. Finalement, la série a bien adapté cet aspect : l'ambiance est noire, assez sordide, mais l'aura des personnages fait en sorte que cela fonctionne à merveille. Je ne cache pas que les trois acteurs principaux sont la raison pour laquelle je suis restée scotchée devant l'écran, hypnotisée par le déroulement de l'intrigue très retorse. Mon principal coup de coeur va bien entendu à Daniel Brühl, campant l'aliéniste Kreizler, avec sa façon de se comporter et de tout analyser, choses et gens, avec une froideur très holmesienne. Personnage glacial à l'ouverture de la série, Kreizler à l'art d'étaler la psychologie des autres sans retenue en étant dénué de tout affect, en évitant surtout soigneusement de dévoiler la sienne. A tel point d'ailleurs, que ses comportements ont tendance à mettre mal à l'aise et à poser question. Je dois dire que son évolution (comme dans le roman) est intéressante de ce point de vue : peu à peu, sous l'influence de Sara et de John, l'aliéniste se voit confronté à ses propres démons, et on voit avec délice la coquille se fissurer. Cette mise à nu le rend faillible, et il est en cela très différent de Sherlock Holmes, dont le personnage a été visiblement inspiré. Cette nuance de caractère le rend éminemment digne d'intérêt. D'autre part, impossible de bouder Dakota Fanning, incarnant une femme au caractère bien trempé, féministe avant l'heure, indépendante et résolue, ainsi que Luke Evans dans un personnage au grand coeur, quoiqu'un peu dissipé, qui contrebalancent avec bonheur l'austérité première du médecin. La première saison m'a davantage plu que la seconde, sans doute parce que Kreizler ne se trouve plus au centre de l'intrigue... Le ton reste tout à fait similaire, dérangeant au possible... Ames sensibles, s'abstenir !
A suivre...