10 mars 2024

Non, ce blog n'est pas mort (enfin, pas encore) !


Déjà deux ans et demi sans aucun article ! 

Il faut dire aussi que cela faisait déjà un petit moment que la publication des posts commençait à s'espacer de plus en plus, jusqu'à disparaître tout à fait.

L'envie n'y était tout simplement plus. Peut-être en partie parce que la blogosphère, autrefois si foisonnante, a beaucoup changé ces dernières années, avec un lectorat toujours plus réduit. Peut-être aussi un peu en raison du travail énergivore que la rédaction de certains articles demande... Et tout simplement par manque de temps, aussi.

Ce blog a été pourtant pendant de longues années (pas loin de vingt ans, si, si) une bouffée d'oxygène, un véritable havre de paix et un espace dédié à mes réflexions sur les lectures, les visionnages, et les passions du moment. Et peut-être finalement ne doit-il être que cela. Un espace public, certes, et donc potentiellement exposé à tous les regards, mais surtout un espace de liberté. Une catharsis. Un endroit où l'on se sent libre de parler de tout et de rien sans attendre de réponse. Un lieu où l'on a l'occasion de développer de la manière que l'on souhaite, sous le format que l'on souhaite, ses pensées, que l'on soit lus ou non, au fond.

Il se pourrait donc que je me remette peu à peu à la rédaction de mes articles avec cette seule optique : simplement écrire, et peut-être plus d'articles aussi longs. C'est aussi pour cette raison que je me retrouve aujourd'hui à publier un nouveau billet. Pour dire que ce blog est effectivement délaissé depuis un moment, mais qu'il n'est pas mort, (non, pas encore) et que je pourrais tout à fait me replonger dans l'exercice des chroniques de lecture... 

A bientôt, donc, pour de nouvelles aventures. Sans doute. 
  

13 novembre 2021

Bilan des lectures de septembre à octobre

L'automne n'aura vraiment pas été très riche en lectures, quoiqu'il ressort tout de même de ce panel, deux très bons romans de styles tout à fait différents... 

Mexican Gothic, de Silvia Moreno-Garcia

Naomí Taboada, jeune mondaine qui n'a d'yeux que pour les soirées bon chic bon genre, reçoit une lettre singulière de sa cousine, récemment mariée à un anglais et habitant depuis lors avec sa belle-famille dans leur manoir située dans une région reculée et hostile du Mexique. Les propos décousus de sa cousine, qui se dit malade et la proie d'hallucinations, réclame l'aide de Naomí. Il n'en faut pas plus à cette jeune femme un peu tête brûlée pour faire immédiatement ses bagages. Arrivée dans la sinistre demeure des Doyle, Naomí, que l'on s'empresse d'éloigner de sa cousine souffrante, se retrouve peu à peu assaillie de singuliers cauchemars, qui la poussent, petit à petit à confondre songes et réalité... Aux prises avec l'époux au charme délétère de sa cousine, et le patriarche de la famille qui semble étrangement nourrir pour elle des attentions malsaines, la jeune femme commence à se rendre compte qu'il lui est impossible de partir, comme si le manoir était en train d'étendre sur elle une influence funeste qui l'affaiblit et l'aliène de manière irrémédiable. 
 

Autant commencer ce bilan lectures par mon plus gros coup de coeur de ces dernières semaines ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que le titre de ce roman n'est pas usurpé... Il s'agit effectivement d'un roman gothique moderne, un vrai, avec son lot de cauchemars, de pénombre et de brume, son ambiance poisseuse, et sa panoplie de personnages "bordeline" qui intriguent et révulsent le lecteur tout à la fois.  Si elle est plutôt sans fioritures, la plume de Silvia Moreno-Garcia est pourtant très efficace ! Ce roman est littéralement palpitant et va vous donner quelques sueurs froides très jubilatoires... On y reconnaît tous les ressorts du roman gothique traditionnel, à savoir des jeunes femmes qu'on isole et qu'on manipule, sur fond d'une demeure sinistre, qui empoisonne et rend fou ses occupants... Tout y est, et je n'ai pas boudé mon plaisir !


Le Serpent de l'Essex, de Sarah Perry

Résumé de l'éditeur

"Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s'installer à Aldwinter, dans l'Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s'intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l'Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l'estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d'étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté."
 

J'avais commencé ce roman il y a quelques années, lors de sa sortie, et il m'était, comme on dit, tombé des mains après une cinquantaine de pages. Ayant appris qu'une adaptation allait en être tirée pour AppleTV, avec Tom Hiddleston à l'affiche, j'ai voulu réviser mon jugement et vérifier, si avec le temps, mon avis aurait évolué. J'ai malheureusement dû constater que j'ai retrouvé exactement le même sentiment de malaise en lisant ce livre, que je me suis contrainte, cette fois, à lire jusqu'au bout, espérant dans ma grande naïveté un revirement de dernière minute, mais il n'en a rien été. Les personnages sont absolument antipathiques et l'histoire sans intérêt... L'idée de base n'est sans doute pas mauvaise, mais comment diable accrocher à un récit qui ne donne à voir que des personnages presque sans affect, et une intrigue qui n'en est finalement pas une ? Je doute vraiment que la sauce puisse prendre dans une adaptation télévisée, mais sait-on jamais, avec des acteurs convaincants et un bon scénariste, tout est possible... ;)


L'Enigme de Catilina, de Steven Saylor

A la veille des élections consulaires, l'enquêteur Gordien, désormais retiré à la campagne avec sa famille, se voit pourtant rattraper par les affaires de Rome et contraint de loger pour quelques temps Lucius Sergius Catilina, ancien lieutenant du dictateur Scylla, et cherchant à briguer le poste de Consul. Alors que ses plus farouches opposants le décrivent comme un être brutal et dégénéré, Gordien découvre avec surprise en Catilina un homme d'un charisme écrasant, pondéré et tranquille, qui ne cache cependant pas ses opinions populistes. Malgré son ancienne loyauté à Cicéron, Gordien se lie d'amitié avec Catilina. Lorsque l'enquêteur découvre un cadavre sur son domaine, il pense  être devenu la cible de ténébreuses pressions politiques...

Voilà l'un des très rares romans qui existent sur l'une des conspirations les plus emblématiques de l'Antiquité, à savoir la Conjuration de Catilina, bien connue grâce aux fameux Catilinaires de Cicéron, alors Consul de la République Romaine sur le déclin. Ces discours reprennent les allocutions du politicien, s'adressant au Sénat, et révélant une gigantesque conspiration initiée par Catilina, à qui l'on reproche, outre des opinions politiques assez dangereuses, plusieurs tentatives d'assassinat sur des sénateurs et sur la personne du Consul... Après avoir quitté Rome, Catilina constitue une armée pour renverser le Sénat, mais est défait en Etrurie, où il meurt sur le champ de bataille. 

C'est après avoir relu plutôt par hasard les Catilinaires dans leur intégralité, que je me suis intéressée de plus près au personnage qui les ont inspirés, à savoir Lucius Sergius Catilina, dont on sait, in fine, très peu de choses. Les discours de Cicéron sont tellement peu objectifs que l'on peine réellement à y démêler le vrai du faux... Connaissant le goût immodéré des sénateurs de l'Antiquité pour monter des conspirations de toutes pièces afin de détricoter la réputation de quelques opposants politiques (voir le scandale de l'assassinat des frères Gracques, encore bien plus connu que l'affaire Catilina), il est toujours intéressant de peser le pour et le contre dans ces scandales vieux de plus de deux mille ans... Si Catilina était effectivement un ancien bras droit de Scylla, reconnu pour quelques histoires pas très glorieuses touchant sa vie privée, force est de constater que Catilina n'était probablement pas le monstre assoiffé de sang que Cicéron décrit, mais un ambitieux parmi d'autres, qui s'opposait violemment au Consul en raison d'opinions politiques très tranchées en terme de partages de biens... Ces avis populistes étaient, on s'en doute, assez peu de bon ton dans une assemblée de patriciens très attachés à leurs richesses... 

Le récit de Steven Saylor, qui s'insère dans la série des enquêtes de son personnage récurent, Gordien, a le mérite de mettre en balance l'image véhiculée par les Catilinaires et la réalité historique, en présentant un Catilina, qui, s'il n'est certainement pas blanc comme neige, se révèle suffisamment fin et intriguant pour rendre cohérent le contexte réel, et mieux comprendre que la vérité se trouve toujours dans un entre-deux. A cheval entre l'intrigue politique et l'enquête criminelle, L'énigme de Catilina ravit par son brillant esprit et son ambiance délicieusement vivante...

A suivre...


25 octobre 2021

La playlist d'automne...

L'automne est là, avec ses feuilles mortes, ses averses, et ses bourrasques... De quoi avoir envie de se pelotonner au coin du feu avec un roman bien anxiogène, et une bonne playlist dans les oreilles... Une petite rétrospective des dernières lectures devrait d'ailleurs suivre bientôt :)

Hunter's Moon (Ghost)

Histoire de bien démarrer ce florilège très de saison, je ne résiste pas à faire part de mon énorme coup de coeur du moment, qui ne paraîtra sans doute pas très original, puisqu'il s'agit du tout nouveau titre du groupe suédois Ghost, pour lequel je ne cache pas mon immense affection ces dernières années. Ce morceau ultra efficace, véritable merveille sonore avec ses lignes de basse accrocheuses, pépite au niveau du texte pour qui aime les ambiances pleines d'angoisse, est en réalité le titre-phare de la BO du dernier opus de la franchise de films "Halloween". Un bonheur pour les fans, dont je suis, dans l'attente d'un nouveau titre depuis près de deux ans... Surprise aussi de découvrir le nouveau "visage" du leader du groupe, dans un clin d'oeil ostensible au masque porté par le sinistre protagoniste des films, Michael Meyers. 


Rise Up (Ben Barnes)

Dans un tout autre genre, parce que décidément, on n'est jamais contre un bon petit contraste, je suis tombée littéralement sous le charme de l'EP de Ben Barnes, sorti il y a quelques jours à peine. L'acteur, bien connu pour ses rôles plein de contradictions, éminemment doué pour camper d'abominables crapules, est aussi chanteur à ses heures. Pour son premier EP, doté de seulement 5 titres, il frappe cependant très fort en faisant montre d'une magnifique qualité sonore et d'une voix vraiment bouleversante... Sur l'album, si "11:11" est la plage qui a été lancée en single, infiniment accrocheuse, je lui préfère de loin Rise up, titre très à fleur de peau. Et on salue aussi au passage la qualité du clip vidéo, d'une très grande poésie. On en redemande... 



We love each other so much (Adam Driver & Marion Cotillard - Sparks) 

Ce titre n'est pas tout à fait une nouveauté, puisqu'il a été entendu à l'occasion de la présentation du film musical "Annette", de Leos Carax, au Festival de Cannes. Si je n'ai pas encore eu la possibilité de voir le film, sorti en Belgique seulement cette semaine et dans quelques salles choisies, je ne cache pas ma curiosité pour ce film qui m'a tout l'air d'être un bel ovni... Cependant, rien que la présence d'Adam Driver est en soi un belle source de curiosité, et à nouveau dans un rôle qui m'a l'air quelque peu borderline, d'où mon grand intérêt... Sans compter que l'entendre chanter et aussi une expérience en soi. Aussi surprenant que cela paraisse, je trouve le résultat vraiment réussi, notamment dans ce titre, écrit comme tout le reste de la BO par le groupe américain Sparks, que l'acteur interprète ici avec Marion Cotillard. Une très belle chanson, pleine de sensibilité et de sens, qui tourne en boucle depuis des semaines dans ma playlist... 


Le Jardin des Larmes (Zaz & Till Lindemann)

Voici un titre tout récent, sorti il y a quelques jours seulement et découvert grâce à la radio Classic21, réunissant un duo très improbable : Zaz et le leader du groupe de métal de Rammstein, Till Lindemann. Comme si l'association ne s'avérait déjà suffisamment surprenante, les deux artistes ont aussi collaboré sur un titre d'un ton infiniment doux et poétique, présentant une association de voix qui laisse assez rêveur, et qui n'est pas sans rappeler un titre comme "Where the wild roses grow" de Kylie Minogue et Nick Cave. Je dois dire que la voix rocailleuse, à la limite de l'atonale, de Till Lindemann s'harmonise pourtant fort bien avec le timbre très doux de Zaz. 
EDIT : depuis la publication de l'article, le clip officiel est désormais disponible sur youtube. On apprécie la cinématographie soignée et les très beaux décors, quoiqu'on peut toujours s'interroger sur le choix plutôt glauque du scénario... De la part de Till Lindemann, on n'en attendait pas moins :)



Dune - Main Title (Toto)

Forcément, comment, en ce moment, ne pas parler de Dune ? Alors bien sûr, on ne peut décidément pas passer outre le film de Denis Villeneuve, véritable splendeur cinématographique, infiniment respectueuse aussi du matériau de base, créé par Frank Herbert. Si j'ai adoré de bout en bout le film récent, de même que sa bande originale magnifique, conçue par Hans Zimmer, je dois dire que j'ai toujours eu en adoration la version de 1984 de Lynch, qui a pourtant son lot de détracteurs. Ce film m'a cependant fait tombée dans la "soupe Dune" extrêmement jeune, sans trop comprendre à l'époque pourquoi ou comment cette histoire obscure et extrêmement complexe de luttes de pouvoirs terrifiante, sur fond de religiosité et de superstitions, dans un monde aride peuplé de vers de sables géants, avait pu me plaire à ce point et résonner en moi pour longtemps. Je n'ai pas pu m'empêcher de me repasser la BO du film de Lynch, conçue par le groupe Toto, très en vogue dans les années 80, véritable merveille, mêlant influences classiques et rock, et qui accompagne si merveilleusement la transformation du personnage de Paul Atréides et l'accomplissement de sa destinée.

17 août 2021

Les étés pluvieux ont du bon...

 

La Cocinera de Castamar (La cuisinière de Castamar) -  Netflix - 2021

Mini-série espagnole, avec Michelle Jenner (Clara Belmonte), Roberto Enriquez (Diego de Castamar), Hugo Silva (Enrique de Arcona), Maxi Iglesias (Francisco Marlango), Jean Cruz (Gabriel de Castamar),...

D'après le roman de Fernando J. Muñez.

Issue d'une noblesse désargentée et mise au ban de la société, Clara Belmonte entre comme fille de cuisine chez le Duc de Castamar. Sortant à peine d'un pénible veuvage, celui-ci, en reprenant la vie publique, et en devenant le conseiller du roi d'Espagne, ravive toutes les haines et toutes les convoitises. Aux prises avec les haines mesquines de l'office et les intrigues de la grande maison, Clara, doit composer avec les troubles de son propre passé et l'amitié naturelle, mais mal perçue, qui la lie au maître des lieux. 

Clara Belmonte (Michelle Jenner) et Don Diego de Castamar (Roberto Enriquez)

Autant le dire d'entrée de jeu : cette série a été un énorme coup de coeur, et j'ai avalé les 12 épisodes en un rien de temps, véritablement incapable de m'arrêter... Si l'on devait donner un aperçu de cette série en peu de mots, je dirais que La cocinera de Castamar, est une sorte d'heureux télescopage entre Downton Abbey, Jane Eyre, et Les liaisons dangereuses, transposé dans l'Espagne du XVIIIe siècle. Quoique la série soit nettement plus crue que ses homologues britanniques, la série, adaptée d'un roman de Fernando J. Muñez (et malheureusement pas encore traduit en français), narre les manoeuvres délétères de quelques Grands d'Espagne, de leurs jalousies, de leurs libertinages et de leur oisiveté malsaine, et les petites misères des gens "d'en-bas", dont les destins croisent bien souvent ceux de leurs maîtres. Tout d'abord, il faut dire que les décors et les costumes sont absolument splendides, et n'ont vraiment à envier aux meilleurs period dramas, et qu'ensuite, les personnages sont extrêmement bien brossés et interprétés, pour peu que j'en puisse juger, n'ayant pas lu le roman. Toujours est-il que l'intrigue de cette série est vraiment addictive, et on enchaîne volontiers les épisodes sans voir le temps passer, tant on s'attache rapidement aux personnages, ceux de Clara et de Diego de Castamar en tête, heureuse et chaste parenthèse, bulle isolée et lumineuse, dont les interactions se révèlent être d'un romantisme fou, et en contraste brutal avec les agissements infects de leur monde respectif. Ensuite, on peut compter sur le terrible Enrique de Arcona, campé par Hugo Silva, qui avec ses airs de conspirateur-né et son art consommé à dissimuler ses motivations derrière des sourires et des courbettes hypocrites, se révèle être un antagoniste diablement efficace. Encore un de ces méchants que l'on adore détester... Une série impossible à lâcher ! 

Don Enrique de Arcona (Hugo Silva)


The Alienist (saison 1) & The Angel of Darkness (saison 2) -  Netflix - 2018-2020

D'après les romans de Caleb Carr, avec Dakota Fanning (Sara Howard), Luke Evans (John Moore), Daniel Brühl (Lazslo Kreizler), Douglas Smith (Marcus Isaacson), Matthew Shear (Lucius Isaacson),... 

Le Dr Lazslo Kreizler est un aliéniste contesté, spécialisé dans les troubles du comportement chez les enfants, usant de méthodes peu conventionnelles. Déterminé à démêler l'écheveau du crime de deux jeunes gens dont il avait la charge, le Dr Kreizler fait appel à John Moore, l'un de ses anciens camarades de faculté, pour infiltrer les scènes de nouveaux meurtres commis avec les mêmes méthodologies que ceux qu'il s'évertue à élucider. C'est grâce à l'appui de l'assistante du Commissaire de la police métropolitaine, Sara Howard, qu'ils parviennent enfin à tenir une piste solide... 

J'ai lu l'Aliéniste il y a quelques années, roman à suspense de Caleb Carr, se déroulant dans le New-York de la fin du XIXe siècle, et avait beaucoup aimé le trio de personnages principaux, de même que l'ambiance très anxiogène de l'intrigue, se déroulant, pour le premier volet, dans le milieu de la prostitution enfantine, dans lequel de jeunes garçons sont assassinés selon des rituels absolument atroces. Etant donné le contexte, très glauque et nauséabond, le côté meurtres crasseux, j'avais eu toutes les peines à rentrer dans le roman, tant je trouve ce genre d'atmosphère dérangeant. Mais disons qu'à force de persister, j'avais surtout accroché en raison de la psychologie des personnages, très fouillée et intéressante. Finalement, la série a bien adapté cet aspect : l'ambiance est  noire, assez sordide, mais l'aura des personnages fait en sorte que cela fonctionne à merveille. Je ne cache pas que les trois acteurs principaux sont la raison pour laquelle je suis restée scotchée devant l'écran, hypnotisée par le déroulement de l'intrigue très retorse. Mon principal coup de coeur va bien entendu à Daniel Brühl, campant l'aliéniste Kreizler, avec sa façon de se comporter et de tout analyser, choses et gens, avec une froideur très holmesienne. Personnage glacial à l'ouverture de la série,  Kreizler à l'art d'étaler la psychologie des autres sans retenue en étant dénué de tout affect, en évitant surtout soigneusement de dévoiler la sienne. A tel point d'ailleurs, que ses comportements ont tendance à mettre mal à l'aise et à poser question. Je dois dire que son évolution (comme dans le roman) est intéressante de ce point de vue : peu à peu, sous l'influence de Sara et de John, l'aliéniste se voit confronté à ses propres démons, et on voit avec délice la coquille se fissurer. Cette mise à nu le rend faillible, et il est en cela très différent de Sherlock Holmes, dont le personnage a été visiblement inspiré. Cette nuance de caractère le rend éminemment digne d'intérêt. D'autre part, impossible de bouder Dakota Fanning, incarnant une femme au caractère bien trempé, féministe avant l'heure, indépendante et résolue, ainsi que Luke Evans dans un personnage au grand coeur, quoiqu'un peu dissipé, qui contrebalancent avec bonheur l'austérité première du médecin. La première saison m'a davantage plu que la seconde, sans doute parce que Kreizler ne se trouve plus au centre de l'intrigue... Le ton reste tout à fait similaire, dérangeant au possible... Ames sensibles, s'abstenir !


A suivre...

13 août 2021

The Bride (La promise) - 1984

The Bride (La Promise) - 1985 - Réal. : Franc Roddam

Avec Sting (Dr Frankenstein), Jennifer Beals (Eva), Clancy Brown (la Créature), David Rappaport (Rinaldo),...

D'après le roman de Mary Shelley, et le film de James Whale "La fiancée de Frankenstein".

Après avoir créé un monstre, le Dr Frankenstein s'ingénie à lui concevoir une compagne, qu'il prénomme Eva. A son réveil, celle-ci, terrorisée par l'apparence de son "fiancé", le fait fuir. La créature erre alors sur les routes et finit par être engagé dans un cirque, tandis qu'Eva, demeurée chez le scientifique qui lui a donné vie, et qu'il fait passer pour sa pupille, souhaite désespérément savoir d'où elle vient...

J'ignorais jusqu'à très récemment que Sting avait un jour campé le Dr Frankenstein dans une adaptation très "eighties" de l'histoire imaginée par Mary Shelley, et c'est ce qui m'a tout bêtement décidée à me lancer dans ce visionnage plutôt improbable. Plusieurs semaines après avoir visionné ce film, je ne sais toujours pas exactement dans quelle catégorie le ranger... Fantasy ? Horreur ? Fantastique ? Romance ? Impossible de le dire, car il s'agit à dire vrai d'un mélange assez étonnant de tout cela, pour ne pas dire franchement invraisemblable. Une chose est certaine, c'est que ce mélange de genres donne un écho résolument gothique au résultat, qui peut paraître de ce fait un peu brouillon. Mais on n'est finalement pas si éloigné que ça d'une ambiance à la Ann Radcliffe, ou à la Matthew G. Lewis. On lorgne clairement du côté des châteaux hantés, des cimetières plongés dans la brume et dans les caveaux humides envahis de chauve-souris... Au niveau ambiance glauque et fiévreuse, le film remplit très bien sa mission, en présentant une héroïne évanescente, résolument intelligente, mais trop innocente et sensible pour canaliser la psychologie trouble du Dr Frankenstein. Si au départ, celui-ci semble résolu à "façonner" l'esprit d'Eva comme bon lui semble, le personnage se révèle empreint d'un tel magnétisme mauvais, avec ses poses énigmatiques et ses silences funestes, qu'ils donnent à voir un aspect plutôt toxique de sa personne et de ses motivations. Comme quoi, le monstre n'est pas toujours celui qu'on pense... 

Sting (Charles (?) Frankenstein)et Jennifer Beals (Eva), dans une ambiance teintée d'une magnifique romantisme noir 
 
Le film alterne les scènes réunissant Eva et le Dr Frankenstein, et celles suivant les pérégrinations du monstre, "le vrai", confronté à la cruauté du monde. Les premières foisonnent de clichés gothiques qui lorgnent donc du côté de l'ombre (que j'adore et que je ne vais vraiment pas bouder), tandis que les secondes frayent avec la lumière, et donnent un ensemble assez hétéroclite au résultat, donc la fin apparaît tout de même un peu comme un gros pavé jeté dans la mare, avec son ton un peu convenu. A vrai dire, au sortir du film, on se retrouve un peu comme en flottement, avec un sentiment à la fois de malaise et d'incertitude, qui m'a rappelée un peu mon sentiment post-visionnage du Moine de Dominik Moll... Il est certain que The Bride est aussi un peu le reflet des films de fantasy en vogue dans cette décennie, et donne à voir de très bons visuels et de solides idées, mais dans sur un ton sans cesse fluctuant qui fait que malgré sa bonne volonté, le film s'égare quelque peu, sans pouvoir jamais se fixer. Du reste, impossible de bouder Sting dans ce rôle de scientifique et penseur inquiétant, véritable icône d'une certaine forme de romantisme noir. 

Sting (le Dr Frankenstein)



11 août 2021

Lectures pépites de l'été

La Bible Perdue, d'Igor Bergler 

Charles Baker, un éminent universitaire, se voit interrompu en pleine conférence par la police roumaine pour se rendre sur les lieux d'un crime atroce, perpétré selon un rituel sanglant. Lancé sans le vouloir sur les traces d'un assassin aussi terrible qu'insaisissable, et épaulé par une enquêtrice d'Interpol, Charles Baker se retrouve aux prises avec une société secrète, souhaitant récupérer le sabre de Vlad l'Empaleur et la première Bible de Guthenberg, commanditée par le tristement célèbre prince des Carpathes... 

Que voilà un étonnant roman d'intrigues d'un auteur roumain que je ne connaissais pas mais qui semble rencontrer un certain succès en Europe de l'est. En commençant la lecture, je croyais me lancer dans un roman du style de ceux de Dan Brown, cependant, j'ai été forcée de constater que même si on lorgne clairement du côté du mystère et du polar ésotérique, La Bible Perdue est en réalité un roman d'une précision rare, extrêmement bien documenté et qui exploite à merveille l'Histoire et les légendes roumaines, et bien entendu surtout celle de Vlad Tepes III, qui est la pierre angulaire de ce livre, qui m'a décidément fait beaucoup penser au diptyque d'Elizabeth Kostova, "L'Historienne et Dracula", pour son côté soigné et profondément érudit. Il est clair que malgré la densité de la narration, des digressions aussi que l'on pourrait peut-être reprocher à l'auteur, je suis restée scotchée sur ce livre foisonnant, où l'on ne s'ennuie pas une seule seconde, et au détour duquel on apprend aussi énormément de choses, le tout noyé dans une ambiance brumeuse et inquiétante à laquelle il est impossible de rester indifférent. Alors attention, même si les références au mythe de Dracula sont nombreuses, il n'est pas question ici de récits vampiriques, mais plutôt de gigantesques conspirations déployées à travers l'histoire de l'humanité... Une très belle découverte, qui mériterait sans doute une seconde lecture pour bien en appréhender tous les ressorts !


L'Estrange Malaventure de Mirella, de Flore Vesco

Lorsque la petite bourgade de Hamelin est envahie par les rats, l'humble Mirella, la porteuse d'eau, ignorée de tous, se voit soudain investie d'un don sans précédent. Elle semble voir celui que personne ne peut voir : l'homme encapuchonné qui se penche à l'oreille des habitants de Hamelin qui vont bientôt mourir de la peste. S'en suit un duel sans merci entre la jeune fille et la mort en personne... 

Ce roman faussement classé en YA, est un véritable coup de coeur. Tout d'abord pour l'écriture, entièrement réalisée dans les premiers chapitres en vieux français, ce qui relève en soi du tour de force, et qui a le don de vous plonger dans une ambiance médiévale absolument plus vraie que nature. Ensuite pour cette histoire du Joueur de Flûte de Hamelin, complètement revisitée, dont je ne conservais de mon enfance qu'un très vague souvenir. Mirella est une jeune porteuse d'eau aux cheveux de feu, qui peu après l'arrivée des rats dans la bourgade, commence à apercevoir une silhouette mener les rats apportant la peste, et semblant comme choisir ceux qui vont mourir en se penchant à leur oreille... Invisible aux yeux de tous, la personnification de la maladie, jeune homme à la peau d'ébène d'une beauté saisissante, remarque cette jeune fille qui le trouble et l'intrigue. Mirella se lance donc dans un combat avec la Peste en personne afin de sauver la ville, pour laquelle elle n'est pourtant qu'une réprouvée. Evidemment, au vu de cette opposition délicieuse entre deux contraires, entre la mort et la vie en quelque sorte, dans l'attraction qu'ils exercent aussi l'un sur l'autre, cette trame ne pouvait que me plaire, et c'est peu dire ! Le tout est mené d'une manière peu habituelle, conclu de manière tout aussi peu conventionnelle, et c'est ce qu'il y a finalement de plus appréciable : tout le piquant et l'éternelle lutte de la lumière contre les ténèbres persistent jusqu'au bout, dans un style absolument fantastique, sans que le propos ou les interactions ne s'en retrouvent affadis ! Une lecture que je recommande à coup sûr pour tous les admirateurs de personnages complexes et de belle littérature. Il est à noter que Flore Vesco a également sorti il y a peu un roman intitulé "D'or et d'oreillers", revisitant cette fois le conte de la Princesse au petit pois, mais que j'ai trouvé en-dessous de celui-ci, même si le contenu reste profondément inventif. Mais peut-être que la thématique m'a tout simplement moins parlée. Je vous en laisse juge ;)


Les Fleurs de l'ombre, de Tatiana de Rosnay

Clarissa, auteur de romans, tout juste sortie d'une séparation douloureuse, se réfugie dans une résidence pour artistes située en plein Paris, où les candidats sont triés sur le volet. Sans savoir pourquoi elle a été retenue après une série d'entretiens étranges, la voilà installée dans son nouvel appartement, truffé de technologie dernier cri, où son assistante virtuelle, "Mrs Dolloway", semble la scruter en permanence. Bientôt le "confort" de cette nouvelle vie, le contrôle permanent qu'il lui impose, la met mal à l'aise, et bientôt Clarissa se sent en danger. Que veulent réellement ceux qui sont à la tête de cette résidence d'artistes ? Pourquoi l'observent-ils ?

J'ai tendance à rapprocher de plus en plus Tatiana de Rosnay du style de Daphne du Maurier, en raison de cette impression de menace sournoise, invisible, planant sur les protagonistes, et sur les motivations singulières de cette menace, que n'aurait pas boudée l'auteur de Rebecca ou de Mad... Ce court roman se déroulant dans un futur plus ou moins proche, dans lequel l'omniprésence d'une certaine forme de technologie avec toutes ses dérives n'est pas sans rappeler certains aspects de 1984, m'a littéralement ravie par son style direct et diablement efficace. Le doute que laisse planer la conclusion du récit m'a laissée un long moment en flottement, avec une bonne dose de réflexion à la clé. A lire absolument lorsque l'on aime les ambiances incertaines et les conclusions pleines de frustrations à la Du Maurier !

 

La Vie invisible d'Addie Larue, de V.E. Schwab

Le jour de son mariage, Adeline Larue, jeune femme indépendante de la France rurale du XVIIIe, désespérée par l'union qu'on la force à conclure, se met à invoquer désespérément les anciens dieux, afin qu'ils lui viennent en aide. La seule aide qui lui vient est celle de la Nuit elle-même, un démon qui lui propose d'échanger son âme contre l'oubli éternel. Sans comprendre dans quoi elle s'engage, la jeune femme accepte. La voilà donc devenue immortelle, mais condamnée à jamais à être oubliée par tous ceux qu'elle rencontre... 

Cela faisait un long moment que cette brique de 700 pages me faisait de l'oeil dans les rayons de la librairie, et j'ai fini par céder, parce que le mythe faustien, décidément, je n'y résiste jamais ! Je dois dire que j'attendais beaucoup de ce roman, peut-être un peu trop. Et même s'il a été impossible à lâcher, j'ai été un peu désappointée par les personnages, en tout premier lieu par celui d'Addie, auquel je trouve qu'il est très difficile de s'attacher, et par celui d'Henry. La lecture vaut vraiment le détour pour le personnage du démon aux yeux verts, sorte de diable faustien, fasciné par sa proie, jouant avec elle pour mieux la faire céder, mais n'en demeurant pas moins admiratif lorsqu'elle déjoue ses plans les mieux établis... La relation d'attraction-répulsion entre eux est le meilleur ressort du livre, dans lequel se trouve malheureusement in fine beaucoup de longueurs... La construction du récit reste aussi tout à fait excellente, avec ses incessantes ruptures de chronologie, et qui permettent de découvrir l'histoire et la psychologie des personnages au compte-gouttes, ce qui est assez plaisant en soi. Je reste tout de même un peu sur ma faim en raison du manque d'empathie pour le personnage principal, mais très satisfaite par la conclusion, qui est une merveille d'ambigüité. 

A suivre...