20 février 2020

Bilan des derniers visionnages de décembre à janvier

Voici le bilan de mes visionnages de ces quelques dernières semaines, et comme vous le verrez, il y a comme souvent pas mal de (mini-)séries, et de très beaux ou surprenants films au programme !

Profit 
(Fox - 1996)


Cela fait sans doute un peu plus de dix ans que j'ai entendu parlé pour la première fois de PROFIT, considérée à son époque, comme un véritable ovni télévisuel. Je n'avais jamais eu l'opportunité de la regarder, car elle n'a fait qu'un passage éclair sur les chaînes francophones, et parce que le coffret cassettes (eh oui, c'est une autre époque...) ou dvd sont devenus tout simplement hors de prix. Heureusement qu'il existe youtube dorénavant pour empêcher ce genre de perles de sombrer dans l'oubli... En quelques mots, la série retrace les manipulations et les chantages machiavéliques de Jim Profit, trentenaire arrogant, fraîchement engagé comme directeur adjoint des acquisitions dans une multinationale de fusion et de rachat d'entreprises, nommée Gracen & Gracen. Durant cette unique saison de 8 épisodes (un pilote d'1h30 et 7 épisodes de 45 minutes), on assiste aux actes crapuleux de Profit, qui n'a qu'un objectif : abattre un à un les pions qui se trouvent entre lui et le pouvoir suprême de l'entreprise.



Si quelques aspects de la série accusent un peu leur âge (notamment les quelques éléments d'intrigues touchant à l'informatique, devenues complètement obsolètes), il est très étonnant de constater à quel point cette série peut faire encore mouche aujourd'hui. Et pour cause : la série Profit est en réalité une adaptation à peine déguisée du Richard III de Shakespeare... Alors certes, le personnage principal n'est ni bossu, ni boiteux, mais il a le machiavélisme, l'intelligence implacable, l'hypocrisie monstrueuse et la même volonté que ce dernier à demeurer dans l'ombre. Ses motivations sont les mêmes : le pouvoir, plus d'ailleurs que l'argent qui logiquement l'accompagne. A vrai dire, on s'aperçoit très vite que l'argent n'a pour lui qu'une importance très secondaire, et qu'il ne lui sert qu'à servir ses ambitions, et non à contenter son orgueil. On ne sait même pas, d'ailleurs, si le personnage en est doté, tant en dehors de son travail, il semble être une sorte de coquille vide. Pour autant qu'il soit remarquable dans ses manipulations et ses chantages, Jim Profit n'en demeure pas moins un personnage à la psychologie troublante : assassin, manipulateur, menteur, il brille en société, pour malgré tout retourner volontairement vers les maltraitances de son enfance dès qu'il rentre chez lui... Le personnage peut donc autant mettre mal à l'aise qu'il ne suscite une certaine admiration chez le spectateur... S'il est foncièrement sociopathe, il n'en est pas pour autant monocorde : il a quelques accès de philanthropie qui posent tout de même question. Il fait parfois ainsi en sorte que certaines victimes puissent se venger de leurs bourreaux de manière assez magistrale... Et ces scènes laissent à elles seules planer le doute sur ses propres motivations. Là est sans doute l'un des plus beaux tours de force de la série : Profit est un prédateur qui s'attaque à d'autres prédateurs, aussi ne peut-on jamais complètement le détester. On se prend à s'inquiéter bien souvent de ce que ses manipulations ne soient mises en échec. On est interpellé par ses motivations dont il tient le spectateur au courant en faisant de régulières apartés comme le ferait un acteur de la scène d'un théâtre (et cela renvoie bien entendu aux monologues et aux apartés de Richard III), ou par des discours tenus en voix-off, tout comme par ses sourires entendus et ses clins d'oeil vers la caméra. Le spectateur se sent donc à juste titre comme le complice involontaire de ses machinations... On pourrait être étonné, vu le contexte très intemporel du personnage, du peu de succès rencontré par la série Outre-Atlantique, ou ailleurs. Son aspect avant-gardiste m'a beaucoup étonnée, et annonçait bien avant l'heure des séries comme House of cards. Profit était sans doute, au vu de son format, de son scénario très retors, de son contexte politiquement incorrect, de ses personnages malsains, beaucoup trop en avance sur son temps... Elle a été probablement mal comprise, trop sombre, trop sérieuse, trop sinistre pour son époque... Et à ce titre, elle faisait véritablement figure d'exception dans le paysage audiovisuel de son temps. Elle demeure néanmoins toujours une expérience assez unique, dans son statut et dans son contexte, à l'issue de laquelle on garde pour longtemps encore en mémoire le visage carnassier de Profit, interprété magistralement par le ténébreux Adrian Pasdar. 



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The Square
(film suédois - 2017)



Il faut que je sois honnête, c'est à cause de mon tout récent visionnage de la mini-série Dracula, et de ma découverte de l'acteur danois Claes Bang, que je me suis intéressée à The Square. Palme d'or du Festival de Cannes en 2017, ce film suit Christian, le conservateur d'un musée d'art moderne en Suède, dans son quotidien entre sa gestion aléatoire du musée, ses aventures amoureuses d'un soir, et ses soirées mondaines bon chic bon genre. Le seul adjectif que je pourrais attribuer à ce film encensé par la critique est "bizarre". Jubilatoire, il l'est sans doute, si on connaît un tant soit peu les musées d'art moderne, qui se font bien égratignés au passage. Il est d'ailleurs très compliqué d'en faire un résumé, car ce film parle de tout et de rien, en étant tantôt loufoque, tantôt grave, tantôt très dérangeant. C'est un film qui paraît quelque peu sans identité, sans message, sans fond. On se demande d'ailleurs parfois si les dialogues ne sont pas improvisés... On ignore à vrai dire s'il s'agit d'un chef-d'oeuvre ou d'un navet, s'il faut en rire ou en pleurer... Bref, je suis restée un peu éberluée derrière mon écran, après deux heures trente de visionnage énigmatique... Le film vaut sans doute le coup d'oeil pour son contexte très étrange, et pour ses interprètes, Claes Bang en tête, qui offre là une performance d'acteur absolument décomplexée. Une curiosité.  


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Jekyll 
(BBC 2007)


Il s'agit ici d'un re-visionnage, dont j'ai déjà parlé brièvement dans cet article du mois de janvier consacré à L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. C'est en explorant à nouveau ce mythe littéraire, que j'ai décidé de ressortir cette série scénarisée par l'incontournable Steven Moffat des tréfonds de mes étagères... J'avais vu ce Jekyll il y a plus de dix ans, peu de temps après sa diffusion sur BBC One. Rien que l'écrin dvd de l'époque avait de quoi intriguer : il était composée d'un coffret métallique recouvert d'une sorte de poche de sang synthétique liquide, tandis qu'on voyait en transparence la tête de fou de James Nesbitt en Hyde... Autant dire que le ton était donné 😅 !

Et on excusera cette fameuse poche de sang synthétique qui eu le temps de sécher en treize ans...!
Jekyll, tout comme Sherlock ensuite, ou encore Dracula plus récemment, est un merveilleux exemple de cette réécriture de classiques qui est devenue aujourd'hui une marque de fabrique du duo Gatiss-Moffat. A l'époque, Jekyll était vraiment novatrice et avait d'ailleurs fait grand bruit : non seulement parce qu'elle donnait à voir une modernisation d'un mythe littéraire, mais aussi parce qu'elle était tout de même très violente, même si la sauvagerie de Hyde était plus suggérée qu'explicite. Néanmoins, même si je l'avais trouvée relativement très intéressante dans sa façon d'interpréter le double  personnage de Jackman/Hyde, je l'avais considérée également assez dérangeante à regarder lors de mon premier visionnage. A vrai dire, elle m'avait mise mal à l'aise comme l'avait fait le roman à la première lecture. Le personnage de Hyde, campé par James Nesbitt, est à la fois très jubilatoire tant il est cabotin et grossier, mais aussi tellement pathétique quand il est Jackman (le personnage, descendant du Jekyll victorien, porte un autre nom), qu'on ne peut qu'apprécier le jeu d'acteur de Nesbitt, qui visiblement s'en était donné à coeur joie. Alors évidemment, cette adaptation est un véritable dépoussiérage, une réinterprétation de l'histoire originale, elle est donc fidèle au roman à sa manière... A savoir que si le brave docteur Jackman tente de contenir son double malfaisant, il se plaît aussi à avoir recours à ses "services" lorsque le besoin s'en fait sentir... La survenue de Hyde, si elle paraît peu maîtrisée au départ, s'avère en réalité tout à fait opportune au final, et c'est un élément qui est souvent repris d'une adaptation à l'autre. Jackman a besoin de Hyde pour vivre, ou plutôt pour survivre. J'ai beaucoup apprécié la description qu'en fait l'un des personnages de la série : "un enfant dans un corps d'adulte", il en a l'instabilité de caractère, les réactions brutes, non nuancées, presque animales, mais avec la force et les défauts d'un corps adulte. Si on sourit bien des fois de son irrévérence, la série glace tout de même par sa violence suggérée, par les atrocités sous-entendues dont Hyde est capable et qui menacent à tout instant de submerger Jackman. L'opposition tout à fait magnifique entre Hyde et sa femme (ou plutôt la femme de son double), est l'un des ressorts les plus intéressants de la série, qui s'achève sur une note tellement incertaine qu'elle aurait volontiers appelé une seconde saison... Mais Jekyll ne comportera jamais que 6 épisodes de 45 minutes intenses et crépusculaires... 


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The Pale Horse
(BBC 2020)

Voilà encore un nouveau drama de la BBC comme je les aime... Adapté d'un roman bien connu d'Agatha Christie, The Pale Horse est l'une des très bonnes surprises de ce début 2020. En entamant le visionnage de ces deux épisodes, j'avoue que je ne me rappelais guère la trame de l'histoire d'origine, sinon qu'il y était question de morts mystérieuses sur fond de magie noire... Je n'avais donc aucun a priori concernant cette adaptation, hormis le fait que j'étais tout à fait disposée à adorer le personnage de Mark Easterbrook campé par Rufus Sewell... Depuis l'ultime épisode de The Man in the High Castle, où l'acteur interprétait un très détestable officier nazi, il fallait que je trouve de quoi combler mes frustrations en matière de personnage ambigu... :p Et je n'ai pas été déçue... La série joue sur les flashbacks et la déstructuration du récit pour bien égarer le spectateur, et les scénaristes l'ont fait avec brio. La série est visuellement très impressionnante, joue magnifiquement avec nos nerfs, et on y évolue comme au travers d'un cauchemar... Au niveau de l'atmosphère, je l'ai trouvée assez similaire à celle de la mini-série "And then there were none" (Les dix petits nègres) de 2015, énigmatique et anxiogène au possible. Et si comme moi, vous aimez les personnages en demi-teinte, vous ne serez pas déçus par ceux brossés dans cette mini-série. Après avoir relu le résumé du roman d'Agatha Christie, je conçois tout de même qu'il faille sans doute se défaire un peu du matériau de base pour pouvoir apprécier cette version, où les personnages ont été volontairement noircis. 

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My cousin Rachel
(film britannique, 2017)


Tout d'abord, je remercie chaleureusement Lorinda, parce que ce dvd était l'un de mes très beaux cadeaux de Noël ! Je l'ai visionné tout récemment, et j'ai été vraiment très emballée par cette nouvelle adaptation du roman de Daphne du Maurier dont elle est issue, et qui est sans doute l'un de mes romans préférés de l'auteur, avec Rebecca et L'Auberge de la Jamaïque. Même si ma lecture du roman remonte à quelques années, j'ai trouvé cette version très fidèle, très respectueuse de l'esprit original. Les interprètes donnent merveilleusement vie aux personnages de Rachel et Philip, les deux protagonistes de cette histoire tellement délétère. Pour preuve de sa réussite, le film m'a mise inévitablement mal à l'aise : Rachel Weisz, derrière ses sourires et ses regards énigmatiques, campe une Rachel troublante à souhait, tandis que Sam Claflin incarne un Philip délicieusement naïf, qu'on a plus d'une fois envie de mettre en garde contre la duplicité de "sa cousine"... Tout comme dans le roman, le doute plane totalement sur les motivations du personnage féminin et sur le véritable fond de sa nature, ignorant si le jeune Philip se trouve la victime ou non ses machinations, même si les effets néfastes de ses actions sont quant à eux, bien réels. Le film, tout comme le personnage central, laisse planer le doute dans l'esprit des personnages eux-mêmes, comme dans celui du spectateur... Comme toujours avec Daphne du Maurier, l'histoire se termine sur une incertitude, une frustration terrible, qui vous hantera pour longtemps... Il en est souvent ainsi avec les personnages troubles qu'affectionnait tant l'auteur, et qui vous laisse comme un immense sentiment d'amertume au coeur... Le film vous laisse exactement une sensation similaire : on y retrouve tout l'esprit, tout la confusion de sentiments que ses personnages suscitent, avec des images splendides et des acteurs absolument parfaits... 

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4 commentaires:

  1. Merci de prendre le temps de partager tes impressions avec nous =)
    Je crois que j'avais vu Jekyll à sa sortie (ou seulement le début ou des extraits ? je ne me souviens pas, seulement une impression de malaise et de violence qui me reste). Je crois que je n'avais pas encore entendu parler de Profit, il faudra que je jette un oeil à l'occasion ! Pour The Pale Horse, ça me donne envie de reprendre la lecture d'Agatha Christie, tiens ! Ca fait des années que je n'en ai pas lu (alors que j'adorais cela, adolescente). Quant à Ma cousine Rachel, je ne l'ai jamais lu. Il faut vraiment que je rattrape cela ! J'avais repéré le film à sa sortie (j'aime beaucoup Rachel Weisz), mais je tenais à lire le roman avant... Eh bien, je vois qu'à te lire, ma PAL a encore augmenté ^^

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  2. Merci pour ton commentaire, Anne ! Comme toi, le souvenir que j'avais gardé de Jekyll est celui d'un profond malaise, d'une impression de violence sauvage. Et il est clair que la mini-série joue sur ces registres...
    Quant à Profit, elle accuse peut-être un peu son âge sur certains aspects, mais elle est véritablement brillante et on comprend vraiment a posteriori pourquoi cette série n'a pas fonctionné à son époque. Aujourd'hui, elle passerait beaucoup mieux... En tout cas, je le ta conseille, tout comme la dernière adaptation de Ma cousine Rachel, d'ailleurs ! :) Et désolée d'avoir contribué à l'agrandissement de ta vertigineuse PAL :p

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  3. Je n'ai, pour ma part,jamais entendu parler de Profit, mais je comprends pourquoi tu dis qu'il a été certainement mal compris et mal perçu pour son époque. La série a clairement un ton et des personnages qui appartiennent plus à une série d'aujourd'hui...Le personnage principal semble en tout cas remarquable, très ambivalent tout en ayant clairement un côté sociopathe. Sa façon de briser le 4e mur doit être aussi très déconcertante !

    J'ignorais totalement que Jekyll était sorti en DVD avec cette étrange version, mais originale pour le coup ! Je n'ai qu'un DVD classique, acheté lors d'un passage à Londres, je crois que je n'avais jamais trouvé la série en France. Nesbitt était vraiment fascinant là-dedans, bien qu'il soit dérangeant et effrayant aussi. La suggestion est parfois pire que quand on montre tout. Tu décris très bien la série, et Jekyll, enfant coincé dans un corps d'adulte, et pourtant parfois plus compréhensible que son alter ego adulte et bien hypocrite. J'ai beaucoup aimé la mini-série And there were none, aussi peut-être que je jetterai un coup d'oeil à Pale Horse. Je n'ai jamais lu d'Agatha Christie, donc rien qui m'influencera à ce niveau-là ! Et je dis jamais non aux personnages en demi-teinte..

    Enfin, pour Ma cousine Rachel, je suis ravie que le film t'ait plu ! Moi aussi il m'a mis un peu mal à l'aise lors de sa sortie cinéma, très beau, finement filmé, mais en même temps, très ambigu...je me suis demandée si Rachez Weisz ne jouait pas volontairement son personnage de deux façons : un plan "innocente", un plan "coupable" et ainsi de suite, jouant sur les deux interprétations possibles du personnage pour mieux nous dérouter. Ça me donne envie de relire Daphne du Maurier, elle qui avait l'air de créer ces personnages ambigus sur fond trouble.

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    1. Franchement, je te conseille Profit... Comme tu le dis bien, elle avait une manière assez inédite pour l'époque de briser le 4e mur. Adrian Pasdar en Profit est une petite merveille d'ambiguïté : c'est un salaud notoire, mais il a été un enfant martyrisé, il a un aspect très propre sur lui alors que le fond de sa psychologie est vraiment nauséabonde... Il menace les gens mais fait en sorte de leur offrir l'opportunité de grandir... C'est sur le fond, très dérangeant, mais assez fascinant sur la forme. Il est tellement dommage que la série se soit arrêtée en si bon chemin, car on sent vraiment que les scénaristes avaient prévu une suite aux manigances de Jim Profit. Sur les 2-3 derniers épisodes, il y a un développement très savoureux qui se met en place entre Profit et son assistante Gayle, une gentille fille qu'il pousse vraiment dans ses retranchements, dans le seul but de lui faire dépasser ses traumatismes, voire à la régler... C'est très surprenant, un peu perturbant, surtout quand on se replace dans le contexte télévisuel de l'époque... En tout cas, si tu as l'occasion, on peut voir la série dans son intégralité sur youtube, c'est une curiosité !
      Si tu as aimé la mini-série And then there were none, tu vas adorer The Pale Horse, c'est sûr ! La série est brillamment écrite, je pense que tu apprécieras la narration peu habituelle.
      Concernant ma Cousine Rachel, j'ai vraiment adoré en étant mise très mal à l'aise par le personnage campé par Rachel Weisz, qui est vraiment magnifique dans ce rôle tout de même très compliqué. Ce que tu dis est très juste, on a vraiment l'impression qu'elle joue sans personnage alternativement de deux façons différentes... Je suppose que cela renvoie sans doute aussi au fait que l'on suspecte clairement qu'elle est un peu schizophrène sur les bords... En tout cas, c'est une sacrée performance d'actrice ! Ce film a très bien retranscrit l'ambiance du roman, beaucoup mieux que le film avec Richard Burton, qui était très aseptisé. En tout cas, encore merci pour le cadeau et pour la découverte !

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