23 août 2019

The Man in the High Castle - série (2015-2019)

Saisons 1 à 3

Réalisée par Frank Spotnitz, d'après le roman éponyme de Philip K.Dick

Disponible sur Amazon prime video

Avec Alexa Davalos (Juliana Craine), Rufus Sewell (Obergruppenführer John Smith), Rupert Evans (Frank Frink), DJ Qualls (Ed McCarthy), Joel De la Fuente (Chief inspector Kido), Cary-Hiroyuki Tagawa (Trademinister Tagomi), Luke Kleintank (Joe Blake), Sebastian Roché (Reichsminister Heusmann),...


Imaginez un monde où Hitler, allié aux Japonais, aurait remporté la seconde guerre mondiale, et où Les Etats-Unis se retrouvent scindés en trois zones : la côte ouest sous la gouvernance japonaise, la côte est sous celle du Reich nazi, et une zone neutre. La série se déroule au début des années soixante à San Francisco, où les "gaijin" (les non-japonais), sont traités plus ou moins comme des sous-hommes, mais où une certaine forme de résistance s'organise. C'est ainsi que Juliana, qui voit sous ses yeux sa soeur assassinée par des policiers japonais, se retrouve précipitée dans un réseau de transfert de bobines de films, sur lesquelles on voit se dérouler une réalité alternative : et si, finalement, l'Allemagne nazie avait perdu la guerre... ? Ces images, qui ne sont guère au goût du Reich, sont activement recherchées par les nazis, ainsi que celui qui semble les "fabriquer" : Le maître du Haut-Château... Toute la question est de savoir surtout comment celui-ci les a obtenues...

***

J'avoue que malgré le bien que l'on disait de cette série, je m'y suis lancée un peu à reculons... Le roman de Philip K. Dick duquel elle s'inspire assez librement, m'est tombé des mains au bout de quelques dizaines de pages. La faute à une trame vraiment extrêmement confuse, et un style d'écriture quelque peu au hachoir... Et pourtant, après avoir visionné les quelques premiers épisodes, je suis tombée vraiment sous le charme de cette série à l'ambiance crépusculaire. Le matériau de base étant très hermétique, il a fallu aux scénaristes revoir l'entièreté de l'histoire, et surtout étendre l'univers créé par Philip K. Dick, et le diluer sur pas moins de 4 saisons, à raison de 10 épisodes d'une heure pour chacune, dont la dernière sera disponible à partir de novembre. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de difficulté à rédiger un résumé cohérent, car elle se révèle particulièrement difficile à synthétiser, voire à expliquer... L'histoire est particulièrement complexe, et les retournements de situation sont tellement nombreux, que l'on pourrait volontiers s'y perdre, et se perdre surtout dans la classification même de cette série... Il s'agit certes d'une uchronie, et donc à proprement parler, de science-fiction ou de fantastique, bien que ces aspects soient très peu présents ou palpables dans les deux premières saisons. On lorgne alors plutôt du côté de la série d'espionnage ou tout simplement d'intrigue. Or, je suis en général assez peu friande de ce genre de contexte, mais très vite, je me suis laissée emporter par cette trame tarabiscotée, obscure mais jamais confuse, qui nous présente une réalité alternative à faire froid dans le dos.

Juliana Crain (Alexa Davalos)
Dissimulation, arrestation, chantage, dénonciation, assassinat, torture, exécution sommaire, les pires événements que l'on connaît de la seconde guerre mondiale, sont le lot quotidien des personnages les plus humbles de la série, Juliana et son fiancé Frank, qui se retrouvent pris au piège du système de répression japonais, et s'y font broyés. Les personnages basculent donc volontairement vers une forme de résistance tantôt passive, tantôt meurtrière, au gré des événements dans lesquels ils ont été entraînés. Le seul personnage à demeurer fidèle à lui-même dans cette bataille, est celui de Juliana (campée par Alexa Davalos), qui sans se considérer comme une résistante, s'évertue à faire toujours ce qui lui semble juste. Pour preuve, on sent Juliana très attachée à la culture japonaise dans laquelle elle a toujours vécu, ce qui ne l'empêchera pas d'aider des résistants, ou à tenter de sauver un jeune garçon pétri d'idéaux nazis... Le personnage, au-delà des clivages de son environnement, des événements contradictoires qu'elle subit, voit en quelque sorte toujours au-delà du marasme politique et des idéologies. Elle ne voit finalement que des êtres humains pressurisés par un gouvernement tentaculaire, dans lequel même les plus hauts dignitaires se retrouvent pieds et poings liés. Malgré ses actions, elle demeure à mon sens l'un des personnages les plus charismatiques et les plus lumineux de cette série. Dans ce registre, on trouvera également le ministre Tagomi (Cary-Hiroyuki Tagawa), "un juste", qui tente de sauver autant les "gaijin" que les japonais, tout en tentant de conserver une paix relative avec le gouvernement du reich nazi... Ce personnage touchant, supérieur (dans le meilleur sens du terme) est celui par lequel l'aspect fantastique s'installe, de par sa capacité à pouvoir spontanément passer d'une réalité alternative à l'autre. C'est-à-dire de leur réalité, vers la nôtre...

Le ministre du commerce Tagomi (Cary-Hiroyuki Tagawa)


Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell) - Juliana Crain (Alexa Davalos) - Kido (Joel De la Fuente)

Au-delà de ces personnages centraux qui confèrent une lumière indéniable et une certaine sérénité à l'intrigue, j'ai été très (très très très) enthousiasmée par deux personnages qui se trouvent du côté obscur de la force, si je puis dire... Le terrible inspecteur-chef Kido du Kempeitai japonais (Joel de la Fuente) est un personnage d'une intransigeance rare, monument de froideur et d'inhumanité, qui sur le fond, m'a fait énormément penser à Javert de par sa conception très binaire du bien et du mal et de la haute opinion qu'il a de sa fonction. Cet adversaire par qui tout le mal arrive dans le quotidien bien morne des personnages principaux, fait réellement froid dans le dos, tant il se nourrit d'extrêmes. Il a donc assez peu de nuances, même s'il croit agir, comme le personnage de Hugo, pour le bien-être public et la sauvegarde de l'état. Il semble comme imperméable à tout, quoique son personnage semble se tempérer quelque peu à la fin de la saison 3. Je reste très curieuse de son évolution au cours de la dernière saison...

Le terrifiant inspecteur en chef Kido (Joel de la Fuente)
Ensuite, (et je garde toujours le meilleur pour la fin), il y a l'Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell)... Ancien officier de l'armée américaine à la fin de la seconde guerre mondiale, on pense comprendre qu'il a rejoint l'armée du reich nazi très rapidement, gravissant les échelons avec une avidité sans précédent, quitte à semer un nombre faramineux d'assassinats sur son passage... [A noter qu'un Obergruppenführer est l'équivalent, dans la branche armée de la SS, au grade de général] On ne sait pas exactement ce qu'il a fait par le passé, mais on se doute qu'il a beaucoup, beaucoup de sang innocent sur les mains, n'hésitant pas à écraser comme des moucherons ceux qui iraient à l'encontre des ordres qu'il reçoit. Il en cela très similaire au personnage précédemment cité, dans cet aspect très martial de sa psychologie. S'il apparaît dès le premier épisode comme un tempérament imperturbable, impitoyable, hermétique à la moindre émotion, on voit, contrairement à l'inspecteur Kido, craquer assez rapidement le vernis... Smith est effectivement très en demie-teinte, puisqu'il apparaît excellent père de famille, bon mari (comme l'exigeait d'ailleurs les préceptes nazis), mais cet aspect est complètement poussé à l'extrême chez lui. A un point où il menace, tue parfois pour protéger, ou sauver les siens, en allant à l'encontre des grands principes de l'idéologie qu'il sert. Ses enfants, sa femme, sont d'énormes points faibles chez lui, et sa hiérarchie le sait... Il est à la fois terrifiant en raison de la froideur avec laquelle il interroge des ennemis de l'état, mais également terriblement faillible si l'on touche un cheveu de l'un des membres de sa famille. On le voit donc agir pour le bien du son gouvernement, de l'idéologie du parti, en commanditant des atrocités sans se départir de sa glaciale nonchalance. Cependant au fil du temps, on le sent de plus en plus inquiet, jusqu'à ce que certains scrupules commencent à faire surface. Il inquiète donc bien souvent par sa seule présence dans une pièce, de par ses manipulations et ses propos à double sens, à son apparence retorse. Seulement, on le sent volontiers déstabilisé par ses tragédies personnelles, d'où la fascination visible qu'il nourrit pour l'existence d'une réalité ou d'un monde alternatif où ses souffrances n'existeraient pas... Du reste, son épouse Helen (Chelah Horsdal), subit elle aussi une évolution passionnante au cours de la dernière saison diffusée : la gentille femme soumise à son mari qui se met à penser par elle-même et à agir inconsidérément, est particulièrement jubilatoire.  Encore un personnage très ambivalent dont on se régale des apparitions ou de l'évolution tout au long de la série. Il serait très difficile d'en dire davantage à ce sujet sans spoiler le contenu de la saison 3, et le meilleur étant encore probablement à venir lors de la saison 4, qui sera disponible dès le 15 novembre.

L'Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell) : un personnage délicieusement ambivalent
Une série à voir d'urgence !


2 commentaires:

  1. Cette série est indéniablement plus profonde et complexe que ne le laissaient entrevoir les premiers épisodes ! J'avais dû en voir un ou deux au moment de sa sortie, mais la mayonnaise ne prenait pas, et j'avais laissé tomber, bien qu'ayant dans l'idée de toucher au roman, un jour. Je n'ai finalement pas lu tant d'uchronies que ça, et le contexte de celle-ci est quand même très intéressante. Mais je suis vraiment étonnée de la complexité et de la profondeur des personnages que tu soulignes, qui n'est pas sans me rappeler celles présentes dans The Americans, avec ce déchirement entre deux nations, les doubles-jeux, la dualité devoir/famille. Et les personnages du Maître du Haut Château t'ont vraiment marquée, je doute que ce soit sans raison ! Je rajoute la liste à celles à voir à l'avenir, même si je suis trèèès lente... Ta critique donne vraiment envie de s'y pencher ! Est-ce que la saison 4 sera la dernière, ou ils continueront ?

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  2. Je te rejoins assez sur les premiers épisodes, qui sont assez lents et on ne voit pas du tout où les scénaristes veulent nous emmener. Je ne m'attendais d'ailleurs pas du tout à accrocher autant... La violence un peu noire du début, très asphyxiante, se nuance beaucoup par la suite, même si cela reste assez ténébreux sur le fond. Cela dit, j'ai toujours été fascinée et glacée par le contexte de la seconde guerre mondiale, et surtout sur comment un régime d'état parvient à susciter un tel fanatisme de masse... Le fait de voir se dérouler cette réalité alternative est vraiment interpellant. J'ai persisté un peu (beaucoup) à cause du personnage campé par Rufus Sewell, qui est d'un intérêt certain... Je trouve son évolution vraiment passionnante à voir, car il n'est parfois vraiment pas au clair avec ce qu'il fait. Peu à peu, on découvre qu'il cherche surtout à sauvegarder les apparences et à sauver la peau de ses gosses, de sa femme, et la sienne. Mais il a un instinct protecteur tout à fait poussé à l'extrême, ce qui le rend d'autant plus menaçant... C'est un personnage d'apparence très froide, très inaccessible, aux actions extrêmement contestables, mais vraiment ambivalent. Et ce que tu dis au sujet de The Americans est très juste, c'est tout à fait le même genre de sentiment. Tu me rappelles qu'il faut que je continue mon visionnage, que j'ai abandonné il y a trop longtemps...

    Quant à la saison 4 de The man in the High Castle, ce sera bien la dernière, et je pense que ce sera très bien comme ça. L'univers de la série a, à mon avis, atteint son extension maximum, si les scénaristes veulent garder un tant soit peu de cohérence et de mystère. Je t'invite vraiment à re-tenter le visionnage, car je pense qu'elle en vaut la peine.

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