28 mai 2024

The Eagle & the Hawk (1933)


Réalisation : Stuart Walker
Production : Paramount Pictures
Avec : Fredric March, Cary Grant, Carole Lombard, Jack Oakie, Sir Guy Standing, ...
D'après l'autobiographie de John Monk Saunders, "Death in the Morning".

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Autant être claire immédiatement : je déteste les films de guerre, mais j'adore Fredric March. Je pense que les derniers articles publiés sur ce blog l'ont un peu montré... Je suis tombée sur cet acteur charmant, au jeu très actuel et aux choix de rôles compliqués, à la faveur du visionnage de "A star is born" de 1937, où il campe le tout premier Normal Maine de l'histoire du 7e art... (ont suivi, pour rappel, James Mason, Kris Kristofferson et enfin Bradley Cooper, pour la version la plus récente). Ce film magnifique, à la fois tendre et extraordinairement triste, m'a poussée à m'intéresser à ce très grand acteur, tombé dans l'oubli ou pratiquement, malgré une filmographie tout à fait foisonnante, qui comporte autant de comédies que de drames, ainsi que quelques très grands classiques du cinéma (Dr Jekyll & Mr Hyde, Sérénade à trois, Les Misérables, Anna Karenine, Le Signe de la Croix, ... ).

source : fredricmarch.tumblr.com

C'est cependant avec un peu d'appréhension tout de même que j'ai visionné "The Eagle and the Hawk", réalisé en 1933. Etant donnée la décennie dans laquelle a été produite ce film, j'étais certaine d'échapper à ces horribles oeuvres de propagande produites au début des années 40, qui ont un parfum pour le moins désagréable, pour ne pas dire totalement nauséabond... Nous sommes heureusement loin de ce contexte, sinon je crois que je n'aurais même pas persisté au-delà des cinq premières minutes. Mais honnêtement, je ne savais pas trop à quoi m'attendre.

Il faut savoir que le film, cependant, a été tourné en pleine période "pré-code" - décennie la plus emblématique et la plus productive pour March -, et qu'il s'agit là d'un indicateur assez rassurant concernant la liberté de ton. Mais je le regardais simplement pour avoir le plaisir de savourer la présence de deux de mes acteurs favoris, dont ledit Fredric March et également de Cary Grant dans un même film...

source : fredricmarch.tumblr.com


L'histoire, en quelques mots, retrace celle d'un aviateur américain virtuose, le lieutenant Jerry Young (March), durant la 1ère guerre mondiale, et de sa rivalité avec le lieutenant Henry Crocker, mauvais pilote, mais excellent tireur. Elevé au statut de véritable héros de guerre, Young ne supporte cependant pas d'être montré en exemple aux plus jeunes, car ce statut se bâtit peu à peu sur la mort de tous ses coéquipiers, et celle de soldats ennemis qu'il doit abattre de manière aveugle. L'avalanche de morts qu'il voit, et dont il est responsable, le tue à petit feu. Son équipier fusillier, Crocker (Grant), avec qui il ne s'entend pourtant pas, assiste, impuissant à cette lente déchéance à laquelle personne ne peut le soustraire. Traumatisé par ses dernières missions, par des chocs successifs qu'il ne peut plus supporter, Young s'enfonce progressivement dans l'alcoolisme...

source : pre-code.com



En définitive, ce film n'est pas un film de guerre, enfin pas vraiment. Il ne parle que des traumas qu'elle induit, jusque dans leurs pires extrémités. Le personnage campé par Fredric March est un type bien, porté d'abord aux nues grâce à sa virtuosité aux commandes d'un avion, puis confronté au fil du temps à la brutale réalité de la guerre, qui broie tout et tout le monde. Et pour qui, pour quoi ? Ce sont toutes les questions que pose ce film superbe, aux images extraordinaires, aux descriptions psychologiques magnifiques, mais d'une abominable tristesse. C'est une oeuvre dure, parce qu'elle présente la réalité sous une lumière crue, loin des poncifs patriotiques.
La déchéance du personnage de Jerry Young, très attachant dans ses scrupules et son humanité, est inéluctable, et même si on a de temps à autre un regain d'espoir, on sent que l'on court à la tragédie.

source : pre-code.com



Le personnage campé par Cary Grant, d'une froideur implacable, à l'opposé de celui de March, débordant d'empathie, ferait presque froid dans le dos. Les deux personnages sont trop différents pour trouver le moindre terrain d'entente. Seules leurs compétences respectives leur confèrent un unique point commun : leur compétence à bord d'un avion. En dépit de leurs différences, de leur mésentente manifeste, Crocker tente d'éloigner Young, de le sauver de lui-même et de lui éviter le drame. S'il n'y parviendra finalement pas, au moins lui évitera-t-il le déshonneur, quitte à se saborder lui aussi.

Point également très important : la magnifique mise en image, toute en contrastes francs et en ombres. Très esthétique, très soigné. Un must pour un film de cette catégorie. L'aspect très léché de la photographie lui donne une certaine noblesse, que l'on n'attendait guère dans un film de ce registre.

source : pre-code.com


Seul réel point négatif du scénario, la présence du personnage féminin, campé par Carole Lombard (dont le nom m'échappe, mais cela a réellement peu d'importance). Certes, ce personnage, qui représente un heureux échappatoire durant la permission de Jerry, aurait pu revêtir une certaine importance s'il avait été moins typé et moins caricatural. On se demande ce qu'elle fait là, maquillée comme une voiture volée et engoncée dans des robes de soirée toutes en frou-frous et en fourrure blanche : on est vraiment à côté de la plaque. Sans doute, une exigence de la production, car il est impossible d'expliquer autrement la présence de cette "femme fatale" dans ce contexte si désespéré et si dur. Elle ne sert à rien, n'apporte rien, sinon le seul moment de ridicule du film. Si encore le personnage féminin était apparu un tant soit peu réaliste, on aurait compris cette parenthèse comme une raison pour Jerry d'espérer un "après" à cette guerre qui lui paraît de plus en plus absurde. A la limite, cela aurait inspiré un fol espoir au spectateur. L'espoir qu'il y ait une conclusion heureuse. On est très rapidement fixés, cependant.

En résumé, The Eagle & the Hawk n'est pas réellement un film de guerre, mais plutôt un film profondément anti-guerre, à l'opposé total d'un film de propagande, servi par des acteurs magnifiques, Fredric March en tête, et des images à donner des frissons.

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