05 juin 2020

Dracula (BBC 2020)




Mini-série de trois épisodes de 90 minutes, scénarisée par Steven Moffat et Mark Gatiss :

The Rules of the Beast (épisode 1) - réal. Jonny Campbell
Blood Vessel (épisode 2) - réal. Damon Thomas
The Dark Compass (épisode 3) - réal. Paul McGuigan


Librement inspiré du roman de Bram Stoker.

Produit par la BBC et Netflix

Avec Claes Bang (Count Dracula), Dolly Wells (Sister Agatha Van Helsing/ Zoe Helsing), John Heffernan (Jonathan Harker), Morfydd Clark (Mina), Jonathan Aris (Captain Sokolov), Lydia West (Lucy), Matthew Beard (Jack Seward), Sacha Dhawan (Dr Sharma), Mark Gatiss (Frank),...

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Jonathan Harker, un jeune clerc de notaire, est envoyé en Transylvanie pour rencontrer le comte Dracula, un noble hongrois qui a décidé d'acquérir des propriétés en Angleterre. L'inquiétant propriétaire des lieux, son client, est un lugubre vieillard aux manières et aux propos énigmatiques et troublants. D'abord l'invité du comte, Jonathan s'aperçoit rapidement qu'il lui est devenu impossible de s'échapper du château. Lorsque d'étranges cauchemars commencent à l'assaillir, Jonathan perd peu à peu ses forces, tandis que le comte Dracula, lui, semble rajeunir inexorablement...

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Lorsque les premières informations relatives à l'écriture d'une nouvelle adaptation de Dracula se sont présentées, on pouvait légitimement se demander si celle-ci était réellement nécessaire, et en quoi elle pouvait s'avérer novatrice, comparée aux innombrables adaptations précédentes qui ont déjà été réalisées sur le sujet (352 occurrences sur imdb, rien que ça). Et là, on pense à la dernière version de Dario Argento, datant de 2012, d'une qualité vraiment médiocre, ou encore du film de Gary Shore de 2014, Dracula Untold, qui s'intéressait aux origines de la légende, et qui malgré un esthétisme vraiment léché et indéniablement réussi, choisissait de présenter un personnage passé à la moulinette, véritable figure de héros tragique, dont le côté violence aveugle et sanguinaire passait tout de même complètement à la trappe...Le personnage bénéficie d'une image tellement prégnante dans l'inconscient collectif qu'on imagine très compliqué pour des scénaristes de s'en détacher et d'en présenter des aspects inédits.

On pouvait donc avoir toutes les craintes du monde de voir une énième version sur les écrans. Il est évident qu'avec les deux scénaristes de Sherlock aux manettes, Steven Moffat et Mark Gatiss, on devait s'attendre à une adaptation qui n'en est pas réellement une. Sherlock est et restera sans doute une des meilleures transpositions du personnage créé par Arthur Conan Doyle, dans un contexte moderne, qui plus est, ce qui n'était pas un pari gagné d'avance... Alors certes, la série s'écartait des sentiers battus, remodelait parfois les personnages, en créait de nouveaux, sans pour autant  galvauder le "canon". L'adaptation sur quatre saisons des enquêtes de ce cher Holmes s'est donc révélée pleine de noirceur, d'introspection, mais aussi de surprises, n'en déplaisent aux fidèles de l'original. En tant qu'inconditionnelle de l'univers victorien, cette adaptation moderne de Holmes m'a pourtant infiniment plu, parce qu'elle était, avant toute chose, très intelligente, inventive, et qu'elle était servie par des acteurs de marque. Steven Moffat avait commis également, seul cette fois, une transposition strictement moderne de L'Etrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde, avec Jekyll, en 2007, auquel on pourrait attribuer les mêmes qualificatifs flatteurs...


"Stay calm... You are doing very well..."

Les deux scénaristes, malgré leur talent indéniable, avaient donc la lourde tâche de s'attaquer à une nouvelle transposition de Dracula, personnage historique tristement célèbre, passé au statut de véritable mythe littéraire depuis sa création par Bram Stoker en 1897, et ce, sans tomber dans la facilité ou de lamentables travers. Et je peux tout à fait dire, à mon humble avis, qu'ils ont parfaitement réussi leur entreprise, comme ils y avaient excellé dans Sherlock ou Jekyll
Pour tout dire, je suis littéralement restée bouche bée devant mon écran jusqu'au visionnage de l'ultime épisode, car tout dans cette adaptation m'a plu, de bout en bout : son visuel, sa bande-originale, ses acteurs, son scénario, et par cette manière de donner une nouvelle dimension au personnage central, sans pour autant le déprécier. Pour être tout à fait honnête, j'ai vécu comme un moment de "flottement" après avoir achevé l'intégralité de la série : j'avais peine à intégrer toutes les informations fournies par le scénario, toutes les énigmes qu'il véhicule jusqu'à la dernière image, jusqu'à en ressasser à n'en plus finir la finesse de son traitement et de ses dialogues. Ce qui est chez moi, toujours un indicateur très fiable de mon degré de satisfaction... ! Sans compter que j'ai été époustouflée par le jeu enfin de l'acteur principal, le danois Claes Bang (dont j'ignorais complètement l'existence jusque là), et qui pour moi, a fait un sans faute dans un contexte qui était pourtant, je l'admets, très difficile à faire passer. C'est bien simple, je n'hésiterai pas à dire que cette nouvelle mini-série est devenue immédiatement l'une de mes adaptations fétiches, et Claes Bang, l'une des incarnations du personnage de Dracula que j'estime désormais très difficile à détrôner...


"I don't drink... wine" 

Alors certes, avec cette nouvelle adaptation, il ne faut pas s'attendre à une transposition fidèle de l'oeuvre de Bram Stoker, c'est pour cette raison que j'ai précisé dans l'introduction de cet article qu'il s'agissait d'une "libre inspiration". En un sens, toutes les adaptations cinématographiques de Dracula ont dû subir pas mal d'aménagements afin que le résultat soit plus cohérent, et ceci notamment dû au fait qu'il s'agit à la base d'un roman épistolaire, ou plutôt de récits à plusieurs voix. Mais que l'on soit bien clairs, même si l'épisode 1, intitulé "The Rules of the Beast" (Les Règles de la Bête), suit dans les très grandes lignes l'histoire imaginée par Stoker, on est face non pas à des divergences, mais plutôt à une nouvelle lecture des événements, qui m'ont immédiatement rappelé la vision extrêmement dépoussiérée que Moffat et Gatiss avaient proposé pour Sherlock. Il est certain que ce genre d'exercice est on ne peut plus risqué pour un mythe littéraire aussi populaire que Dracula, et je peux comprendre qu'une telle relecture d'un texte aussi fondamental puisse effrayer les puristes ou les désappointer totalement. Cependant, une transposition si radicale, si elle comporte des risques immenses, est aussi une occasion rêvée d'explorer le mythe littéraire dans son entièreté avec un regard neuf, voire de considérer les personnages sous un autre angle, ou les prendre totalement à contre-pied.

La caractéristique la plus frappante de ce premier épisode, plus que les suivants, est sans doute l'aspect de pure horreur, qui en imprègne toute l'atmosphère. Il est clair que ce volet, sinon la série toute entière, n'est pas à mettre sous tous les yeux, car il est sanglant (vraiment très sanglant), et infiniment dérangeant sous bien des aspects. La bande-annonce, en cela, n'avait absolument pas menti... Après 1h30, on a les pupilles saturées d'hémoglobine et de visions cauchemardesques... En cela, je pense que l'adaptation a très bien rempli sa mission. L'ambiance gothique imposée par ces longs plans sur des ombres allongées, des couloirs tortueux, des escaliers sans fin, est également très bien servie par une bande originale composée de cordes grinçantes, rehaussée par les battements assourdis d'un coeur, ou du vol lancinant d'une mouche, qui a vraiment le don de vous mettre dans un état d'angoisse tout à fait de circonstance.


Opening theme song - Dracula 
(David Arnold & Michael Price)


Ma plus grande surprise (et oserais-je dire, pratiquement la meilleure), a été de découvrir Van Helsing sous les traits d'une nonne du couvent St. Mary de Budapest, qui a recueilli Jonathan Harker. La soeur Agatha Van Helsing, incarnée par Dolly Wells, est une personne cartésienne, qui s'intéresse de près aux sciences, mais également aux vampires ou plus largement, aux non-morts. Assez peu conventionnelle pour une religieuse, Agatha est un personnage délicieusement admirable et curieux, mais se voulant d'une logique rigoureuse, quoique dotée d'un esprit parfois bravache, et d'une bonne dose d'inconscience. Elle rappelle en cela le personnage original, qui aime beaucoup prendre des décisions inconsidérées, tout comme elle évoque aussi de par son aspect buté et foncièrement profond et intelligent, la psychologie de Sherlock Holmes (les créateurs de la série n'ont pas inséré quelques références au personnage pour rien). Ensuite, chose infiniment intrigante, elle est en interrogation perpétuelle de sa foi. La logique implacable de ses raisonnements se voit magnifiquement contrebalancée par les tiraillements de son âme. Sans doute fallait-il que celle-ci soit habitée par un doute profond pour songer à frayer avec l'ésotérisme et les superstitions d'un autre âge... C'est d'ailleurs dans cette brèche que Dracula va s'engouffrer insidieusement. Comme Agatha le précise au cours du premier épisode, durant toute sa vie, elle a cherché Dieu sans le trouver, et pense l'avoir découvert justement en frayant avec le Diable... Sa profondeur, sa réflexion sur la nature de la foi, et sur sa volonté à sauver ses semblables quitte à se sacrifier elle-même, font d'elle un personnage d'une très belle humanité. Agatha est un protagoniste attachant au plus haut point, que j'ai apprécié d'emblée, car elle est l'archétype du personnage à l'aura écrasante, à la fois forte et bienveillante, non-conventionnelle et sarcastique, qui, en dépit des craintes que l'on pourrait avoir, offre pourtant une magnifique opposition avec le personnage de Dracula. Cette opposition, sur laquelle je reviendrai un peu plus loin, est également d'une terrible ambiguïté. Comme la plupart des dyades littéraires, la grande figure du héros contrebalance en effet celle du grand méchant. 

"Come closer..."
"Come closer..."


Toujours est-il que son personnage accueille l'arrivée de Dracula aux portes de son couvent avec une sorte d'excitation de collégienne qui a le don de tout à fait dédramatiser la situation. Ses bravades, son cynisme incongru et ses répliques cinglantes m'ont tiré bien des sourires, comme a su le faire avec la même efficacité le cabotinage du comte Dracula de Claes Bang. A dire vrai, il est tout à fait clair que dès les premières minutes de leur rencontre, Van Helsing et Dracula s'intriguent mutuellement de manière assez manifeste. La curiosité "scientifique" de l'une pour un spécimen unique de vampire venu comme qui dirait frapper à sa porte, et l'intérêt de l'autre pour ce personnage de nonne qui s'oppose à lui avec un aplomb qui défie l'entendement, a quelque chose de tout à fait délicieux. Si Dracula conçoit assez difficilement d'être mis en échec, il apprécie cependant immédiatement la gageure et tout le piquant que cela met à la situation. Lorsque le vampire, intrigué, lui demande qui elle est, Agatha répond la chose suivante :
"I am all your nightmares at once : an educated woman with a crucifix." 

"Am I addressing count Dracula ?"

Je trouve à la fois cette phrase très représentative de ce qu'il adviendra d'eux ensuite, mais aussi très contradictoire, puisqu'il faut y voir une interprétation plus nuancée à la fin de la mini-série. Disons que cette phrase est surtout spécifique de l'état d'esprit d'Agatha à ce moment : c'est une femme du XIXe siècle, qui semble être entrée dans les ordres pour pouvoir étudier et échapper au mariage. Cela induit immédiatement qu'elle a cherché, dès son plus jeune âge, à s'élever à l'égal d'un homme, et qu'elle ne laissera jamais quiconque lui faire entendre qu'elle ne peut pas y prétendre. Je pense qu'elle se glorifie d'une certaine manière de cette connaissance, et que c'est pour cette raison que sa réponse va dans ce sens, mais je crois profondément qu'elle se trompe. Le comportement grandiloquent et insolent de Dracula génère chez elle cette réaction au-delà du danger qu'il représente : elle songe qu'il la considère avec amusement parce qu'elle est une femme, mais cela se démentit d'une manière assez nette ensuite. Comme il le prouve à de nombreuses reprises, ce sont les qualités des gens qui l'intéressent, puisqu'il s'en "nourrit", si je puis dire. Elle représente un intérêt justement parce qu'elle a un extraordinaire aplomb et un sens de la répartie égal au sien. Qu'elle soit une femme n'a, au fond, absolument rien à y voir, et il semble tout à fait certain qu'elle apprécie d'être reconnue à sa juste valeur, fut-ce par un être qu'elle a toutes les raisons de détester. Quant au crucifix derrière lequel elle se retranche, je crois qu'elle met par contre immédiatement le doigt sur la réelle problématique de son opposant... Problématique qu'elle va se faire un devoir d'analyser jusqu'à en comprendre tous les obscurs mécanismes, développés au cours des deux volets suivants. 

Une relation subtile et diablement ambiguë


Dracula est donc intrigué par elle, autant qu'elle par lui, et cet état de fait ne se démentira pas jusqu'au dernier épisode. Du reste, cette opposition est à nouveau merveilleusement représentée dans le second volet de la mini-série, "Blood Vessel" (jeu de mots qui désigne à la fois en anglais un "vaisseau sanguin" mais aussi le cadre même de l'épisode qui se déroule entièrement sur le Déméter, où le sang va couler en abondance... le ton est donné). Cette sorte de huis-clos à la Agatha Christie, qui se déroule comme une enquête policière, a le mérite d'apporter un éclairage sur une scène emblématique que le roman original de Bram Stoker passe presque sous silence. On peut dire qu'il s'agit là d'une nouveauté, puisque aucune adaptation jusqu'ici ne s'est intéressée de manière approfondie (voire pas intéressée du tout) à cet épisode plutôt obscur . Le Déméter, parti de Varna avec à son bord, une cargaison de dizaines de caisses de terre de Transylvanie emportée par le comte Dracula - lui-même dissimulé à l'intérieur de l'une d'entre elles - est surtout tristement célèbre pour le probable massacre que le vampire y a perpétré.  De ces scènes, le lecteur ne sait rien, les scénaristes s'en sont donc données à coeur joie, en réunissant dans ce huis-clos effrayant un panel de personnalités suffisamment variées afin que Mr le comte ne puisse pas s'ennuyer... Et à dire vrai, je ne me suis guère ennuyée non plus... On apprécie les retournements de situation et les cabotinages incessants de Dracula, affable et diablement charismatique. Ce qui est certain, c'est qu'on perçoit au cours de cet épisode avec plus de force encore l'aspect "joueur" du personnage, qui dissimule sous des fanfaronnades sa profonde condescendance pour ses semblables. Il se plaît à brouiller les pistes, à manipuler son monde, trop heureux de s'amuser enfin, voyant les imprévus s'accumuler comme des surprises bienvenues venant pimenter sa traversée... L'opposition perpétuelle avec Agatha n'en est d'ailleurs que plus appréciable...

Claes Bang dans "Blood Vessel"


C'est au cours du 3e volet, "The Dark Compass" (La boussole sombre) que je crois savoir que la plupart des téléspectateurs ont "lâché" la série... La transposition dans un contexte moderne, le personnage de Lucy Westenra - passablement énervant - n'ont pas du tout remporté l'adhésion du public, ce que je peux tout à fait comprendre, tant son contexte est différent des précédents. Cependant, je dois constater, que si j'ai beaucoup apprécié les épisodes précédents, celui-ci a été au final une très belle surprise, qui malgré quelques faiblesses compréhensibles, est sans doute le plus novateur, le plus étonnant, et celui à l'issue duquel je suis restée littéralement bouche bée devant ma télé. Je l'ai vu comme une modernisation tout à fait pertinente, quoiqu'elle marque une rupture assez nette avec la narration des deux premiers épisodes. Mais je n'ai pas peur de le dire, il s'agit sans doute là de mon épisode favori... Cette troisième partie montre le personnage de Dracula s'adaptant à une vitesse folle à son nouvel environnement, ce qui donne lieu à des scènes tout à fait savoureuses (si on m'avait dit qu'un jour, une adaptation montrerait un Dracula inscrit sur Tinder, je ne l'aurais pas cru...) ! Mais au-delà de son mépris amusé du monde, on le découvre tout à coup faillible. La transposition dans un contexte moderne, si elle ne lui fait pas perdre un iota de sa ténébreuse aura, a pourtant comme incidence directe de mettre en avant ses défaillances, et dans une certaine mesure, ses peurs. Il est certain que cela peut aller quelque peu à l'encontre de l'image du vampire invincible, inébranlable, sans aucune humanité que l'on imagine volontiers. Attention, ce n'est pas pour autant qu'il fait preuve de bienveillance ou de compassion envers autrui, car il reste un être guidé par un instinct de survie assez primaire. Disons plutôt qu'il montre une certaine faiblesse qui le renvoie à sa part d'humanité. Et c'est le double personnage d'Agatha/Zoe qui l'y renvoie. Si Dracula a vu sa faiblesse par le passé, à elle à présent de trouver les siennes. Et c'est d'ailleurs dans ce contexte qu'il trouve grâce à elle, assez bizarrement, une certaine forme d'apaisement...

The dark compass

Comme on l'aura compris, le personnage de Dracula donne à voir de multiples et inhabituelles facettes, qu'il aurait été impossible de présenter sans un scénario solide, bien entendu, mais également un interprète d'exception, en la personne de Claes Bang, dont j'ai déjà parlé plus haut. Il est certain que de toutes les transpositions du personnage à l'écran, on n'aura jamais vu un Dracula à la fois si affable et si sinistre. L'acteur passe avec aisance d'un aspect à l'autre, vous mettant magnifiquement en confiance pour pouvoir mieux vous mettre mal à l'aise dans la seconde qui suit. Les cabotinages de l'acteur, ses sourires entendus, ses oeillades sarcastiques, puis son mépris distant, ses regards appuyés, inquiétants, sa voix même qui vous amuse pour mieux vous glacer... Tous ces éléments ont quelque chose de vraiment fascinant. Claes Bang est parvenu à assembler en une seule interprétation les incarnations précédentes les plus notoires. Il y a de très nombreux rappels aux classiques du genre, dans la gestuelle, dans les pauses, dans la manière de se mouvoir, sans parler des costumes, et tout cela en offrant malgré tout un caractère unique à l'interprétation, la rendant de ce fait absolument magnétique. Par bien des aspects, le Dracula de Claes Bang se rapproche beaucoup de celui de Louis Jourdan, par ce côté charmant, terriblement avenant, et pourtant foncièrement inquiétant et lugubre (Mark Gatiss n'a d'ailleurs jamais caché son affection pour cette adaptation de 1977, sans doute l'une des plus réussies du genre). Claes Bang incarne parfaitement ce personnage de vampire sûr de sa supériorité absolue, qui en joue même, mais à qui, finalement, la solitude pèse désespérément... La preuve en est que Dracula, dans cette adaptation, ne semble pas appréhender tous les ressorts du fonctionnement de sa propre nature, ce qui est absolument fascinant à voir. Cela ajoute une "quête" assez énigmatique au personnage, qui jusque là, n'était mû que par l'insatiabilité de son état et par un certain besoin de conquête et de domination. S'il conserve ses derniers aspects, il se retrouve enrichi d'autres qui ne le dénaturent en aucune façon. Le pari était certes risqué, mais l'interprète les réellement magnifiés. 

A gauche, un clin d'oeil au costume de Béla Lugosi dans l'adaptation de 1931
A droite, un autre au costume porté par Louis Jourdan dans le téléfilm de 1977

Les différents niveaux de lecture de cette adaptation, toute la symbolique cachée dans des détails de décors ou de mise en image, ajoutent une richesse extraordinaire au contexte. Il est certain qu'au premier visionnage, on ne perçoit pas toutes les références ni tous les ressorts de l'intrigue, car ce n'est qu'à la seconde, voire troisième fois, qu'on commence à les appréhender. Tout comme on peut aussi identifier des zones d'ombre laissées vacantes dans le développement de l'histoire, et ce je pense, d'une manière tout à fait volontaire. La fin de la mini-série, qui m'a laissée sans voix, est tellement onirique, qu'elle laisse planer une très large incertitude sur une suite potentielle. A y bien réfléchir, cette saison 1, si elle pourrait être tout à fait un one-shot tant elle se suffit à elle-même, laisse aussi de très larges possibilités au développement d'une seconde saison, ce qui explique ces fameuses zones d'ombre. Et c'est ce que je souhaite personnellement (et c'est peu dire). Le duo Moffat/Gatiss a laissé entendre qu'une suite pourrait être envisagée, propos repris par l'acteur Claes Bang, qui "rêverait" dit-il, de voir son personnage de retour... 



Même si j'ai tout à fait conscience que cette mini-série horrifique (admirée du maître Stephen King,  disons-le tout de même) bouscule énormément la mythologie traditionnelle qui gravite autour de Dracula, elle n'en est pas moins brillante, inventive, magnifiquement interprétée, tant dans les premiers comme dans les seconds rôles, et bénéficiant d'une mise en image et d'une bande originale à se damner ! 




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