Un film d’Anthony Asquith et Leslie Howard
D’après la pièce de George Bernard Shaw.
Avec Leslie Howard (Henry Higgins), Wendy Hiller (Eliza Doolittle), Wilfrid Lawson (Alfred Doolittle), Mary Lohr (Mrs Higgins), Scott Sunderland (Colonel Pickering), David Tree (Freddy Eynsfor-Hill)
Mon avis
Voilà une petite merveille… Un film à la mise en scène peut-être un tantinet vieillotte mais qui a gardé tout l’esprit de Shaw, cet humour qui reste indémodable, piquant, sublime.
Là où My Fair Lady sombrait quelque peu dans des intermèdes d’une longueur sirupeuse (malgré que j’adore ce film pour la magnifique Audrey Hepburn), cette adaptation de Pygmalion est tour à tour drôle et émouvante tout en conservant un esprit sobre et tellement so british.
Wendy Hiller est tantôt touchante, tantôt sublimement peste. On la sent beaucoup plus vulnérable cependant que l’Eliza d’Audrey Hepburn. Son interprétation est plus retenue, plus mesurée. Cependant le tandem formé avec Leslie Howard fonctionne d’une façon splendide. On peut reprocher à l’acteur d’avoir de temps à autre une interprétation empruntée (on est en 1938 tout de même, remettons nous dans le contexte…), mais il s’impose très vite à l’esprit comme le véritable professeur Higgins, dépassant de loin la prestation de Rex Harrison dans la comédie musicale. C’est d’ailleurs à peine si l’on peut les comparer. Higgins est bien entendu le personnage froid, cynique et anti-conventionnel que l’on connaît, mais on le trouve bien plus autoritaire, avec un ascendant bien plus prononcé sur son élève. Evidemment, les scènes qui découlent de ces situations sont absolument sublimes, notamment celle qui se tient chez Mrs Higgins, où Eliza tente une première sortie – hilarante – dans le monde.
Le Higgins de Rex Harrison restait globalement très froid, très distant, évitant soigneusement les explications violentes et très vaudevilesques, Leslie Howard joue la carte de la théâtralité, de l’affrontement, et on se régale vraiment en assistant à ses dialogues enlevés, nerveux, rapides, voire passionnés avec Eliza. On assite là à de très joyeuses scènes de ménage avec ses claquements de porte, ses cris et ses larmes. Tout comme Wendy Hiller, Higgins paraît ici bien plus vulnérable également. Malgré ses propos blessants, on le devine profondément touché, malgré qu’il refuse obstinément de se l’avouer.
La fin du film est vraiment très réussie, même si elle est assez éloignée du texte original, où l’on n’entretient guère d’espoir sur l’avenir potentiel du Pygmalion et de la Galathée de cette fable moderne… Henry Higgins est un personnage obstiné et incorrigible, et il le reste jusqu’à la fin de la pièce. Ici, ses aspects les plus désobligeants sont quelque peu atténués, je dis bien « quelque peu », car il est indéniable qu’il reste remarquablement détestable jusqu’à son dernier mot.
A noter que le film a été remasterisé pour sa réédition en dvd (zone 1).
Je ne résiste pas à recopier ici un extrait du dernier acte de la pièce et de la dernière scène où Higgins recherche Eliza jusque chez sa mère :
Mrs Higgins : She worked very hard for you, Henry! I don't think you quite realize what anything in the nature of brain work means to a girl like that. Well, it seems that when the great day of trial came, and she did this wonderful thing for you without making a single mistake, you two sat there and never said a word to her, but talked together of how glad you were that it was all over and how you had been bored with the whole thing. And then you were surprised because she threw your slippers at you! I should have thrown the fire-irons at you.
Encore un autre passage, très drôle, de ce même épilogue :
Que l'on peut traduire très sommairement par :
[...]Que fera Eliza quand elle aura à choisir entre Higgins et Freddy ? Passera-t-elle toute sa vie à ramasser les pantoufles d'Higgins, ou toute sa vie à regarder Freddy ramasser les siennes ? Il n'y a aucun doute sur la réponse."
Il est bien souligné dans cet extrait le caractère fort des personnages, qui ont tous deux tendance à écraser leur entourage, à l'étouffer, à ne lui laisser finalement aucune place. Deux personnes de cette nature peuvent-elles cohabiter longtemps, s'aimer, se supporter ? Assurément pas. Eliza aime Higgins dans une certaine forme qui tient plus de l'admiration, cela ne fait aucun doute. Lui aussi, à sa manière. De là à leur envisager un avenir commun, c'est une grande utopie. Cependant, il leur sera impossible, on l'imagine bien, surtout en raison de cet épilogue, qu'ils ne pourront pas envisager une vie sans l'autre, ce qui est très paradoxal. Eliza a besoin d'Higgins, comme lui d'elle. Galathée et Pygmalion sont en quelque sorte la même personne, l'un répondant aux idéaux de l'autre, l'un étant l'autre.
Bonjour Clélie !
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ton commentaire, cela m'a fait très plaisir de te lire à nouveau. je me suis permis moi aussi d'ajouter un lien vers ton site (si ça ne te dérange pas cela va sans dire). Pygmalion est une oeuvre qui m'a toujours intrigué, tenté même, il est possible donc que d'ici peu je m'attèle à la lecture de cette pièce de Georges Bernard Shaw ou au visionnage d'une adaptation (puisque je suis sorti de ma période Lady Oscar qui m'a vu visionner 5 épisodes par jours -_- en plus du film éponyme de jacques Demy...film totalement calamiteux à côté de l'excellente série animée.). Peut-être connais-tu le superbe film de Visconti ; 'Ludwig ou le crépuscule des dieux' (qui passe sur arte je ne sais plus trop quand alors que je l'ai acheté et visionné il y a une semaine -_-), sinon je te le conseille vivement, c'est une merveille (en même temps c'est Visconti ^^)...ah bah moi qui cherchais un sujet d'article...justement le voila tout trouvé ^^.
A bientôt
Gabriel
PS : Ouf retour à un design plus proche de l'ancien, c'est vrai que l'ex-nouveau avait un petit côté 'tea for two' mais le changement ne perturbait pas que moi. Blog toujours aussi intéressant du reste ^^.
Bonjour Gabriel,
RépondreSupprimerMerci pour le lien vers mon site ;-) Ca ne me dérange évidemment pas !
J'ai vu Ludwig il y a quelques années et j'en ai gardé un souvenir très vague. J'étais un peu jeune sans doute... Je ne le manquerai pas sur Arte. Louis II est un personnage qui m'intrigue beaucoup et le film de Visconti est un chef-d'oeuvre, je n'en doute absolument pas. Je ne le manquerai pas sur Arte (merci pour le tuyau).
Pour le design, je suis contente qu'il te plaise. Le principal est que les lecteurs soient satisfaits de l'aspect général... Ce n'est pas toujours évident de donner un aspect bien lisible à un site sur fond noir.
A très bientôt,
C.