Jonathan Harker, jeune clerc de notaire, est envoyé en Transylvannie afin d'y rencontrer un nouveau client qui cherche à acquérir des propriétés en Angleterre. Le comte Dracula, vieil homme aux manière affables, le reçoit dans son château, lugubre demeure tombant en ruines, dans laquelle le jeune homme se sent très vite mal à l'aise. C'est pour Jonathan Harker le début d'un long cauchemar...
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Cela faisait fort longtemps que le livre reposait quelque part dans ma bibliothèque, dans une splendide édition Marabout Fantastic, dont la couverture glaçante a toujours cependant eu le don de me mettre profondément mal à l'aise. Oui, je suis impressionnable, c'est vrai :). C'est sans doute pour cette raison en partie, mais aussi par l'image véhiculée par l'inconscient collectif, que j'ai tant postposé ma découverte réelle du roman.
Il y a quelques temps, j'ai eu l'occasion de visionner la version de Dracula de 1931 avec l'acteur mythique Béla Lugosi (pour l'article, c'est par ici), et même si la trame du film m'avait parue faire pas mal d'entorses à l'histoire originale, celui-ci m'a laissé une impression suffisamment forte pour que je souhaite ensuite découvrir le roman. L'interprétation de Lugosi, présentant un Dracula tantôt terrible, tantôt d'un charisme indéniable, n'est pas complètement étrangère non plus à l'envie de ressortir le roman de la bibliothèque. C'est à présent chose faite. Mon premier sentiment serait de dire qu'il m'a été très difficile de lâcher le roman une fois commencé. Mais le second me porterait plutôt à dire que, de manière globale, j'en ressors déçue ou plutôt frustrée. Le découpage de l'oeuvre en extraits de journaux intimes, de lettres, a l'avantage de présenter le point de vue distinct des personnages les plus importants, Dracula excepté. Car si le roman compte un peu moins de 600 pages, Dracula n'y apparaît finalement que très peu (peut-être une quarantaine de pages en tout). Le récit se concentre principalement sur la traque du comte, après l'agonie abominable et la mort, tout aussi atroce, de Lucy, la meilleure amie de Mina Harker. Disons que dans ce roman, le plus terrible ne m'a même pas paru être Dracula en lui-même, mais plutôt tout ce qui se rattache à ses actes, même les plus indirects, citons par exemple les délires de Renfield, le dément mangeur de mouches de l'asile dirigé par le Dr Seward. Ce personnage m'est apparu cent fois plus glaçant que Dracula en personne...
Dans le même registre, on songe aussi à Abraham Van Helsing, le médecin venu d'Amsterdam pour soigner Lucy, et qui mène la terrible chasse au monstre.Van Helsing et ses méthodes radicales, ses intransigeances, ses manières fantasques et ses propos obscurs m'ont profondément tapés sur les nerfs, au même titre que les évanouissements intempestifs de Jonathan Harker...
Evidemment, quand on a vu le film de Coppola, on pense que le moindre acte de Dracula a pour but de le rapprocher de Mina, dans un flot de romantisme échevelé... Du moins c'est un point sur lequel beaucoup d'adaptations semblent avoir insisté. Mais pas dans le roman. Dracula y est un personnage d'un égoïsme suprême, qui à l'image d'une bête, agit par pulsion, sans tergiversations et sans remords. Mina, même si elle est un personnage essentiel, plus fort, plus indépendant que la plupart des femmes décrits dans les romans de cette époque, demeure néanmoins en arrière-plan, et l'auteur ne lui prête aucune intention romantique envers Dracula. Elle est une victime, au même titre que Lucy l'a été.
Un autre point étonnant est la manière dont Van Helsing dépeint le vampire : comme un esprit peu expérimenté, enfantin, alors qu'il semble avoir vécu des siècles... Je n'ai pas pu m'empêcher de trouver cela extrêmement étrange, car lorsque le personnage est évoqué dans les premiers chapitres, il semble très loin de la description de Van Helsing. Cruel et menaçant, solitaire et triste. Mais un esprit enfantin certainement pas. Il semble justement porter le poids d'une existence trop longue. Je citerai ce délicieux extrait du premier chapitre, dans lequel le comte s'entretient avec Jonathan Harker :
"(...) En ce qui me concerne, je ne recherche plus ni la gaieté ni la joie, je n'attends plus le bonheur que donnent aux jeunes gens une journée de grand soleil et le scintillement des eaux. C'est que je ne suis plus jeune ! Mon coeur, qui a passé de longues années à pleurer les morts, ne se sent plus attiré par le plaisir. D'autre part, les murs de mon château tombent en ruine, les ombres le traversent en grand nombre et les vents y soufflent de partout. J'aime les ombres et tout ce qui est obscur, rien ne me plaît tant que d'être seul avec mes pensées."
Je pense que Van Helsing fait, justement, beaucoup d'hypothèses, beaucoup de suppositions très contestables. Ses actes à lui aussi manquent cruellement de logique, et son agitation le conduit la plupart du temps à prendre de mauvaises décisions, et c'est sans doute pour cette raison qu'il m'a autant agacée.
Néanmoins, c'est un très beau roman, très éloigné aussi de l'image que l'on pourrait s'en faire. Mais le personnage central, aurait tellement mérité d'être davantage développé ! Il demeure une énigme totale lorsque l'on referme le livre et c'est une frustration terrible. J'avais eu un sentiment tout à fait similaire à la lecture du Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, autre personnage obscur, autre monstre tapi dans l'ombre... La lecture demeure cependant fort agréable, et j'en garderai sans doute un souvenir impérissable...
Très bel article, je n'ai pas la lecture suffisamment présente à l'esprit pour te répondre point par point,mais dans le sens général je suis d'accord. J pense aussi que Coppola a "humanisé" son Dracula, en lui faisant rechercher éternellement l'amour perdu,alors que le Dracula du livre (autant qu'il m'en souvienne) n'a guère d'états d'âme c'est une créature mue par une pulsion, dénuée de sentiments...
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire, Marie-Hélène ! C'est vrai que le Dracula de Coppola est très romantique (trop ?), très humain... Il est certain que l'idée même que Dracula puisse s'extraire de sa Transylvannie natale pour rejoindre la réincarnation de son amour perdu, est quelque chose de très séduisant. Mais bon, Bram Stoker n'avait pas vraiment cela en tête ! Comme tu le dis, c'est un être de pulsions, et de fait, il n'obéit qu'à un seul instinct : celui de sa propre survie. Je pense qu'il n'a que faire de Mina. S'il la mord, c'est uniquement pour se venger de la traque de Van Helsing... Tiens, j'ai commandé la suite écrite par Dacre Stoker... Je me demande ce que cela vaut...
RépondreSupprimerGlaçante cette couverture ! Moi qui suis loin d'être branchée vampire, tu m'intrigue ! La psychologie de personnage a l'air fascinante ! Et je suis aussi intriguée par Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu ! Je ne sais pas si tu l'as lu…
RépondreSupprimerCoucou !
RépondreSupprimerA vrai dire, moi non plus je n'étais pas très branchée vampires avant de voir ma première adaptation de Dracula... Le problème avec ce personnage, c'est qu'on en a fait tout et surtout n'importe quoi. Après avoir lu le roman, je me rends compte qu'il est extrêmement difficile à cerner, et encore plus à adapter. Le roman est volumineux, le récit est très brouillon dans sa construction, et le personnage n'est évoqué qu'en filigrane. Ce qu'il a d'intéressant, c'est surtout la fascination qu'il exerce depuis sa création.
Oui, l'édition Marabout est très belle, mais il y a de nombreuses coquilles, malheureusement.
Sinon, je suis une adoratrice de Le Fanu ! J'adore ! Par contre, j'ai toujours eu un problème avec Carmilla, que j'ai commencé et abandonné plusieurs fois... Il faudrait que je m'y remette !