15 décembre 2019

Bilan de mes dernières lectures (novembre 2019)


Cela fait un (très) long moment que je ne me suis pas attelée à un bilan "lectures", et honnêtement, si je devais faire une rétrospective complète, je ne m'en sortirais pas ! car il y a eu beaucoup (mais vraiment beaucoup) de livres qui me sont passés par les mains ces derniers mois...  Autant le dire tout de suite, je ne me sens pas de taille à chroniquer lesdits bouquins, à cause de leur nombre et pour la simple et bonne raison qu'ils ne sont pas tous franchement inoubliables. Je me suis donc contentée de faire une petite sélection, avec six livres seulement, et qui m'ont suffisamment marquée pour que je souhaite en parler dans ces pages. Et accessoirement dont la lecture ne remonte pas à des mois, ce qui va me faciliter tout de même un peu la tâche !



Je commencerai avec Le Pouvoir, de Naomi Alderman. Ce roman, sous couvert d'un contexte de style fantastique, parle comme on l'aura pu deviner, de l'inversion du rapport de forces entre hommes et femmes. Dans une société qui semble notre contemporaine, les femmes se voient dotées d'un pouvoir extraordinaire : celui de pouvoir dégager un courant électrique, parfois extrêmement puissant, par l'intermédiaire de leurs mains. Pouvoir qui se développe de plus en plus chez chaque femme, au point, pour certaines, d'en perdre complètement les pédales. Au début du roman, on croit que ce pouvoir va permettre aux femmes du monde de s'émanciper, et de se libérer définitivement du joug des hommes. Seulement, il ne s'agit pas d'un récit idéaliste, et les femmes ne demeurant finalement que des êtres humains, ce pouvoir dérape, leur échappe, et elles deviennent progressivement, à leur tour, des bourreaux... J'ai trouvé très intéressant ce retournement de situation, très jubilatoire au début, jusqu'à ce la nature humaine ne rattrape les idéaux de ces femmes devenues toutes puissantes. Finalement, un monde dirigée par les femmes serait-il meilleur que celui, patriarcal, que y a toujours prévalu ? Ce récit très éclairé, très cru et très dur aussi, a été une belle découverte et une agréable surprise...

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Ensuite, je n'ai pas pu m'empêcher de poursuivre ma lecture compulsive des ouvrages de Gail Carriger, auteure des séries "Sans âme" (romance steampunk) et du "Pensionnat de Mademoiselle Géraldine (YA steampunk), avec ce premier tome d'une nouvelle série "Le protocole de la crème anglaise", intitulé Prudence, du nom de l'héroïne de ce roman. C'est toujours un très grand plaisir de lire Gail Carriger, tant l'écriture est folle, presque déjantée, et teintée d'un humour anglais tout à fait délicieux (même si l'auteure est américaine). On verse ici plutôt à nouveau dans la littérature YA, toujours dans ce XIXème siècle victorien, rempli de loups-garous et de vampires, cher à Gail Carriger. On passe de Londres à l'Inde coloniale, en suivant les péripéties de Lady Prudence Maccon Akeldama, toutes plus rocambolesques les unes que les autres, et devant lesquelles on se paye de sacrées tranches de rire... Je me précipiterai dès que possible sur le tome 2 (déjà dans ma  vertigineuse PAL), car il s'agit là d'une merveilleuse lecture détente !

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J'en viens ensuite à La Maison de Cendres, de Hope Cook, également au rayon littérature jeunesse (vous verrez que cette sélection en comporte une grande majorité, in fine). J'avoue que c'est principalement la couverture qui m'a attirée en premier lieu dans ce roman, qui retrace les histoires croisées de Mila, une jeune femme du XIXème siècle, se retrouvant prisonnière du manoir tentaculaire dans lequel son beau-père mène des activités obscures, et celle de Curtis, jeune homme du présent, aux prises avec un père atteint d'une grave maladie mentale. Comme souvent en littérature jeunesse, malheureusement (et surtout la littérature jeunesse américaine), même si le résumé et le contexte s'annonce très prometteurs, mon enthousiasme est vite retombé comme un soufflé. Il y avait une idée de base excellente, c'est-à-dire, celle de l'histoire de Mila, en lutte contre un beau-père extrêmement mal intentionné, aux motivations très obscures, et contre une maison aux pouvoirs démoniaques, qui absorbe littéralement tous ceux qui y vivent. Ceux qui suivent un peu ce blog savent que c'est justement le genre d'histoires qui m'attirent irrésistiblement... Seulement, le récit devient rapidement très convenu, très frileux une fois que le récit serait susceptible de s'approfondir. Comme si l'auteur avait eu peur, finalement, d'aller trop loin dans son histoire, pour revenir à une histoire d'amour un peu mièvre entre deux adolescents (ou alors il s'agit d'une exigence d'éditeur, qui sait)... L'histoire, au moment où elle aurait pu vivre une apothéose se détourne soudain du chemin qu'elle a pris, ce qui est très dommage, car la première moitié en était tout à fait réussie...

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Dans le registre des excellentes découvertes, je suis tombée tout à fait par hasard sur le premier tome d'une nouvelle série, Ceux qui ne peuvent pas mourir, de Karine Martins. Et ce livre, à l'inverse du précédent, est véritablement un sans faute ! On est clairement, à nouveau dans le registre de la littérature jeunesse et dans la veine fantastique. Ce premier volet suit les pérégrinations de Gabriel Voltz, enquêteur volage, cabotin et impertinent, dont la spécialité est la chasse aux Egarés, ces créatures surnaturelles qui sèment parfois un lot impressionnant de victimes derrières elles. Voltz, s'il est en quelque sorte chargé de "faire le ménage", en obéissant aux ordres de la Sainte-Vehme, un obscur ordre religieux, dont les méthodes n'ont rien à envier à celles de l'Inquisition, il n'en demeure pas moins un Egaré, lui aussi, dont on ignore la nature. Depuis que ce dernier a pris Rose sous son aile, une jeune orpheline qu'il a sauvé des griffes d'une créature surnaturelle, Voltz s'attire les foudres de la Sainte-Vehme...
Autant dire tout de suite que j'ai été extrêmement séduite par ce roman, qui à mon sens, va bien au-delà de catégorisation en la littérature jeunesse. Il est tout simplement excellent, merveilleusement écrit, avec un panel de personnages très soignés, et une dose d'humour tout à fait bienvenue dans le contexte très crépusculaire de ce premier volet. Au-delà de l'ambiance extrêmement soignée, les personnages sont très attachants, Voltz en tête, que je classe désormais sans conteste, parmi mes personnages de fiction de prédilection du moment... Il a un charme tout à fait indéniable... :) L'improbable duo qu'il forme avec Rose est on ne peut plus charmant et jubilatoire et je me régale à l'avance des développements des deux personnages qui ne manqueront certainement pas d'intervenir au cours du tome 2, dont la sortie est attendue dans les prochains mois.

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J'ai lu beaucoup de Georgia Caldera ces dernières années, que ce soit des romances contemporaines ou des roman(ce)s plus fantastiques (voir la série des Larmes Rouges, dont le premier tome est sans doute le seul roman qui est parvenu à me réconcilier avec la bit-lit, car l'écriture en est véritablement très soignée). Autant le dire tout de suite, les romans de Georgia Caldera, font  partie de mes très nombreux plaisirs coupables... Le jardin des âmes est également le premier tome d'une nouvelle série (décidément), dans lequel je me suis laissée embarquée avec un très grand plaisir. Comme souvent, les histoires de Georgia Caldera se fondent sur des personnages solitaires, complètement en souffrance, et celle-ci ne déroge pas à la règle. Le récit suit Céphise, jeune violoniste vivant dans une monde ravagé et mort, se trouvant sous l'autorité de dieux tout-puissants et cruels. Lorsqu'elle n'était qu'une enfant, sa famille a été décimée par l'Ombre, le sinistre exécuteur des dieux, duquel elle a juré de se venger... J'apprécie particulièrement les romans de Georgia Caldera pour leur art à prendre ses personnages à contre-pied, présentant des palettes toujours justes de caractères en  complète demie-teinte. Et je n'ai pas été déçue par ce premier tome, et notamment par le personnage de l'Ombre, dont les scrupules magnifiques ont continué à me hanter bien longtemps après avoir refermé le livre. La sortie du tome 2 est annoncée pour le 25 mars.

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Lorris Murail offre avec Vampyre, une vision quelque peu dépoussiérée de la créature telle que nous la connaissons... Car ici, point de vampires aux canines aiguës suceurs de sang, mais des êtres qui absorbent l'énergie vitale de leurs victimes. Mia, le personnage central de ce roman, jeune fille solitaire et livrée à elle-même, se retrouve la proie de l'un de ces vampyres "psychologiques", un dénommé PhaX, dont on ne connaîtra jamais réellement l'origine exacte. Ces êtres sont, à l'image de leurs homonymes, aussi dépourvus de commisération et d'humanité, et font preuve du même égoïsme monstrueux, en ayant pour leur part, le don déconcertant d'être très facilement pris en pitié. Le personnage de PhaX, s'il demeure une énigme, est très certainement aussi épouvantable qu'un vampire "conventionnel", car s'il se nourrit de l'énergie des autres, n'en est pas pour autant immortel. Il a donc tout d'un Homme, sans en avoir le moindre scrupules. Le récit, s'il se révèle tout de même relativement fantastique sur le genre, évoque inévitablement des phénomènes d'emprise et de relations toxiques, et à certains profils psychologiques de "bourreaux", bien réels ceux-là. A vrai dire, le dépérissement du personnage de Mia dans le roman, provoque un profond malaise, peut-être plus que celui que l'on pourrait observer dans un récit vampirique classique. Car il n'y a aucune contre-partie, aucun gain, pour la victime. Rien que l'anéantissement complet de soi. Le roman, en dépit d'une couverture très belle à l'oeil, mais qui donne, à mon sens, une image assez déformée du contenu, est extrêmement noir, et la thématique plus dérangeante qu'elle n'y paraît.
Durant ces dernières semaines, j'ai croisé de manière assez rapprochée cette thématique du vampire "psychologique", notamment dans le très intéressant "Le Sang du Vampire", de Florence Marryat, datant du XIXe siècle, et pour la première fois éditée en français dans la collection de La Pléiade. 


Ce court roman (plus ou moins 250 pages), parle d'une jeune fille, tout droit sortie d'un couvent, d'apparence plutôt inoffensive, mais qui absorbe, elle aussi, l'énergie vitale des personnes qui l'entoure, et qui ont le malheur d'avoir de la sympathie pour elle. Car, s'il y a un point commun entre les victimes de ces êtres toxiques, sont leur empathie très développée, qui leur font prendre leurs bourreaux en pitié...La thématique est donc très similaire à celle du roman de Lorris Murail, et donc tout aussi dérangeante. A la différence près que lorsque la jeune fille "vampire" de Marryat tombe réellement amoureuse et fait dépérir, pour son malheur, le mari qu'elle adore, celle-ci ne le supporte pas et préfère se donner la mort. Le personnage n'est donc pas complètement manichéen, mais cause suffisamment de dégâts tout au long du roman pour que l'on parvienne à la prendre en pitié deux secondes... Cependant, le roman est extrêmement fascinant, lui aussi, puisqu'il s'écarte largement des récits vampiriques classiques.



Dans un autre registre, le personnage de Charlie Manx créé par Joe Hill dans son roman Nos4a2, et auquel Zachary Quinto prête ses traits dans la série du même nom, adopte également une caractéristique commune avec celle évoquée plus haut. Il est effectivement un vampire, mais ne mord pas ses victimes : il les transforme irrémédiablement par sa seule présence à côté d'elles. Apparaissant d'abord comme un vieillard, Manx se régénère peu à peu au contact des enfants qu'il arrache à leurs familles dysfonctionnelles. Le personnage, dépourvu de toute humanité, à la psychologie complètement déréglée, s'imagine être un héros, alors qu'il est un monstre... Cette ambivalence est  d'ailleurs tout à fait passionnante à décrypter (Voir l'article très intéressant sur le blog de Lorinda).

Ces vampires "psychologiques" feraient-ils partie d'une nouvelle tendance ? Il est certain qu'ils n'en demeurent pas moins aussi effrayants que leurs pendants "traditionnels".

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2 commentaires:

  1. Ça me fait plaisir de revoir un bilan de tes lectures, même si toutes n'y figurent pas ! J'ai vu passer Le Pouvoir, sans pour autant m'y risquer (j'ai fait une overdose du féminisme sous toutes ses formes pendant un temps, du coup, j'y vais à reculons, même en littérature..) Mais c'est super de voir que le récit a su être mené de façon intelligente jusqu'au bout. Les travers humains...n'appartiennent pas qu'à un genre ! Je ne connaissais pas du tout Gail Carriger, Karine Martins ou Hope Cook, en revanche. Je comprends comment ce dernier a pu t'attirer :P Dommage qu'il n'ait pas tenu ses promesses jusqu'au bout, mais c'est peut-être le fait du genre Young Adult...il faut que ce soit espérant et quand même assez heureuse à la fin...

    Et comme tu le sais, tu m'as beaucoup intrigué avec Vampyre, j'essayerai de voir si je peux le trouver d'ici là. J'ai beau adorer les vampires (ado, Dracula, Anne Rice et Meyer sont passés par là, entre autres) je n'ai pas retouché à ce genre depuis bien longtemps. Et ce roman-là a l'air original et noir à la fois, tout en prenant le mythe vampirique à contre pied, un peu comme dans Nos4a2 ou Blood of the vampire. Quelque part, ce que tu dis sur le personnage de Blood of the vampire, me fait aussi penser que ces vampires sont aussi une métaphore des personnes qui vampirisent les autres, qui les dévorent à forcer de leur demander/ordonner de l'attention, de l'affection, etc, voire métaphorique de la dépression ou surtout des relations toxiques...c'est un aspect qui s'y colle bien. et cela les rend, comme tu dis, plus "humains", plus proches du quotidien, ce qui contribue à les rendre effrayants.

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  2. Concernant Le Pouvoir, je suis tout à fait d'accord : les travers humaines n'appartiennent pas qu'à un genre... L'idée véhiculée que les femmes feraient mieux en la matière me fait doucement rigoler... :p
    Vraiment, je te conseille à la fois Ceux qui ne peuvent pas mourir, et dans un autre registre Vampyre de Murail, et Le Sang du Vampire de Marryat. Trois excellentes lectures ! Et comme tu le soulignes, cette notion des personnes qui vampirisent l'entourage au sens psychologique du terme est tout aussi effrayante que celle des vampires suceurs de sang... Sinon davantage ! D'ailleurs, j'ai été "ravie" de voir que le nouveau Dracula de Gatiss et Moffat a cette caractéristique également, en un sens... J'achève le dernier épisode ce soir, mais c'est vraiment brillant. J'espère faire un petit billet là-dessus bientôt !

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