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20 février 2020

Bilan des derniers visionnages de décembre à janvier

Voici le bilan de mes visionnages de ces quelques dernières semaines, et comme vous le verrez, il y a comme souvent pas mal de (mini-)séries, et de très beaux ou surprenants films au programme !

Profit 
(Fox - 1996)


Cela fait sans doute un peu plus de dix ans que j'ai entendu parlé pour la première fois de PROFIT, considérée à son époque, comme un véritable ovni télévisuel. Je n'avais jamais eu l'opportunité de la regarder, car elle n'a fait qu'un passage éclair sur les chaînes francophones, et parce que le coffret cassettes (eh oui, c'est une autre époque...) ou dvd sont devenus tout simplement hors de prix. Heureusement qu'il existe youtube dorénavant pour empêcher ce genre de perles de sombrer dans l'oubli... En quelques mots, la série retrace les manipulations et les chantages machiavéliques de Jim Profit, trentenaire arrogant, fraîchement engagé comme directeur adjoint des acquisitions dans une multinationale de fusion et de rachat d'entreprises, nommée Gracen & Gracen. Durant cette unique saison de 8 épisodes (un pilote d'1h30 et 7 épisodes de 45 minutes), on assiste aux actes crapuleux de Profit, qui n'a qu'un objectif : abattre un à un les pions qui se trouvent entre lui et le pouvoir suprême de l'entreprise.



Si quelques aspects de la série accusent un peu leur âge (notamment les quelques éléments d'intrigues touchant à l'informatique, devenues complètement obsolètes), il est très étonnant de constater à quel point cette série peut faire encore mouche aujourd'hui. Et pour cause : la série Profit est en réalité une adaptation à peine déguisée du Richard III de Shakespeare... Alors certes, le personnage principal n'est ni bossu, ni boiteux, mais il a le machiavélisme, l'intelligence implacable, l'hypocrisie monstrueuse et la même volonté que ce dernier à demeurer dans l'ombre. Ses motivations sont les mêmes : le pouvoir, plus d'ailleurs que l'argent qui logiquement l'accompagne. A vrai dire, on s'aperçoit très vite que l'argent n'a pour lui qu'une importance très secondaire, et qu'il ne lui sert qu'à servir ses ambitions, et non à contenter son orgueil. On ne sait même pas, d'ailleurs, si le personnage en est doté, tant en dehors de son travail, il semble être une sorte de coquille vide. Pour autant qu'il soit remarquable dans ses manipulations et ses chantages, Jim Profit n'en demeure pas moins un personnage à la psychologie troublante : assassin, manipulateur, menteur, il brille en société, pour malgré tout retourner volontairement vers les maltraitances de son enfance dès qu'il rentre chez lui... Le personnage peut donc autant mettre mal à l'aise qu'il ne suscite une certaine admiration chez le spectateur... S'il est foncièrement sociopathe, il n'en est pas pour autant monocorde : il a quelques accès de philanthropie qui posent tout de même question. Il fait parfois ainsi en sorte que certaines victimes puissent se venger de leurs bourreaux de manière assez magistrale... Et ces scènes laissent à elles seules planer le doute sur ses propres motivations. Là est sans doute l'un des plus beaux tours de force de la série : Profit est un prédateur qui s'attaque à d'autres prédateurs, aussi ne peut-on jamais complètement le détester. On se prend à s'inquiéter bien souvent de ce que ses manipulations ne soient mises en échec. On est interpellé par ses motivations dont il tient le spectateur au courant en faisant de régulières apartés comme le ferait un acteur de la scène d'un théâtre (et cela renvoie bien entendu aux monologues et aux apartés de Richard III), ou par des discours tenus en voix-off, tout comme par ses sourires entendus et ses clins d'oeil vers la caméra. Le spectateur se sent donc à juste titre comme le complice involontaire de ses machinations... On pourrait être étonné, vu le contexte très intemporel du personnage, du peu de succès rencontré par la série Outre-Atlantique, ou ailleurs. Son aspect avant-gardiste m'a beaucoup étonnée, et annonçait bien avant l'heure des séries comme House of cards. Profit était sans doute, au vu de son format, de son scénario très retors, de son contexte politiquement incorrect, de ses personnages malsains, beaucoup trop en avance sur son temps... Elle a été probablement mal comprise, trop sombre, trop sérieuse, trop sinistre pour son époque... Et à ce titre, elle faisait véritablement figure d'exception dans le paysage audiovisuel de son temps. Elle demeure néanmoins toujours une expérience assez unique, dans son statut et dans son contexte, à l'issue de laquelle on garde pour longtemps encore en mémoire le visage carnassier de Profit, interprété magistralement par le ténébreux Adrian Pasdar. 



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The Square
(film suédois - 2017)



Il faut que je sois honnête, c'est à cause de mon tout récent visionnage de la mini-série Dracula, et de ma découverte de l'acteur danois Claes Bang, que je me suis intéressée à The Square. Palme d'or du Festival de Cannes en 2017, ce film suit Christian, le conservateur d'un musée d'art moderne en Suède, dans son quotidien entre sa gestion aléatoire du musée, ses aventures amoureuses d'un soir, et ses soirées mondaines bon chic bon genre. Le seul adjectif que je pourrais attribuer à ce film encensé par la critique est "bizarre". Jubilatoire, il l'est sans doute, si on connaît un tant soit peu les musées d'art moderne, qui se font bien égratignés au passage. Il est d'ailleurs très compliqué d'en faire un résumé, car ce film parle de tout et de rien, en étant tantôt loufoque, tantôt grave, tantôt très dérangeant. C'est un film qui paraît quelque peu sans identité, sans message, sans fond. On se demande d'ailleurs parfois si les dialogues ne sont pas improvisés... On ignore à vrai dire s'il s'agit d'un chef-d'oeuvre ou d'un navet, s'il faut en rire ou en pleurer... Bref, je suis restée un peu éberluée derrière mon écran, après deux heures trente de visionnage énigmatique... Le film vaut sans doute le coup d'oeil pour son contexte très étrange, et pour ses interprètes, Claes Bang en tête, qui offre là une performance d'acteur absolument décomplexée. Une curiosité.  


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Jekyll 
(BBC 2007)


Il s'agit ici d'un re-visionnage, dont j'ai déjà parlé brièvement dans cet article du mois de janvier consacré à L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. C'est en explorant à nouveau ce mythe littéraire, que j'ai décidé de ressortir cette série scénarisée par l'incontournable Steven Moffat des tréfonds de mes étagères... J'avais vu ce Jekyll il y a plus de dix ans, peu de temps après sa diffusion sur BBC One. Rien que l'écrin dvd de l'époque avait de quoi intriguer : il était composée d'un coffret métallique recouvert d'une sorte de poche de sang synthétique liquide, tandis qu'on voyait en transparence la tête de fou de James Nesbitt en Hyde... Autant dire que le ton était donné 😅 !

Et on excusera cette fameuse poche de sang synthétique qui eu le temps de sécher en treize ans...!
Jekyll, tout comme Sherlock ensuite, ou encore Dracula plus récemment, est un merveilleux exemple de cette réécriture de classiques qui est devenue aujourd'hui une marque de fabrique du duo Gatiss-Moffat. A l'époque, Jekyll était vraiment novatrice et avait d'ailleurs fait grand bruit : non seulement parce qu'elle donnait à voir une modernisation d'un mythe littéraire, mais aussi parce qu'elle était tout de même très violente, même si la sauvagerie de Hyde était plus suggérée qu'explicite. Néanmoins, même si je l'avais trouvée relativement très intéressante dans sa façon d'interpréter le double  personnage de Jackman/Hyde, je l'avais considérée également assez dérangeante à regarder lors de mon premier visionnage. A vrai dire, elle m'avait mise mal à l'aise comme l'avait fait le roman à la première lecture. Le personnage de Hyde, campé par James Nesbitt, est à la fois très jubilatoire tant il est cabotin et grossier, mais aussi tellement pathétique quand il est Jackman (le personnage, descendant du Jekyll victorien, porte un autre nom), qu'on ne peut qu'apprécier le jeu d'acteur de Nesbitt, qui visiblement s'en était donné à coeur joie. Alors évidemment, cette adaptation est un véritable dépoussiérage, une réinterprétation de l'histoire originale, elle est donc fidèle au roman à sa manière... A savoir que si le brave docteur Jackman tente de contenir son double malfaisant, il se plaît aussi à avoir recours à ses "services" lorsque le besoin s'en fait sentir... La survenue de Hyde, si elle paraît peu maîtrisée au départ, s'avère en réalité tout à fait opportune au final, et c'est un élément qui est souvent repris d'une adaptation à l'autre. Jackman a besoin de Hyde pour vivre, ou plutôt pour survivre. J'ai beaucoup apprécié la description qu'en fait l'un des personnages de la série : "un enfant dans un corps d'adulte", il en a l'instabilité de caractère, les réactions brutes, non nuancées, presque animales, mais avec la force et les défauts d'un corps adulte. Si on sourit bien des fois de son irrévérence, la série glace tout de même par sa violence suggérée, par les atrocités sous-entendues dont Hyde est capable et qui menacent à tout instant de submerger Jackman. L'opposition tout à fait magnifique entre Hyde et sa femme (ou plutôt la femme de son double), est l'un des ressorts les plus intéressants de la série, qui s'achève sur une note tellement incertaine qu'elle aurait volontiers appelé une seconde saison... Mais Jekyll ne comportera jamais que 6 épisodes de 45 minutes intenses et crépusculaires... 


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The Pale Horse
(BBC 2020)

Voilà encore un nouveau drama de la BBC comme je les aime... Adapté d'un roman bien connu d'Agatha Christie, The Pale Horse est l'une des très bonnes surprises de ce début 2020. En entamant le visionnage de ces deux épisodes, j'avoue que je ne me rappelais guère la trame de l'histoire d'origine, sinon qu'il y était question de morts mystérieuses sur fond de magie noire... Je n'avais donc aucun a priori concernant cette adaptation, hormis le fait que j'étais tout à fait disposée à adorer le personnage de Mark Easterbrook campé par Rufus Sewell... Depuis l'ultime épisode de The Man in the High Castle, où l'acteur interprétait un très détestable officier nazi, il fallait que je trouve de quoi combler mes frustrations en matière de personnage ambigu... :p Et je n'ai pas été déçue... La série joue sur les flashbacks et la déstructuration du récit pour bien égarer le spectateur, et les scénaristes l'ont fait avec brio. La série est visuellement très impressionnante, joue magnifiquement avec nos nerfs, et on y évolue comme au travers d'un cauchemar... Au niveau de l'atmosphère, je l'ai trouvée assez similaire à celle de la mini-série "And then there were none" (Les dix petits nègres) de 2015, énigmatique et anxiogène au possible. Et si comme moi, vous aimez les personnages en demi-teinte, vous ne serez pas déçus par ceux brossés dans cette mini-série. Après avoir relu le résumé du roman d'Agatha Christie, je conçois tout de même qu'il faille sans doute se défaire un peu du matériau de base pour pouvoir apprécier cette version, où les personnages ont été volontairement noircis. 

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My cousin Rachel
(film britannique, 2017)


Tout d'abord, je remercie chaleureusement Lorinda, parce que ce dvd était l'un de mes très beaux cadeaux de Noël ! Je l'ai visionné tout récemment, et j'ai été vraiment très emballée par cette nouvelle adaptation du roman de Daphne du Maurier dont elle est issue, et qui est sans doute l'un de mes romans préférés de l'auteur, avec Rebecca et L'Auberge de la Jamaïque. Même si ma lecture du roman remonte à quelques années, j'ai trouvé cette version très fidèle, très respectueuse de l'esprit original. Les interprètes donnent merveilleusement vie aux personnages de Rachel et Philip, les deux protagonistes de cette histoire tellement délétère. Pour preuve de sa réussite, le film m'a mise inévitablement mal à l'aise : Rachel Weisz, derrière ses sourires et ses regards énigmatiques, campe une Rachel troublante à souhait, tandis que Sam Claflin incarne un Philip délicieusement naïf, qu'on a plus d'une fois envie de mettre en garde contre la duplicité de "sa cousine"... Tout comme dans le roman, le doute plane totalement sur les motivations du personnage féminin et sur le véritable fond de sa nature, ignorant si le jeune Philip se trouve la victime ou non ses machinations, même si les effets néfastes de ses actions sont quant à eux, bien réels. Le film, tout comme le personnage central, laisse planer le doute dans l'esprit des personnages eux-mêmes, comme dans celui du spectateur... Comme toujours avec Daphne du Maurier, l'histoire se termine sur une incertitude, une frustration terrible, qui vous hantera pour longtemps... Il en est souvent ainsi avec les personnages troubles qu'affectionnait tant l'auteur, et qui vous laisse comme un immense sentiment d'amertume au coeur... Le film vous laisse exactement une sensation similaire : on y retrouve tout l'esprit, tout la confusion de sentiments que ses personnages suscitent, avec des images splendides et des acteurs absolument parfaits... 

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23 août 2019

The Man in the High Castle - série (2015-2019)

Saisons 1 à 3

Réalisée par Frank Spotnitz, d'après le roman éponyme de Philip K.Dick

Disponible sur Amazon prime video

Avec Alexa Davalos (Juliana Craine), Rufus Sewell (Obergruppenführer John Smith), Rupert Evans (Frank Frink), DJ Qualls (Ed McCarthy), Joel De la Fuente (Chief inspector Kido), Cary-Hiroyuki Tagawa (Trademinister Tagomi), Luke Kleintank (Joe Blake), Sebastian Roché (Reichsminister Heusmann),...


Imaginez un monde où Hitler, allié aux Japonais, aurait remporté la seconde guerre mondiale, et où Les Etats-Unis se retrouvent scindés en trois zones : la côte ouest sous la gouvernance japonaise, la côte est sous celle du Reich nazi, et une zone neutre. La série se déroule au début des années soixante à San Francisco, où les "gaijin" (les non-japonais), sont traités plus ou moins comme des sous-hommes, mais où une certaine forme de résistance s'organise. C'est ainsi que Juliana, qui voit sous ses yeux sa soeur assassinée par des policiers japonais, se retrouve précipitée dans un réseau de transfert de bobines de films, sur lesquelles on voit se dérouler une réalité alternative : et si, finalement, l'Allemagne nazie avait perdu la guerre... ? Ces images, qui ne sont guère au goût du Reich, sont activement recherchées par les nazis, ainsi que celui qui semble les "fabriquer" : Le maître du Haut-Château... Toute la question est de savoir surtout comment celui-ci les a obtenues...

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J'avoue que malgré le bien que l'on disait de cette série, je m'y suis lancée un peu à reculons... Le roman de Philip K. Dick duquel elle s'inspire assez librement, m'est tombé des mains au bout de quelques dizaines de pages. La faute à une trame vraiment extrêmement confuse, et un style d'écriture quelque peu au hachoir... Et pourtant, après avoir visionné les quelques premiers épisodes, je suis tombée vraiment sous le charme de cette série à l'ambiance crépusculaire. Le matériau de base étant très hermétique, il a fallu aux scénaristes revoir l'entièreté de l'histoire, et surtout étendre l'univers créé par Philip K. Dick, et le diluer sur pas moins de 4 saisons, à raison de 10 épisodes d'une heure pour chacune, dont la dernière sera disponible à partir de novembre. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de difficulté à rédiger un résumé cohérent, car elle se révèle particulièrement difficile à synthétiser, voire à expliquer... L'histoire est particulièrement complexe, et les retournements de situation sont tellement nombreux, que l'on pourrait volontiers s'y perdre, et se perdre surtout dans la classification même de cette série... Il s'agit certes d'une uchronie, et donc à proprement parler, de science-fiction ou de fantastique, bien que ces aspects soient très peu présents ou palpables dans les deux premières saisons. On lorgne alors plutôt du côté de la série d'espionnage ou tout simplement d'intrigue. Or, je suis en général assez peu friande de ce genre de contexte, mais très vite, je me suis laissée emporter par cette trame tarabiscotée, obscure mais jamais confuse, qui nous présente une réalité alternative à faire froid dans le dos.

Juliana Crain (Alexa Davalos)
Dissimulation, arrestation, chantage, dénonciation, assassinat, torture, exécution sommaire, les pires événements que l'on connaît de la seconde guerre mondiale, sont le lot quotidien des personnages les plus humbles de la série, Juliana et son fiancé Frank, qui se retrouvent pris au piège du système de répression japonais, et s'y font broyés. Les personnages basculent donc volontairement vers une forme de résistance tantôt passive, tantôt meurtrière, au gré des événements dans lesquels ils ont été entraînés. Le seul personnage à demeurer fidèle à lui-même dans cette bataille, est celui de Juliana (campée par Alexa Davalos), qui sans se considérer comme une résistante, s'évertue à faire toujours ce qui lui semble juste. Pour preuve, on sent Juliana très attachée à la culture japonaise dans laquelle elle a toujours vécu, ce qui ne l'empêchera pas d'aider des résistants, ou à tenter de sauver un jeune garçon pétri d'idéaux nazis... Le personnage, au-delà des clivages de son environnement, des événements contradictoires qu'elle subit, voit en quelque sorte toujours au-delà du marasme politique et des idéologies. Elle ne voit finalement que des êtres humains pressurisés par un gouvernement tentaculaire, dans lequel même les plus hauts dignitaires se retrouvent pieds et poings liés. Malgré ses actions, elle demeure à mon sens l'un des personnages les plus charismatiques et les plus lumineux de cette série. Dans ce registre, on trouvera également le ministre Tagomi (Cary-Hiroyuki Tagawa), "un juste", qui tente de sauver autant les "gaijin" que les japonais, tout en tentant de conserver une paix relative avec le gouvernement du reich nazi... Ce personnage touchant, supérieur (dans le meilleur sens du terme) est celui par lequel l'aspect fantastique s'installe, de par sa capacité à pouvoir spontanément passer d'une réalité alternative à l'autre. C'est-à-dire de leur réalité, vers la nôtre...

Le ministre du commerce Tagomi (Cary-Hiroyuki Tagawa)


Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell) - Juliana Crain (Alexa Davalos) - Kido (Joel De la Fuente)

Au-delà de ces personnages centraux qui confèrent une lumière indéniable et une certaine sérénité à l'intrigue, j'ai été très (très très très) enthousiasmée par deux personnages qui se trouvent du côté obscur de la force, si je puis dire... Le terrible inspecteur-chef Kido du Kempeitai japonais (Joel de la Fuente) est un personnage d'une intransigeance rare, monument de froideur et d'inhumanité, qui sur le fond, m'a fait énormément penser à Javert de par sa conception très binaire du bien et du mal et de la haute opinion qu'il a de sa fonction. Cet adversaire par qui tout le mal arrive dans le quotidien bien morne des personnages principaux, fait réellement froid dans le dos, tant il se nourrit d'extrêmes. Il a donc assez peu de nuances, même s'il croit agir, comme le personnage de Hugo, pour le bien-être public et la sauvegarde de l'état. Il semble comme imperméable à tout, quoique son personnage semble se tempérer quelque peu à la fin de la saison 3. Je reste très curieuse de son évolution au cours de la dernière saison...

Le terrifiant inspecteur en chef Kido (Joel de la Fuente)
Ensuite, (et je garde toujours le meilleur pour la fin), il y a l'Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell)... Ancien officier de l'armée américaine à la fin de la seconde guerre mondiale, on pense comprendre qu'il a rejoint l'armée du reich nazi très rapidement, gravissant les échelons avec une avidité sans précédent, quitte à semer un nombre faramineux d'assassinats sur son passage... [A noter qu'un Obergruppenführer est l'équivalent, dans la branche armée de la SS, au grade de général] On ne sait pas exactement ce qu'il a fait par le passé, mais on se doute qu'il a beaucoup, beaucoup de sang innocent sur les mains, n'hésitant pas à écraser comme des moucherons ceux qui iraient à l'encontre des ordres qu'il reçoit. Il en cela très similaire au personnage précédemment cité, dans cet aspect très martial de sa psychologie. S'il apparaît dès le premier épisode comme un tempérament imperturbable, impitoyable, hermétique à la moindre émotion, on voit, contrairement à l'inspecteur Kido, craquer assez rapidement le vernis... Smith est effectivement très en demie-teinte, puisqu'il apparaît excellent père de famille, bon mari (comme l'exigeait d'ailleurs les préceptes nazis), mais cet aspect est complètement poussé à l'extrême chez lui. A un point où il menace, tue parfois pour protéger, ou sauver les siens, en allant à l'encontre des grands principes de l'idéologie qu'il sert. Ses enfants, sa femme, sont d'énormes points faibles chez lui, et sa hiérarchie le sait... Il est à la fois terrifiant en raison de la froideur avec laquelle il interroge des ennemis de l'état, mais également terriblement faillible si l'on touche un cheveu de l'un des membres de sa famille. On le voit donc agir pour le bien du son gouvernement, de l'idéologie du parti, en commanditant des atrocités sans se départir de sa glaciale nonchalance. Cependant au fil du temps, on le sent de plus en plus inquiet, jusqu'à ce que certains scrupules commencent à faire surface. Il inquiète donc bien souvent par sa seule présence dans une pièce, de par ses manipulations et ses propos à double sens, à son apparence retorse. Seulement, on le sent volontiers déstabilisé par ses tragédies personnelles, d'où la fascination visible qu'il nourrit pour l'existence d'une réalité ou d'un monde alternatif où ses souffrances n'existeraient pas... Du reste, son épouse Helen (Chelah Horsdal), subit elle aussi une évolution passionnante au cours de la dernière saison diffusée : la gentille femme soumise à son mari qui se met à penser par elle-même et à agir inconsidérément, est particulièrement jubilatoire.  Encore un personnage très ambivalent dont on se régale des apparitions ou de l'évolution tout au long de la série. Il serait très difficile d'en dire davantage à ce sujet sans spoiler le contenu de la saison 3, et le meilleur étant encore probablement à venir lors de la saison 4, qui sera disponible dès le 15 novembre.

L'Obergruppenführer John Smith (Rufus Sewell) : un personnage délicieusement ambivalent
Une série à voir d'urgence !


19 janvier 2017

Wolf Hall (Dans l'ombre des Tudors) - série BBC 2015


Minsérie de 6 épisodes, réalisée par Peter Kosminsky.

D'après les romans "Dans l'ombre des Tudors" : "le Conseiller" et "le Pouvoir", d'Hilary Mantel

Avec Mark Rylance (Thomas Cromwell), Damian Lewis (Henry VIII), Claire Foy (Anne Boleyn), Bernard Hill (Le Duc de Norfolk), Tom Holland (Gregory Cromwell), Jonathan Pryce (le Cardinal Wolsey), Anton Lesser (Thomas More), ...

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Thomas Cromwell, discret mais redoutable avocat, est au service de l'influent Cardinal Wosley. Mis en disgrâce car celui-ci échoue à obtenir auprès de Rome l'annulation du mariage d'Henry VIII avec Catherine d'Aragon, Thomas Cromwell, demeuré dans l'ombre, attend son heure... Peu à peu, grâce à une intelligence redoutable et une efficacité peu commune, il se hisse au plus haut niveau du pouvoir, devenant le conseiller le plus influent et le plus craint d'Henry VIII.

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J'ai longtemps attendu avant de visionner cette série, trop longtemps dirais-je, car je pense qu'il s'agit là d'un pur chef-d'oeuvre. Malgré l'ambiance quelque peu somnolente de la réalisation , probablement en raison d'une quasi absence de bande originale, baignant les 6 épisodes de plus d'une heure d'une atmosphère plutôt hypnotique, elle est l'une des séries historiques les plus intelligentes et les plus abouties que j'ai pu voir ces dernières années. Bien que cette série peut évoquer par son contexte "Les Tudors", série bien plus populaire, on est loin, bien loin de son contexte sulfureux et de ses extravagances. Dans Wolf Hall, le personnage central n'est pas Henry VIII, qui n'apparaît qu'en second plan, mais bien Thomas Cromwell, cet homme posé, imperturbable, d'une allure froide et effacée, qui patiente, manoeuvre, menace, élimine les importuns avec cette même mesure déférente qui à la fois fascine et glace. Si le personnage peut paraître de prime abord un peu fade, tant il parle bas, tant il semble ne pas vouloir faire de vague, je pense qu'il ne s'agit que d'endormir la vigilance de tous, y compris celle du spectateur. En effet, sans apparaître clairement retors, Cromwell n'en est pas moins un ambitieux, même si au bout des six épisodes, il demeure toujours aussi indéchiffrable qu'à l'ouverture de la série. Il est l'archétype de l'éminence grise, celui qui n'élève guère la voix, ne se montre jamais et s'efface volontiers, mais qui s'avère être plus influent que le souverain qu'il sert.

Thomas Cromwell (Mark Rylance)

L'opposition visuelle, intellectuelle, entre Henry VIII, campé par Damian Lewis, et le Cromwell de Mark Rylance est d'ailleurs ce qu'il y a de plus intéressant dans "Wolf Hall". Ce roi inconstant, volage, tapageur, offre un contraste saisissant avec ce conseiller toujours en retrait et plongé dans d'énigmatiques postures, qui font autant trembler la cour que les caprices du monarque. 

Henry VIII (Damian Lewis) avec sa fille, la future Elizabeth Ière...

Du reste, cette série foisonne de personnages satellites, qui vont et viennent, apparaissent et disparaissent au gré des humeurs changeantes d'Henry VIII. Parmi cette impressionnante galerie, on note la prestation tout à fait splendide de Claire Foy en Anne Boleyn, ambitieuse et manipulatrice, qui finira par elle aussi tomber en disgrâce lorsque, incapable elle aussi de mettre au monde un héritier mâle - ce qui ne l'empêcha pas de donner naissance à l'une des plus grandes reines de l'histoire, Elizabeth Ière - et, comme ce fut le cas de Catherine d'Aragon (elle aussi mère d'une future reine, Mary Tudor) qui elle, put se contenter d'une relégation - Anne Boleyn, refusant d'être répudiée, fut exécutée à la Tour de Londres, à l'instigation de Cromwell, qui fut autrefois l'un de ses appuis... 

Anne Boleyn (Claire Foy)

Au milieu de ces complots et de ces disgrâces, toujours ce conseiller redoutable, qui se retranche derrière son absolue servitude à la couronne, pour commanditer les pires actes. Il n'est pas rare de voir Cromwell, sous cette attitude toujours si tranquille et révérencieuse, tourner le dos à ceux qui l'a favorisé, quitte à renier ses propres convictions. L'un des points forts de l'interprétation de Mark Rylance est de parvenir, malgré cette attitude, à ne pas susciter totalement l'antipathie. A vrai dire, il est très difficile de le haïr totalement, puisque ceux qui tombent sous ses coups ne sont jamais totalement des innocents. Cependant, il a ses doutes et probablement une conscience, que des regards lointains laissent parfois entrevoir. On peut penser notamment aux dernières images de l'ultime épisode, lorsqu'il considère dans une attitude songeuse et grave l'échafaud qui vient de voir monter Anne Boleyn, comme si un sombre pressentiment venait de le traverser... 

L'exécution d'Anne Boleyn, à la Tour de Londres

On comprend parfaitement à ce moment que Cromwell sait pertinemment que son rôle de Conseiller auprès d'Henry VIII ne le met pas à l'abri de ses caprices, bien au contraire. Il jouera ce jeu avec toute l'intelligence dont il peut faire preuve, mais il sait que celui qui est indispensable aujourd'hui ne le sera sans doute plus demain... On le voit d'ailleurs également fort bien lors de la disgrâce de Thomas More (magistral Anton Lesser), lui aussi exécuté parce qu'il refusait de cautionner l'autorité du roi en matière de religion, dont Cromwell avait soigneusement mis en place la réforme par d'habiles manipulations juridiques. Cromwell et More s'estimaient et se détestaient tout à la fois. More était un Chancelier d'exception, un homme d'une rare érudition, mais surtout un grand humaniste avec des principes très arrêtés. C'est en démissionnant d'abord, puis en refusant de se plier aux injonctions de Cromwell qui ne souhaite que sauver sa tête, qu'il sera exécuté. More, autrefois porté aux nues, est tombé, et le conseiller sait très bien qu'un jour, son tour viendra. Son unique but sera peut-être d'en repousser le plus longtemps possible l'échéance... 

Thomas More, le Chancelier tombé en disgrâce (Anton Lesser)


Alors certes, ce n'est pas une série légère, ni visuellement éblouissante. Elle se glisse si bien dans les coulisses de la cour dans ce qu'il a de plus abject qu'elle en est inévitablement sombre et pesante. Non seulement, elle est intelligemment construite, mais elle permet encore d'éclairer le spectateur de manière magistrale sur les inavouables revers du pouvoir... 

Du reste, les romans, écrits par Hilary Mantel, dont est issue la série sont tout aussi passionnants et existent au format poche dans la collection Pocket:

       



12 janvier 2017

Victoria (ITV 2016)


Minisérie de 8 épisodes de Oliver Blackburn, Tom Vaughan et Sandra Goldbacher.

D'après le roman éponyme de Daisy Goodwin, "Victoria".

Avec Jenna Coleman (Victoria), Rufus Sewell (William Lamb, viscount of Melbourne), Tom Hughes (Albert of Saxe-Coburg & Gotha), Catherine Flemming (Duchess of Kent), Peter Firth (Duke of Cumberland), Paul Rhys (Sir John Conroy), Nigel Lindsay (Sir Robert Peel),...

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A la mort de son oncle, William IV d'Angleterre, la jeune Victoria devient à l'aube de ses dix-huit ans, la nouvelle monarque de l'un des pays les plus puissants d'Europe. Desservie par sa jeunesse et son inexpérience, la jeune femme peine à trouver ses marques au sein de ce système rigide, tandis qu'elle cherche à se défaire de l'influence de sa mère et de son ambitieux conseiller, Sir John Conroy... Grâce au soutien indéfectible de son premier ministre, Lord William Melbourne, Victoria parvient à affirmer son autorité dans un pays en pleine mutation, et ce malgré les pressions politiques et celles, plus insidieuses de sa propre famille...

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Cette série produite par ITV et diffusée en 2016, s'attarde sur les premières années du règne de Victoria, depuis son accession au trône en 1837, jusqu'à la naissance de son premier enfant en 1840, une période relativement brève, donc, mais qui contient son lot d'événements notables.

Le roi William IV d'Angleterre étant mort sans héritier légitime, la couronne revient à sa nièce Victoria, jeune femme de dix-huit ans, que sa famille pense incapable de gouverner. La jeune monarque, campée par la resplendissante et impériale Jenna Coleman, peine quelque peu à trouver sa place, et ne trouvera aucun soutien du côté de sa famille, entre une mère qu'elle méprise, le conseiller de sa mère qui tolérerait tout à fait d'installer une régence pour servir ses propres ambitions, et un oncle paternel qui ne cache pas sa rancoeur à avoir été écarté de la succession. Lors de ses premières apparitions publiques, Victoria est impressionnée, gauche, et elle trouvera un surprenant appui auprès du premier ministre, Lord Melbourne (interprété par le ténébreux Rufus Sewell), qui lui offre conseils et protection.

Jenna Coleman et Rufus Sewell


Leur entente est d'ailleurs si manifeste que Victoria, encore célibataire, finira par être surnommée "Mrs Melbourne"... La série s'est évidemment jetée dans la brèche, exploitant cette rumeur pour présenter une délicieuse histoire d'amour contrariée entre les deux protagonistes, avec d'un côté une jeune femme aux sentiments exacerbés, excessifs, et de l'autre un Lord Melbourne paternaliste, dévoué - et secrètement épris de la reine - interprété avec brio par Rufus Sewell qui use merveilleusement de ses regards énigmatiques et de son charisme de héros tourmenté... Du reste, ce couple au summum du romantisme est simplement magnifique à l'écran...

Rufus Sewell (Lord Melbourne)

Quant au prince Albert, le neveu du roi des belges Léopold Ier, et le propre cousin de Victoria, campé par Tom Hughes, osons dire qu'il est complètement transparent, ou peut-être pire que cela : il est antipathique au possible. Son personnage apparaît immédiatement comme un jeune homme sans envergure, presque détestable. On peine vraiment à se demander ce que la reine peut bien lui trouver, sinon qu'il apparaît davantage comme un parfait dérivatif à son attachement contrarié à Lord Melbourne. Le personnage peine vraiment à susciter la sympathie du spectateur, même si il semble s'amender quelque peu dans les deux derniers épisodes...

Tom Hughes (le prince Albert de Saxe-Cobourg et Gotha)

Du reste, la série est absolument charmante au niveau visuel : les images sont splendides, extrêmement soignées, les costumes, les décors, tout y est éblouissant et offre à tout point de vue un spectacle complet et attachant. Alors bien sûr, au point de vue de la réalité historique, la série est très respectueuse du contexte général, dépeint merveilleusement l'époque et ses carcans, mais elle est peut-être loin du compte quand elle évoque et enjolive l'attachement de la reine à son premier ministre, qui demeure malgré tout le point de convergence des 5 premiers épisodes. Cela dit, Lord Melbourne et la reine Victoria s'appréciaient, dit-on, énormément, et même lorsque ce dernier ne fut plus le chef de son gouvernement, la reine continua d'entretenir avec lui une correspondance assidue. Correspondance à laquelle elle dut mettre un terme, sous les insistances du prince Albert, qui la voyait d'un très mauvais oeil... Mais il n'y eut apparemment rien de plus qu'une profonde amitié entre la monarque et l'ancien ministre whig. En bon coeur de midinette que je suis, je ne peux pas nier que le postulat de la série ne soit pas à tout point de vue irrésistible à l'image... A vrai dire, on ne peut que s'en régaler, et on envoie allègrement au diable la réalité historique...




Une très belle et charmante série à visionner donc, sans modération, qui bénéficie également d'une magnifique bande originale. Ci-dessous, un extrait du splendide générique d'ouverture, ainsi qu'un aperçu du premier épisode :