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12 janvier 2016

Dragonwyck, d'Anya Seton

Miranda Wells est la fille aînée de modestes fermiers dans l'Amérique du XIXe siècle. Esprit romanesque, éprise de liberté, Miranda aspire à une autre vie, loin des travaux de la ferme. Lorsque Nicolas Van Ryn, cousin éloigné des Wells, le richissime propriétaire de Dragonwyck, leur propose de prendre l'une de leurs filles comme dame de compagnie, c'est l'occasion pour Miranda de s'extraire de sa condition. En arrivant à Dragonwyck, domaine immense et éblouissant, régi à la manière féodale par son despotique cousin, Miranda découvre, fascinée, une nouvelle vie...

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Dragonwyck, roman écrit par l'américaine Anya Seton en 1944, est une oeuvre dans la pure tradition romanesque, à l'image des productions de Daphné du Maurier. C'est aussi avant tout un film culte, réalisé par Joseph Mankiewicz en 1946, avec la sublime Gene Tierney et l'inoubliable Vincent Price (pour l'article sur le film, c'est par ici). A vrai dire, même si je savais que le film était issu d'un roman et qu'il trônait depuis longtemps dans ma vertigineuse pile de livres à lire, je ne l'ai lu que très récemment. Et j'ai d'ailleurs eu tort de faire traîner autant les choses, car l'oeuvre, au-delà du film, est extrêmement marquant, que ça soit par son indéniable fibre romanesque, ou par son contenu, somme toute très grave, dépassant de loin l'ambiance déjà délétère du film. On y ressent effectivement, sous les dehors pourtant charmants et raffinés de la demeure et de son propriétaire, une sorte de malaise persistant, que le lecteur ne pourra quitter qu'à la dernière page, ou qui le poursuivra, au contraire, encore bien au-delà. 

Dragonwyck, la demeure des Van Ryn, ou "Le château du Dragon" en vieil hollandais, tient son nom d'une légende indienne, qui veut qu'un dragon habite la colline sur laquelle le château a été construit, dans la baie de l'Hudson. Cette grande maison aux allures gothiques,qui surplombe majestueusement la vallée, pour toute magnifique qu'elle soit n'en est pas moins emplie d'une atmosphère extrêmement pesante. Tous ses occupants semblant vivre dans la crainte de Nicolas Van Ryn, sorte d'autocrate aux méthodes féodales, qui administrent ses fermiers d'une main de fer. Seulement, ce fameux Van Ryn est aussi un homme brillant, qui peut se révéler charmant, mais qui méprise tout ce qui ne répond pas à son irraisonné désir de perfection. Lorsque son épouse, Johanna, meurt dans des circonstances singulières, celui-ci, le jour-même des funérailles, propose à Miranda de l'épouser. La jeune fille, qui s'était secrètement et innocemment éprise de lui, accepte. 

Nicholas Van Ryn (Vincent Price) et Miranda (Gene Tierney) dans le film de 1946

Miranda, n'ira ensuite que de désillusions en désillusions, voyant progressivement l'homme qu'elle a épousé, sous un jour de plus en plus menaçant . La prévenance et les attentions peuvent se transmuter l'instant suivant en brimades et en humiliations, et le tout si subrepticement mené, que Miranda ne voit pas, ou ne veut pas voir, le danger de cette situation qui n'offre plus aucune issue. D'homme charmant et posé, Nicolas Van Ryn, se transforme progressivement en tyran et le personnage toxique apparaît alors dans toute sa désastreuse splendeur. Si le personnage évoque, sous bien des aspects, le Heathcliff des Hauts de Hurlevent, il rappelle également à bien des égards, les personnages de la meilleure tradition gothique, dans ce qu'ils ont de plus retors... Calculateur, monstre d'égoïsme, doublé d'un toxicomane, Nicolas Van Ryn ne peut réellement jamais trouver grâce aux yeux du lecteur. Contrairement à un Heathcliff, pas de violence physique, mais une rage contenue, qui fascine autant qu'elle inquiète. Capable d'un mélange subtil de force et de manipulation, de courage et de narcissisme méphitique, il est de ces personnages qui entraîne fatalement tous ceux qu'il approche vers le fond... 

Le film de Mankiewiecz a superbement adapté le roman, Vincent Price campant un personnage très fidèle à son modèle littéraire, à quelques exceptions près. Le Nicolas Van Ryn du roman, s'il n'en demeure pas moins asphyxiant, se révèle plus subtil et insaisissable, beaucoup plus en demi-teinte. L'auteur du roman lui a d'ailleurs réservé une fin bien plus ambiguë que celle imaginée par Mankiewicz... Miranda, ayant gagné en maturité, jette un regard éclairé sur les agissements de son mari, et dans une scène ultime, les deux personnages s'affrontent enfin sur un pied d'égalité. Van Ryn disparaîtra dans un élan d'héroïsme qui laissera planer dans l'esprit du lecteur un nombre incalculable de doutes et de frustrations. 


08 mars 2008

Dragonwyck

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(Le château du Dragon)

de Joseph Maciewicz

D'après le roman "Dragonwyck" d'Anya Seton

1946-USA

Avec Gene Tierney (Miranda Wells), Walter Huston (Ephraïm Wells), Vincent Price (Nicholas Van Ryn), Glenn Lagan (Dr Turner)

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Résumé

Miranda Wells a grandi dans une modeste ferme du Connecticut, élevée par des parents aimants et profondément croyants. Cependant, la jeune femme s'ennuie et rêve à d'autres horizons. Le jour où ses parents reçoivent une lettre d'un riche cousin éloigné, les espérances de Miranda semblent prendre vie. Nicholas Van Ryn, riche propriétaire terrien, propose à l'une des filles de la famille de vivre à Dragonwyck en temps que gouvernante de son unique enfant, Katrina.
Arrivée au château, Miranda constate que les époux Van Ryn ne s'entendent guère, et que leur petite fille est entièrement délaissée. De plus, les murs de Dragonwyck semblent receler de lourds secrets.
Miranda tombe éperdument amoureuse de Nicholas, qui perd son épouse peu de temps après dans d'obscures circonstances. Celui-ci lui propose alors de devenir sa femme. Mais qui est réellement Van Ryn, et quels secrets cache-t-il ?


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Mon avis

On vante Dragonwyck d'être dans la veine de Rebecca ou de Jane Eyre. C'est absolument vrai. Ce film est pur bijou du cinéma, avec une histoire splendide, qui il est vrai, est très proche des deux romans mentionnés. On retrouve dans Dragonwyck les éléments essentiels des romans "néogothiques" : le maître de maison qui cache mal un lourd passé, la jeune épousée innocente, et finalement l'obsession de la maison. Cette demeure immense, tortueuse, avec des greniers et tourelles mystérieuses ; cette demeure qui obsède littéralement son propriétaire, au point qu'il n'en est plus le maître mais l'esclave. Dragonwyck est à l'image de Thornfield dans Jane Eyre ou de Manderley dans Rebecca. La maison devient un personnage à part entière à l'âme malfaisante. Cependant, un aspect est ici inversé. La maison est la raison principale des actions de Van Ryn, mais c'est le personnage qui créé le malaise et non l'inverse : la maison devient malfaisante à cause de son propriétaire. Les deux "personnages" sont en interaction permanente.
Le personnage de Miranda est sublimement interprété par Gene Tierney, toujours aussi merveilleuse dans ses personnages à la fois sensibles et forts. Et puis, il y a l'injustement méconnu Vincent Price dans le rôle de Van Ryn (que l'on a pu voir notamment dans La chute de la Maison Usher et L'abominable Dr Phibes). D'abord distingué, ensuite diabolique, puis dépravé, il passe par toutes les phases de la tranformation du héros gothique. Van Ryn appraît au départ comme le gendre parfait à la morale irréprochable. Derrière cette façade soigneusement préparée, il y a une âme profondément détraquée, qui n'a qu'une seule idée fixe : Dragonwyck et la continuité de sa race.

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La question est finalement si le personnage a jamais aimé Miranda... On peut le croire au début. Mais il est manifeste que ce sentiment s'estompe très vite une fois que Miranda perd son enfant. La jeune fille n'était qu'un rouage de plus dans ses machinations...

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