

Résumé
Benedict Masson, relieur d'art et poète de génie, mais atrocement laid, se meurt d'amour pour sa voisine, la belle Christine Norbert, la fille de l'horloger et la fiancée du prosecteur Jacques Cotentin. Benedict la sait amoureuse d'un étrange personnage, aux allures de statue de cire, qu'elle cache dans sa chambre... Qui est cet homme que nul ne voit jamais, et qui semble dénué de paroles et presque de vie ?
Cependant, quand Christine demande à Benedict de bien vouloir accepter un emploi à ses côtés chez le Marquis, qui la poursuit de ses assiduités, Benedict ne sait pas encore qu'il va être précipité dans une fresque horrifique dont il va devenir à la fois l'acteur et la principale victime. Accusé injustement de multiples meutres, le poète est jugé et condamné à monter sur l'échafaud... A moins que le prosecteur ne ravisse auparavant son âme à la mort...
Mon avis
Ce roman à deux volets de Gaston Leroux est à l'image des romans horrifiques et fantasmagoriques dont seul cet auteur de génie a eu le secret. A la fois très éloigné de la saga des Rouletabille et son style d'intrigue policière, à la fois proche du Fantôme de l'Opéra par la profondeur des personnages qu'il présente, La Poupée Sanglante et la Machine à Assassiner ont leur marque propre (même si on peut bien entendu faire le rapprochement avec le Frankenstein de Mary Shelley). Si on retrouve le style journalistique et précis de Gaston Leroux (dont c'est ici une des dernières oeuvres, publiée en 1923), l'utilisation répétitive de l'italique, sorte de choc "visuel" supplémentaire pour le lecteur qui ne peut s'empêcher d'y attacher toute son attention, les romans sont empreints d'un inévitable parallèle entre le scientifque et l'occulte, entre le rationnalisme et la croyance populaire, entre l'esprit cartésien et l'imaginaire le plus effroyable. Car si certains passages peuvent paraître tout bonnement farfelus, le contenu demeure profondément sombre et réfléchi, suggèrant des interrogations éthiques ou spirituelles qui laissent le lecteur pensif, voire grave.
En deux mots, il s'agit là d'une oeuvre qui ne peut laisser indifférent, qu'elle nous atterre ou qu'elle nous glace.
Si on peut sans aucun doute rapprocher certains personnages de ces romans avec ceux du Fantôme de l'Opéra (notamment au niveau de l'héroïne, dans la similitude des prénoms), ils entrent tout à fait dans une catégorie différente. Chrisine Norbert n'a pas grand chose à voir avec la Christine Daaé jeune et naïve, entièrement effrayée, presque passive et soumise du F de l'O. Christine Norbert est déterminée, impétueuse, en un mot l'antithèse de son (presque) homonyme.
Benedict a une âme semblable à celle d'Erik, malheureuse, géniale, mais violente. Une idée commune les unit : la grandiloquence de leur parole, voire la mégalomanie de leurs actes (puisque peu à peu, chez Benedict/Gabriel, l'absence de parole, est compensée brutalement par une apparence glacée et des actes grandioses, qui envahissent finalement à eux seuls tout l'espace narratif).
Reste aussi l'aspect non négligeable du vampirisme évoqué dans ces romans, qui hante véritablement toute la lecture, et que l'auteur parvient à expliquer d'une façon pour le moins suprenante et quasiment... scientifique... !
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A noter qu'une adaptation de la Poupée Sanglante a été tournée dans les années 70 sous la forme d'un téléfilm, avec Yolande Folliot, Jean-Paul Zehnnacker et Ludwig Gaum, malheureusement indisponible depuis de nombreuses années...
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La Poupée Sanglante et la Machine à Assassiner de Gaston Leroux, disponibles aux éditions Motifs.