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20 février 2020

Bilan des derniers visionnages de décembre à janvier

Voici le bilan de mes visionnages de ces quelques dernières semaines, et comme vous le verrez, il y a comme souvent pas mal de (mini-)séries, et de très beaux ou surprenants films au programme !

Profit 
(Fox - 1996)


Cela fait sans doute un peu plus de dix ans que j'ai entendu parlé pour la première fois de PROFIT, considérée à son époque, comme un véritable ovni télévisuel. Je n'avais jamais eu l'opportunité de la regarder, car elle n'a fait qu'un passage éclair sur les chaînes francophones, et parce que le coffret cassettes (eh oui, c'est une autre époque...) ou dvd sont devenus tout simplement hors de prix. Heureusement qu'il existe youtube dorénavant pour empêcher ce genre de perles de sombrer dans l'oubli... En quelques mots, la série retrace les manipulations et les chantages machiavéliques de Jim Profit, trentenaire arrogant, fraîchement engagé comme directeur adjoint des acquisitions dans une multinationale de fusion et de rachat d'entreprises, nommée Gracen & Gracen. Durant cette unique saison de 8 épisodes (un pilote d'1h30 et 7 épisodes de 45 minutes), on assiste aux actes crapuleux de Profit, qui n'a qu'un objectif : abattre un à un les pions qui se trouvent entre lui et le pouvoir suprême de l'entreprise.



Si quelques aspects de la série accusent un peu leur âge (notamment les quelques éléments d'intrigues touchant à l'informatique, devenues complètement obsolètes), il est très étonnant de constater à quel point cette série peut faire encore mouche aujourd'hui. Et pour cause : la série Profit est en réalité une adaptation à peine déguisée du Richard III de Shakespeare... Alors certes, le personnage principal n'est ni bossu, ni boiteux, mais il a le machiavélisme, l'intelligence implacable, l'hypocrisie monstrueuse et la même volonté que ce dernier à demeurer dans l'ombre. Ses motivations sont les mêmes : le pouvoir, plus d'ailleurs que l'argent qui logiquement l'accompagne. A vrai dire, on s'aperçoit très vite que l'argent n'a pour lui qu'une importance très secondaire, et qu'il ne lui sert qu'à servir ses ambitions, et non à contenter son orgueil. On ne sait même pas, d'ailleurs, si le personnage en est doté, tant en dehors de son travail, il semble être une sorte de coquille vide. Pour autant qu'il soit remarquable dans ses manipulations et ses chantages, Jim Profit n'en demeure pas moins un personnage à la psychologie troublante : assassin, manipulateur, menteur, il brille en société, pour malgré tout retourner volontairement vers les maltraitances de son enfance dès qu'il rentre chez lui... Le personnage peut donc autant mettre mal à l'aise qu'il ne suscite une certaine admiration chez le spectateur... S'il est foncièrement sociopathe, il n'en est pas pour autant monocorde : il a quelques accès de philanthropie qui posent tout de même question. Il fait parfois ainsi en sorte que certaines victimes puissent se venger de leurs bourreaux de manière assez magistrale... Et ces scènes laissent à elles seules planer le doute sur ses propres motivations. Là est sans doute l'un des plus beaux tours de force de la série : Profit est un prédateur qui s'attaque à d'autres prédateurs, aussi ne peut-on jamais complètement le détester. On se prend à s'inquiéter bien souvent de ce que ses manipulations ne soient mises en échec. On est interpellé par ses motivations dont il tient le spectateur au courant en faisant de régulières apartés comme le ferait un acteur de la scène d'un théâtre (et cela renvoie bien entendu aux monologues et aux apartés de Richard III), ou par des discours tenus en voix-off, tout comme par ses sourires entendus et ses clins d'oeil vers la caméra. Le spectateur se sent donc à juste titre comme le complice involontaire de ses machinations... On pourrait être étonné, vu le contexte très intemporel du personnage, du peu de succès rencontré par la série Outre-Atlantique, ou ailleurs. Son aspect avant-gardiste m'a beaucoup étonnée, et annonçait bien avant l'heure des séries comme House of cards. Profit était sans doute, au vu de son format, de son scénario très retors, de son contexte politiquement incorrect, de ses personnages malsains, beaucoup trop en avance sur son temps... Elle a été probablement mal comprise, trop sombre, trop sérieuse, trop sinistre pour son époque... Et à ce titre, elle faisait véritablement figure d'exception dans le paysage audiovisuel de son temps. Elle demeure néanmoins toujours une expérience assez unique, dans son statut et dans son contexte, à l'issue de laquelle on garde pour longtemps encore en mémoire le visage carnassier de Profit, interprété magistralement par le ténébreux Adrian Pasdar. 



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The Square
(film suédois - 2017)



Il faut que je sois honnête, c'est à cause de mon tout récent visionnage de la mini-série Dracula, et de ma découverte de l'acteur danois Claes Bang, que je me suis intéressée à The Square. Palme d'or du Festival de Cannes en 2017, ce film suit Christian, le conservateur d'un musée d'art moderne en Suède, dans son quotidien entre sa gestion aléatoire du musée, ses aventures amoureuses d'un soir, et ses soirées mondaines bon chic bon genre. Le seul adjectif que je pourrais attribuer à ce film encensé par la critique est "bizarre". Jubilatoire, il l'est sans doute, si on connaît un tant soit peu les musées d'art moderne, qui se font bien égratignés au passage. Il est d'ailleurs très compliqué d'en faire un résumé, car ce film parle de tout et de rien, en étant tantôt loufoque, tantôt grave, tantôt très dérangeant. C'est un film qui paraît quelque peu sans identité, sans message, sans fond. On se demande d'ailleurs parfois si les dialogues ne sont pas improvisés... On ignore à vrai dire s'il s'agit d'un chef-d'oeuvre ou d'un navet, s'il faut en rire ou en pleurer... Bref, je suis restée un peu éberluée derrière mon écran, après deux heures trente de visionnage énigmatique... Le film vaut sans doute le coup d'oeil pour son contexte très étrange, et pour ses interprètes, Claes Bang en tête, qui offre là une performance d'acteur absolument décomplexée. Une curiosité.  


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Jekyll 
(BBC 2007)


Il s'agit ici d'un re-visionnage, dont j'ai déjà parlé brièvement dans cet article du mois de janvier consacré à L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. C'est en explorant à nouveau ce mythe littéraire, que j'ai décidé de ressortir cette série scénarisée par l'incontournable Steven Moffat des tréfonds de mes étagères... J'avais vu ce Jekyll il y a plus de dix ans, peu de temps après sa diffusion sur BBC One. Rien que l'écrin dvd de l'époque avait de quoi intriguer : il était composée d'un coffret métallique recouvert d'une sorte de poche de sang synthétique liquide, tandis qu'on voyait en transparence la tête de fou de James Nesbitt en Hyde... Autant dire que le ton était donné 😅 !

Et on excusera cette fameuse poche de sang synthétique qui eu le temps de sécher en treize ans...!
Jekyll, tout comme Sherlock ensuite, ou encore Dracula plus récemment, est un merveilleux exemple de cette réécriture de classiques qui est devenue aujourd'hui une marque de fabrique du duo Gatiss-Moffat. A l'époque, Jekyll était vraiment novatrice et avait d'ailleurs fait grand bruit : non seulement parce qu'elle donnait à voir une modernisation d'un mythe littéraire, mais aussi parce qu'elle était tout de même très violente, même si la sauvagerie de Hyde était plus suggérée qu'explicite. Néanmoins, même si je l'avais trouvée relativement très intéressante dans sa façon d'interpréter le double  personnage de Jackman/Hyde, je l'avais considérée également assez dérangeante à regarder lors de mon premier visionnage. A vrai dire, elle m'avait mise mal à l'aise comme l'avait fait le roman à la première lecture. Le personnage de Hyde, campé par James Nesbitt, est à la fois très jubilatoire tant il est cabotin et grossier, mais aussi tellement pathétique quand il est Jackman (le personnage, descendant du Jekyll victorien, porte un autre nom), qu'on ne peut qu'apprécier le jeu d'acteur de Nesbitt, qui visiblement s'en était donné à coeur joie. Alors évidemment, cette adaptation est un véritable dépoussiérage, une réinterprétation de l'histoire originale, elle est donc fidèle au roman à sa manière... A savoir que si le brave docteur Jackman tente de contenir son double malfaisant, il se plaît aussi à avoir recours à ses "services" lorsque le besoin s'en fait sentir... La survenue de Hyde, si elle paraît peu maîtrisée au départ, s'avère en réalité tout à fait opportune au final, et c'est un élément qui est souvent repris d'une adaptation à l'autre. Jackman a besoin de Hyde pour vivre, ou plutôt pour survivre. J'ai beaucoup apprécié la description qu'en fait l'un des personnages de la série : "un enfant dans un corps d'adulte", il en a l'instabilité de caractère, les réactions brutes, non nuancées, presque animales, mais avec la force et les défauts d'un corps adulte. Si on sourit bien des fois de son irrévérence, la série glace tout de même par sa violence suggérée, par les atrocités sous-entendues dont Hyde est capable et qui menacent à tout instant de submerger Jackman. L'opposition tout à fait magnifique entre Hyde et sa femme (ou plutôt la femme de son double), est l'un des ressorts les plus intéressants de la série, qui s'achève sur une note tellement incertaine qu'elle aurait volontiers appelé une seconde saison... Mais Jekyll ne comportera jamais que 6 épisodes de 45 minutes intenses et crépusculaires... 


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The Pale Horse
(BBC 2020)

Voilà encore un nouveau drama de la BBC comme je les aime... Adapté d'un roman bien connu d'Agatha Christie, The Pale Horse est l'une des très bonnes surprises de ce début 2020. En entamant le visionnage de ces deux épisodes, j'avoue que je ne me rappelais guère la trame de l'histoire d'origine, sinon qu'il y était question de morts mystérieuses sur fond de magie noire... Je n'avais donc aucun a priori concernant cette adaptation, hormis le fait que j'étais tout à fait disposée à adorer le personnage de Mark Easterbrook campé par Rufus Sewell... Depuis l'ultime épisode de The Man in the High Castle, où l'acteur interprétait un très détestable officier nazi, il fallait que je trouve de quoi combler mes frustrations en matière de personnage ambigu... :p Et je n'ai pas été déçue... La série joue sur les flashbacks et la déstructuration du récit pour bien égarer le spectateur, et les scénaristes l'ont fait avec brio. La série est visuellement très impressionnante, joue magnifiquement avec nos nerfs, et on y évolue comme au travers d'un cauchemar... Au niveau de l'atmosphère, je l'ai trouvée assez similaire à celle de la mini-série "And then there were none" (Les dix petits nègres) de 2015, énigmatique et anxiogène au possible. Et si comme moi, vous aimez les personnages en demi-teinte, vous ne serez pas déçus par ceux brossés dans cette mini-série. Après avoir relu le résumé du roman d'Agatha Christie, je conçois tout de même qu'il faille sans doute se défaire un peu du matériau de base pour pouvoir apprécier cette version, où les personnages ont été volontairement noircis. 

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My cousin Rachel
(film britannique, 2017)


Tout d'abord, je remercie chaleureusement Lorinda, parce que ce dvd était l'un de mes très beaux cadeaux de Noël ! Je l'ai visionné tout récemment, et j'ai été vraiment très emballée par cette nouvelle adaptation du roman de Daphne du Maurier dont elle est issue, et qui est sans doute l'un de mes romans préférés de l'auteur, avec Rebecca et L'Auberge de la Jamaïque. Même si ma lecture du roman remonte à quelques années, j'ai trouvé cette version très fidèle, très respectueuse de l'esprit original. Les interprètes donnent merveilleusement vie aux personnages de Rachel et Philip, les deux protagonistes de cette histoire tellement délétère. Pour preuve de sa réussite, le film m'a mise inévitablement mal à l'aise : Rachel Weisz, derrière ses sourires et ses regards énigmatiques, campe une Rachel troublante à souhait, tandis que Sam Claflin incarne un Philip délicieusement naïf, qu'on a plus d'une fois envie de mettre en garde contre la duplicité de "sa cousine"... Tout comme dans le roman, le doute plane totalement sur les motivations du personnage féminin et sur le véritable fond de sa nature, ignorant si le jeune Philip se trouve la victime ou non ses machinations, même si les effets néfastes de ses actions sont quant à eux, bien réels. Le film, tout comme le personnage central, laisse planer le doute dans l'esprit des personnages eux-mêmes, comme dans celui du spectateur... Comme toujours avec Daphne du Maurier, l'histoire se termine sur une incertitude, une frustration terrible, qui vous hantera pour longtemps... Il en est souvent ainsi avec les personnages troubles qu'affectionnait tant l'auteur, et qui vous laisse comme un immense sentiment d'amertume au coeur... Le film vous laisse exactement une sensation similaire : on y retrouve tout l'esprit, tout la confusion de sentiments que ses personnages suscitent, avec des images splendides et des acteurs absolument parfaits... 

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11 novembre 2014

L'amour dans l'âme, de Daphné du Maurier

Autrefois paru sous le titre "La chaîne d'amour", ce roman de jeunesse de Daphné du Maurier retrace l'histoire de quatre générations d'une famille de Cornouailles, armateurs ou marins, depuis la mère, Janet, jeune femme éprise de liberté, amoureuse de la mer et de ses tourmentes, jusqu'à son arrière-petite-fille, Jennifer.

Dans ce roman on retrouve les thèmes chers à la grande romancière anglaise. La mer, les bateaux, les passions humaines, les vengeances et les frustrations s'y déchaînent, comme le vent des tempêtes. 

Il y a un souffle dramatique indéniable dans ce roman, se situant quelque part entre l'inspiration fantastique de La Maison sur le Rivage et l'agitation romanesque de La crique du Français. On y croise cette galerie de personnages caractéristiques, qui par la suite, a constitué la grande force des romans de Du Maurier, les femmes indépendantes et fortes, les hommes téméraires bien éloignés de l'image archétypale des héros classiques, tous et toutes à la fois tourmentés et frustrés par la dichotomie qui s'opère invariablement entre leurs aspirations d'un moment et les contraintes de toute une vie. 

Lorsqu'on lit Du Maurier, on a toujours cette terrible impression de lire parfois un récit épisodiquement romanesque, tout en étant persuadé que l'on sera encore et toujours ramené aux limites imposées par la vie, par ses aléas, par cette volonté toute-puissante d'un destin souvent contraire, par le carcan d'un monde trop étroit. Encore et toujours, le lecteur se trouve confronté à ses propres frustrations, à travers le récit de ces quatre générations d'hommes et de femmes à la fois passionnés et déçus. 
On sent également à quel point l'auteur était attachée aux personnages classiques qui l'ont inspirée à travers toute son oeuvre, de Shakespeare aux Brontë, en passant par Byron, on ne peut nier la ressemblance criante entre le capitaine Joseph Coombe de L'amour dans l'âme et son frère Philip, aux "frères" ennemis Heathcliff et Hindley des Hauts de Hurlevent. Les personnages masculins chez Du Maurier, sont tout aussi forts, écrasants, voire toxiques, que chez les Brontë, à la différence qu'ils ont face à eux, cette fois, des femmes qui leur tiennent merveilleusement tête, et qui parviennent à donner le ton d'un féminisme rare, dépoussiéré, sans jamais tomber dans le manichéisme. 

La chaîne d'amour n'est sans doute pas le plus grand roman de l'auteur, à l'instar de Rebecca ou de l'Auberge de la Jamaïque, mais il annonce certainement les meilleurs thèmes de son oeuvre !

23 octobre 2013

Jamaica Inn (L'auberge de la Jamaïque) : une nouvelle adaptation pour 2014

Voilà quelques temps que de nombreuses rumeurs circulaient au sujet d'une nouvelle adaptation du roman de Daphné du Maurier, produite par l'incontournable BBC.

Personnellement, je ne peux évidemment qu'être enthousiaste !
L'Auberge de la Jamaïque est probablement l'oeuvre de l'écrivain que j'apprécie le plus après Rebecca. Mêlant épique, aventure, et romantisme noir, ce roman réunit une pléiade de personnages qui marquent durablement l'esprit. Cette tragique histoire de bandits et de naufrages meurtriers dans la Cornouailles du XIXe siècle reste gravée au fer rouge dans la mémoire pour longtemps, tout comme les noms de Mary Yellan, Jem et Joss Merlyn, ou encore Francis Devey, et ce même des années après la lecture.

On compte deux adaptations à ce jour.

En 1938, Hitchcock réalise, avec Charles Laughton et Maureen O'Hara en tête d'affiche, une version qui n'aura guère rendu justice au roman. La trame remaniée, et l'aseptisation des personnages principaux, ont enlevé à l'histoire tout son "charme" originel, aussi vénéneux soit-il.

Jamaica Inn, de 1938, avec Charles Laughton (à gauche)


En 1983, Lawrence Gordon Clark réalise pour la télévision anglaise une merveilleuse mini-série, avec un casting qui frôle la perfection : on y retrouve Jane Seymour en Mary Yellan, Patrick McGohan dans le rôle d'un Joss Merlyn passablement effrayant, et John McEnery qui campe avec une innocence doucereuse le pasteur albinos Francis Devey. Pour plus d'infos, voir l'article sur ce blog, par ici.

Jane Seymour - Jamaica Inn 1983
Nous en venons à la dernière adaptation, actuellement en tournage à Kirkby Lonsdale, dans le South Lakeland anglais (mais pas du tout en Cornouailles...). 


Jessica Brown-Findlay (Mary Yellan ???)
Ben Daniels (Francis Devey, probablement...)

Même si imdb se révèle assez chiche en informations sur le sujet, on apprend par photos de tournage interposées, que Jessica Brown-Findlay (alias la Lady Sybil Crawley de Downton Abbey) fait partie du casting, et un très souriant Ben Daniels, qui vu son costume devrait probablement incarné le révérend Francis Devey, qui est quant à lui nettement moins jovial... L'acteur est bien connu pour son rôle dans Law & Order version anglaise, ou beaucoup plus récemment, dans The Paradise, saison 2, actuellement en diffusion sur BBC One. 

Pour d'autres photos de tournage, c'est par ici : http://www.wildcardwalks.co.uk/photo-galleries-film-jamaica-inn.html

La diffusion est annoncée pour 2014.

More to come...

21 septembre 2012

The Scapegoat (Le bouc émissaire) - ITV

D'après le roman de Daphné du Maurier, Le bouc émissaire.

Réalisé et adapté par Charles Sturridge - avec Matthew Rhys (Johnny Spence/John Standing), Andrew Scott (Paul Spence), Sheridan Smith (Nina), Jodhi May (Blanche), Eileen Atkins (Lady Spence), Alice Orr-Ewing (Frances Spence), Eloise Webb (Mary-Lou 'Piglet'), Phoebe Nicholls (Charlotte)

Johnny Spence et John Standing ne se connaissent pas, n'ont aucun parent commun, sont aussi différents que deux étrangers peuvent l'être, et pourtant ils partagent une chose : leur visage.
Lorsque le riche industriel Johnny Spence rencontre par hasard le timide professeur de grec John Standing, les deux hommes semblent se lier d'amitié. Après une soirée arrosée, passée à raconter les évènements insignifiants de sa vie à son double énigmatique, John Standing se réveille dans la chambre d'hôtel de Johnny Spence, dépouillé de ses bagages... et de son identité. A son insu, les deux hommes ont échangé leur nom, et leur vie.

Johnny Spence & John Standing (Matthew Rhys)
Connaissant peu le roman de Daphné du Maurier dont est adapté ce téléfilm, il me sera difficile d'en juger la fidélité à l'oeuvre. Je crois savoir cependant - et à en juger logiquement par le sujet - que cette histoire, comme bon nombre de récits de l'écrivain, ne pouvait assurément que trouver une fin tragique. Cette impression funeste, cette fatalité en quelque sorte d'accomplissement tragique au fil des 1h40 que dure cette adaptation, ne sera jamais remise en cause dans l'esprit du spectateur, impression générale qui sera donc à mon sens sa plus grande force.


Mais venons-en tout d'abord à l'histoire en elle-même, parfaitement à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre, et servie par un casting de choix.
The Scapegoat narre donc l'histoire de deux hommes, qui en dépit d'une ressemblance physique frappante, sont aussi différents et aussi éloignés l'un de l'autre qu'il est possible d'imaginer : Johnny Spence est riche, semble comblé, vit dans le luxe et mène grand train. John Standing, est quant à lui un humble professeur de grec au chômage, timide, solitaire et insignifiant. Lorsque l'un échange sa vie avec l'autre, on songe tout d'abord à une bénédiction déguisée... Mais est-ce réellement le cas ? Lorsque John Standing se retrouve entraîné, à demi conscient de sa situation, dans la vie de son alter-ego, qui semble avoir pris la fuite sans espoir de retour, il se découvre une épouse qui tremble dans son ombre, un frère qui le hait, une mère morphinomane qui ferme ses yeux sur ses incartades, et une affaire familiale au bord de la faillite... 
Au fil des heures, et au triste constat de cette situation inextricable, John Standing voudrait chercher à fuir, mais sa conscience l'en empêche. Les espoirs entiers de cette famille déchirée - et déchirée par sa faute ou plutôt la faute de cet autre qui n'est pas lui (!) - semblent reposer à présent sur ses épaules.

John/Johnny et sa "fille", Mary-Lou 'Piglet'
Lorsqu'il décide d'assumer ce rôle qu'on lui a laissé, John Standing passe de l'insignifiance à la superbe, et finira par racheter aux yeux de tous la lâcheté, la cruauté et la perversité de Johnny Spence, en devenant entièrement, totalement, l'autre.

D'abord naïf et faible, le personnage deviendra au fil des jours, le patron, le chef de famille, le frère, le père, et le mari, qui avaient été jusque là non pas inexistants, mais d'une influence si néfaste et si retorse, qu'il était sans doute préférable à tous de l'oublier.

Blanche Spence (formidable Jodhi May)

C'est là le point à la fois le plus remarquable et le plus étonnant de cette adaptation : la capacité de John Standing à devenir Johnny Spence, et le soin tout particulier qu'il apporte à redorer un blason qui d'évidence n'a jamais été le sien. Sans doute son anonymat passé, sa solitude enfin, l'ont presque poussé à endosser le rôle d'un autre, quand bien même ce dernier serait un salaud notoire, mais un salaud qui paraît être au centre de toutes les attentions... Y aurait-il dans cette façon d'agir un besoin de reconnaissance et d'estime ? Sans doute.

Quant à l'entourage de Johnny Spence, et sa réaction générale face aux changements notoires dans sa personnalité, est elle aussi assez étonnante. A vrai dire, s'il y a une certaine surprise décontenancée dans les regards, ils paraissent tous finalement se complaire à cette transformation, aussi surprenante et aussi improbable soit-elle. On en vient finalement à penser, par réflexion toute personnelle, qu'ils savent tous à des degrés divers, que l'homme qu'ils ont face à eux, n'est plus celui qui les a humilié, ruiné, trompé. Celui-là qu'ils souhaitent ne jamais revoir, et qui ne reviendra plus...

Mais lorsque le véritable Johnny Spence refera inopinément surface auprès de Frances qu'il tente d'empoisonner, John Standing saura-t-il s'interposer, au prix même de sa vie ? Je n'en dirai pas plus...

Le véritable Johnny Spence, de retour auprès de Frances

Andrew Scott (Paul)
Venons-en aux acteurs, plus excellents les uns que les autres, Matthew Rhys en tête qui démontre une fois de plus qu'il possède une capacité extraordinaire à interpréter tour à tour des personnages instables ou altruistes...  Soulignons la présence du merveilleux Andrew Scott, dans le rôle du frère blessé et triste, qui passe son temps à baisser les yeux et parler bas, bien loin des extravagances du Moriarty de Sherlock...

Un casting merveilleux, qui sert un scénario magnifiquement traité ! A voir d'urgence !


04 septembre 2012

The Scapegoat - trailer (Le bouc émissaire), d'après Daphné du Maurier



Pour ceux et celles qui ne seraient pas encore au courant, ITV a produit une adaptation télévisée du Bouc émissaire, de Daphné du Maurier (The Scapegoat, dans sa version originale), avec le très talentueux Matthew Rhys, qui prête doublement ses traits au doppelgänger emblématique de cette oeuvre de l'écrivain.
Au casting, on retrouvera aussi le très étonnant Andrew Scott, que l'on connaît mieux sous les traits de James Moriarty dans les deux saisons de Sherlock, version BBC.

Andrew Scott & Matthew Rhys
Alice Orr-Ewing & Matthew Rhys
















































La série sera diffusée ce dimanche 9 septembre sur STV (télévision écossaise),

Le DVD est désormais disponible en pré-commande sur amazon.co.uk (sortie prévue le 10 septembre), avec un petit extrait en bonus :

http://www.amazon.co.uk/gp/mpd/permalink/m2NOXJSD80X5UE/ref=ent_fb_link

Impressionnant...



24 février 2012

Dernières lectures (décembre 2011 à ce jour)

 Puisque je n'ai décidément pas réellement de temps à consacrer à la rédaction d'un post en bonne et due forme, voici quelques avis rapides sur quelques livres lus de décembre 2011 à ce jour...

Lettre d'une inconnue, de Stefan Zweig

J'avoue n'avoir jamais tenté Stefan Zweig auparavant, hormis 24 heures dans la vie d'une femme, qui n'avait guère soulevé mon enthousiasme.
Lettre d'une inconnue est un récit court, et sombre, contant l'amour sans retour qu'une femme vouera à un écrivain auréolé de gloire, jusqu'à la fin de sa vie.

La plume est belle, sobre, triste, voire carrément dépressive. Je suis ressortie de cette lecture plutôt abattue, mais charmée par le style de cet écrivain que je connaissais peu.





Mad, de Daphné du Maurier

Ah...Daphné du Maurier, mon auteur de prédilection, véritable déesse de l'intrigue et des personnages troubles...
Mad mériterait à vrai dire un post à lui tout seul, car il est très singulier et très à part dans l'univers de l'auteur. Ce roman, intitulé Rule Britannia dans sa version d'origine, relate presque une histoire que je qualifierais d'anticipative, même si cette catégorie ne paraît pas tout à fait adapté à cette intrigue très surprenante, qui a eu le don de susciter chez moi un malaise assez tenace (comme cela est le cas pour chaque lecture à caractère d'anticipation ou de science-fiction que j'ai pu lire jusqu'ici). Daphné du Maurier a imaginé en effet que le gouvernement britannique venait de conclure une sorte de concordat avec les Etats-Unis, alliance qui vire très rapidement à un envahissement pur et simple par l'armée américaine, qui ressemblerait à s'y méprendre au récit de l'invasion de l'Europe par l'armée nazie... Mad est très singulier dans le sens où, comme vous l'aurez compris, il ne s'agit ni réellement d'anticipation. Ce roman est donc à la fois surprenant, même si on peut retrouver des portraits psychologiques d'une finesse à frémir (que l'on pourrait aussi appeler "de l'être humain sous toute forme d'oppression"), mais aussi bouleversant, grâce au personnage fantasque de Mad, qui parvient à faire rire ou peur sur une même minute...


Toute passion abolie, de Vita Sackville-West

Encore une découverte avec ce roman de Vita Sackville-West, que Virginia Wolf tenait, paraît-il, en très haute estime.

Ce récit d'une vieille dame misanthrope, devenue veuve, s'est révélé d'une intérêt certain. J'aurais cru tout d'abord que ce récit, peu idéalisé et tout à fait dépressif lui aussi, se serait révélé sans écho. Que du contraire.
Certains aspects m'ont pour ainsi dire "éclairée" d'une manière personnelle.
Les manières fantasques et égoïstes du personnage central se sont révélées pour ainsi dire tout à fait justes et cohérentes, face aux réalités de l'existence, avec une réflexion profonde sur la vanité des apparences et des conventions.

Une très belle découverte, que l'on referme avec regrets.



Le Mystère d'Edwin Drood, de Charles Dickens

Je pense avoir suffisamment démontré mon admiration pour cette oeuvre dans les derniers posts depuis le mois de janvier ^_^, aussi ne vais-je pas réitérer les éloges déjà formulés...

Brillant roman, demeuré inachevé, le Mystère d'Edwin Drood est lui aussi très atypique dans l'oeuvre de Dickens. Il ressemble à vrai dire très peu à ces autres oeuvres, telle l'Ami Commun (qui est sans doute l'un de mes romans-fleuves fétiches, qui accompagne le Mystère d'Edwin Drood dans le recueil de la Pléiade), ou encore Little Dorrit ou Martin Chuzzlewit.
Tout d'abord, il comporte un lot de personnages d'une efficacité rare, à  commencer par celui de John Jasper, qui soulevé beaucoup de polémiques et de discussions depuis les 150 dernières années... Comme cela avait déjà été évoqué dans un article précédent, ce personnage qui sous des apparences rigides et très respectables, fréquente des bouges à opium, et nourrit une passion plutôt dévastatrice pour la jeune fiancée de son neveu Edwin ... Véritablement, John Jasper est un personnage noir (qui m'a un peu rappelé le personnage de Bradley Headstone de l'Ami Commun, qui perd pied lui aussi au fil du roman, jusqu'à commettre un crime), terriblement complexe, un personnage tragique, un symbole même de l'anti-héros, qui entraîne tous ceux qu'il touche vers l'abîme. Un chef d'oeuvre malheureusement resté inachevé, ce qui est délicieusement frustrant... ^_^

 Le bras de la vengeance, de Thomas de Quincey

Ce roman court m'attirait depuis un moment, puisqu'il est reconnu comme étant l'un des premiers romans d'intrigue anglais.

Que cela soit bien clair, il s'agit sans doute d'un pionnier en son genre, dont les personnages m'ont paru tout droit sorti d'une oeuvre de Goethe (sans doute le contexte romantique allemand a-t-il eu cet effet ?)...
On y retrouve un peu de ce romantisme primitif un peu geignard, mais qui conserve malgré tout un charme désuet, presque lamartinien... ^_^
Quant à l'intrigue, elle est efficace, on ne peut le nier, dans lequel l'assassin est-il réellement à blâmer, ou même à plaindre ? On ne peut résolument pas le savoir, plusieurs semaines après avoir achevé le livre...



Les aventures extraordinaires d'Arsène Lupin, de Maurice Leblanc

Ce n'est pas la première fois que je m'essaye à Maurice Leblanc, puisque je m'en suis littéralement gavée les uns à la suite des autres il y a quelques temps... Et à vrai dire, le charme opère toujours.

Ce recueil est une perle en soi, puisqu'il est publié dans sa mise en page d'origine, avec les illustrations de l'époque, lorsque les récits du maître feuilletoniste français, faisaient le succès du magazine Je sais tout.
D'autre part, le lecteur découvrira avec plaisir les premiers récits lupiniens, et notamment, la première rencontre du gentleman cambrioleur avec Sherlock Holmes, avant que ce dernier ne devienne cette caricature d'Herlock Sholmès, pour lequel Maurice Leblanc a fait preuve d'un acharnement mauvais... ^_^ Je m'explique : Maurice Leblanc avait utilisé le personnage de Sherlock Holmes, qu'il admirait énormément, sans en avoir demandé l'autorisation à Conan Doyle, qui était a priori passablement furieux... Avant de réitérer ce genre de récit "croisé", Maurice Leblanc s'adressa à l'auteur anglais, qui l'envoya au diable, en lui interdisant formellement d'utiliser son personnage... C'est ainsi qu'est apparu Herlock Sholmès, que Maurice Leblanc s'est évertué à ridiculiser à chaque apparition par la suite... L'histoire est assez drôle, et du reste, les récits de Maurice Leblanc sont à la fois frais, drôle et véritablement vivants ! Le genre de lecture qui vous donne le sourire pour un bon bout de temps...

Chiens perdus et coeurs solitaires, de Lucy Dillon

Peut-être avais-je besoin d'un peu de chick-lit pour me distraire, et ce livre m'a agréablement surprise, sans pour autant me transporter.

Le roman retrace l'histoire de Rachel, qui vient de plaquer boulot et fiancé volage, pour se lancer dans la direction d'un refuge pour chiens, que lui a légué sa tante.
Il s'agit d'une jolie histoire, pas prise de tête, mais véritablement gorgée de clichés...  On passe néanmoins un joli moment, sans trop devoir se creuser les méninges.





Mrs Craddock, de William Somerset Maugham

Je me suis essayée à Somerset Maugham, dont ce roman est qualifié sur le quatrième de couverture 'de chef d'oeuvre d'humour anglais'.
Cela me paraissait un peu étrange, au vu de ce que l'on peut savoir sur l'oeuvre de Maugham, y compris lorsque l'on a vu le magnifique mais terriblement triste "Voile des Illusions"... A vrai dire, l'humour est bien présent en effet, pendant les 30 première pages, et assez sporadiquement par la suite. Mrs Craddock retrace l'histoire d'une jeune femme romantique qui s'éprend de l'un de ses métayers, et qu'elle finit par épouser. La folle passion du début, fait vite place à une bien triste réalité.
On peut retrouver un peu de Mme Bovary chez Mrs Craddock, la raison en plus, mais le récit n'est certes pas drôle. C'est le récit de toutes les désillusions d'une vie de femme, avec son lot de souffrances physiques et morales.
J'ai été charmée par le style, et par la finesse avec laquelle Maugham dépeint d'une façon si juste les sentiments féminins. Ce n'est pas pour autant que je réitérerais ce roman par la suite, car il est somme toute lui aussi très dépressif sur le fond, même s'il tend de temps à autre à faire preuve d'ironie. Mais comment réellement ne pas être écrasée par la pesanteur des sentiments si réels (trop réels ?!) de cette fable bien triste de la désillusion d'une existence toute entière.

23 avril 2010

Rebecca, de Simon Langton (1979)

Adaptation du roman de Daphne du Maurier "Rebecca"

Avec Jeremy Brett (Maxim de Winter), Joanna David (Mrs de Winter), Anna Massey (Mrs Danvers), Espelth March (Mrs Van Hopper), Terrence Hardimann (Frank Crawley), Julian Holloway (Jack Favell).

(4 épisodes d'1h)

1979, produit par la BBC.

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Une jeune fille sans le sou, dame de compagnie d'une riche américaine, rencontre à Monte-Carlo Maxim de Winter. Veuf depuis un peu plus d'un an, ce gentleman anglais, aux allures taciturnes et au comportement trouble, se lie d'amitié avec la jeune femme, au point qu'il lui propose de l'épouser.
Dès leur retour à Manderley, le domaine et l'orgueil des de Winter, leur mariage perd peu à peu ses allures de conte de fées...

***

Tout d'abord, je tenais encore une fois à remercie Sylvie, sans qui je n'aurais pas eu l'occasion de voir cette adaptation, depuis longtemps (voire depuis toujours) introuvable... !
Evidemment, comme on peut s'y attendre sur une adaptation aussi longue, le roman de Daphné du Maurier demeure parfaitement intact. Il y a de très beaux extérieurs : Manderley et ses massifs de rododendrons roses et rouges, la mer de Cornouailles, la campagne anglaise, le vent, la brume, tout est là, mais malheureusement atténué par une photo qui a fort vieilli, du à la qualité de diffusion de l'époque. Heureusement, le charme reste, et c'est là tout ce qui compte.

Avec une pléiade d'excellents acteurs pour servir une telle oeuvre, le spectateur se trouve comblé.
Indéniablement plus noire que la version de 1996, voire plus psychanalyitique que celle d'Alfred Hitchock en 1940, cette adaptation est sans doute la meilleure qui ait été réalisée du roman de Du Maurier. Et l'on peut amèrement regretter l'oubli dans lequel celle-ci semble être tombée...


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Joanna David campe une Mrs de Winter douce, effecée... Jeune femme aimante qui se trouve projetée dans un monde particulièrement hostile, prenant soin à longueur de journée à ne gêner personne, entre un mari qui la prend pour une enfant maladroite et une gouvernante qui la terrifie. Elle ne peut donc trouver sa place dans cet univers, où elle est inévitablement malheureuse... L'impression générale que donne l'adaptation est très similaire à celle inspirée par le roman : l'histoire débute comme un invraisemblable conte de fées (la rencontre avec Max, le mariage, l'arrivée à Manderley que l'on imagine merveilleuse), jusqu'à ce que l'héroïne soit confrontée à la réalité de la vie à Manderley, qui est bien loin d'être idyllique. Là, "le conte de fées" a réellement pris fin, et on le ressent très brutalement. Dans le film de 40, les choses ne me paraissent pas si noires, et dans l'adaptation de 1996, la situation s'envenime déjà pendant le voyage de noces... Bref, dans notre cas, l'arrivée à Manderley est considérée comme un électrochoc...

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Ensuite, il y a la terrible Anna Massey (vue dans de nombreux costume dramas, comme He knew he was right, Tess des d'Ubervilles, etc) en Mrs Danvers très impressionnante, donne la présence jette une ombre terrible sur toute l'adaptation.
D'une froideur implaccable, terrifiante dès sa première apparition, trouble, glaciale : une réussite formidable, qui me la fait préférer personnellement à la Mrs Danvers de la version de Hitchcock. Une personnalité instable, retorse, habitée de multiples frustrations, comme seule Daphné du Maurier peut en inventer, et qui nous la fait considérer dans toute l'ampleur de sa folie vengeresse.
Elle est pour moi l'incarnation parfaite du personnage, parfois mesuré, parfois dramatique (voire tragique), diabolique à l'image de sa maîtresse disparue, ou plongée dans une tristesse incommensurable.
Les scènes qui l'oppose à la nouvelle Mrs de Winter sont absolument brillantes.

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Maintenant, j'en viens à Jeremy Brett, qui à tout point de vue, est le personnage que j'avais en tête à la lecture (mais je le condède, cet aspect est assez subjectif ).
Gentleman, distingué, tantôt lumineux, tantôt sombre ; le regard parfois perdu, troublé ou parfois malicieux, il campe néanmoins un personnage grave et troublant dès les premiers instants à l'écran. A la fois diablement charismatique, tendre et aimant, il peut se révéler d'une dureté et d'une indélicatesse déstabilisantes.
Une chose m'est cependant apparue en voyant l'acteur dans ce rôle : c'est l'égoïsme latent du personnage dès le début, élément qui ne m'avait pas frappée d'une façon aussi flagrante lors de la lecture. Il est clair qu'il l'épouse parce qu'elle lui fait oublier son passé, ce qu'il lui avoue clairement quelques jours seulement après leur rencontre, et même s'il est imposisble de remettre en cause le fait qu'il l'aime sincèrement, il l'emmène avec lui et l'épouse par égoïsme.
Il sait pertinemment bien, vu le caractère de sa jeune épouse, qu'elle ne sera jamais à son aise à Manderley.
Autant son personnage est touchant dans le premier épisode (malgré quelques sautes d'humeur qui sont bien en accord avec celles du livre), il devient littéralement terrifiant dans certaines scènes des épisodes suivants.
Il faut prendre le temps d'analyser le regard de Brett lorsque la jeune femme a le malheur d'évoquer le passé de Max. Par instant, la naïveté du personnage féminin en deviendrait presque agaçant, tant on sent venir des lieues à la ronde le cataclysme engendré par les erreurs répétées qu'elle commet.
La gestuelle de l'acteur abonde d'ailleurs parfaitement dans ce sens : cette façon qu'il a de marcher droit devant lui, sans prendre la peine de s'inquiéter si elle le suit ou non, alors qu'il est plongé dans ses pensées terribles, répond tout à fait à l'image à la fois torturée et parfaitement égotique que l'on perçoit depuis le départ. Brett arrive à inquiéter le spectateur, bien au-delà de ce que son illustre prédesseur (Laurence Olivier), ou de ce que Charles Dance aient pu donner à voir du personnage.

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Attention, ce qui suit est un spoiler imporant.

Le comportement de Max demeure égal jusqu'à la découverte du bateau de Rebecca. La relation des époux prend une toute autre dimension. Mrs de Winter a mûri, elle ressent à présent son utilité. Les secrets sont partagés, aussi terribles qu'ils puissent être. Les choses sont en quelque sorte "assainies". 
Mais c'est là que l'on reconnaît le génie de Daphné du Maurier, qui arriverait presque à nous faire approuver un meurtre... On se prend à apprécier Max tel qu'il était au départ, plus encore peut-être après avoir appris l'inacceptable, à savoir qu'il avait assassiné sa première femme de sang-froid (ou presque).
On n'approuve pas, loin de là, mais les circonstances étant ce qu'elles sont, et le talent de l'auteur étant ce qu'il est, nous sommes pris dans une toile diabolique qui ne peut que nous porter à croire que le geste de Max, s'il est condamnable, n'est pas si incompréhensible.


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02 septembre 2009

Peter Ibbetson (1935)

Film de 1935, réalisé par Henry Hathaway (USA)

D'après le roman éponyme de George Du Maurier "Peter Ibbetson"

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Avec Gary Cooper (Peter Ibbetson), Ann Harding (Mary, Duchess of Towers), John Halliday (Duke of Towers), Ida Lupino (Agnes), Virginia Weidler (Mimsey-Mary à 6 ans), Dickie Moore (Gogo-Peter à 6 ans).

Peter Ibbetson, jeune architecte au tempérament instable, est envoyé chez le Duc de Towers afin de rénover ses dépendances. Il fait la connaissance de son épouse, Mary, et se lie immédiatement d'amitié avec elle, malgré leurs nombreuses divergences.
Le jeune homme croit trouver en elle des réminiscences de son amour d'enfance, Mimsey, dont on l'avait séparé plus de 20 ans auparavant.

***



Peter Ibbetson, avant d'être un film, est un roman de George du Maurier (grand-père de Daphné), l' auteur de Trilby - roman très connu Outre-Manche - célèbre pour avoir inspiré, dit-on, Le Fantôme de l'Opéra à Gaston Leroux... Peter Ibbetson connut un succès beaucoup plus modeste, alors que Trilby fut acclamé par la critique et les lecteurs (et fit l'objet d'une adaptation scénique qui tint l'affiche pendant de nombreuses années). D'un point de vue tout à fait personnel, je pense que les romans de George du Maurier ont assez mal passé l'épreuve du temps. Si les trames sont splendides, on peut reprocher à la plume de s'égarer dans des détails de piètre importance, qui ont tendance à anarchiser la structure du récit. Il faut leur laisser qu'ils sont remplis d'un humour plutôt en avance sur son temps, mais que le ton, s'il se veut enlevé, ôte à l'histoire quelque peu de son sérieux et donc de sa crédibilité.

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Le film qu'en a fait Henry Hathaway en 1935, même s'il reprend les éléments essentiels de l'oeuvre, se concentre sur le véritable propos sans jamais s'égarer. L'histoire retrace en effet le destin de Mimsey et Gogo, élevés ensemble dans le Paris de 1850, séparés ensuite de force après la mort de la mère du petit garçon. Parti en Angleterre, Peter alias Gogo ne reviendra jamais à Paris et ne reverra jamais Mimsey, malgré qu'il lui avait promis, un jour, de venir la rechercher... Peter demeure hanté, plus de 20 ans plus tard, par le souvenir de cette séparation brutale, et reste habité par un sentiment d'isolement, de solitude et presque de culpabilité, qui le poursuit comme une obsession brûlante. La mort de sa mère, son départ de France, la séparation d'avec son amie d'enfance, autant de déchirements qui font de Peter Ibbetson un être brisé.
Il est un personnage romantique, mais pas dans un sens péjoratif : il est sombre, voire instable, plein de contradictions. Bref, le personnage s'est largement étoffé pour son adaptation à l'écran... Gary Cooper, que l'on attend peu dans un registre aussi particulier, a eu sans doute eu là l'un des plus beaux rôles de son impressionnante carrière.

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Sa rencontre avec Mary, duchesse de Towers, dissipe subitement en lui tous les tourments qui le relient à son enfance... Simplement parce que Mary est le symbole même de son enfance perdue.
Ann Harding, distinguée, résolue, mais d'une douceur splendide, interprète son rôle à la perfection. Un jeu d'une beauté sans fard, une délicatesse et une élégance qui restent gravés dans l'esprit... Le personnage de Mary-Mimsey n'est pas une ingénue, naïve et passive, comme on peut tant en trouver dans les trames romanesques. La force et l'émotion s'allient avec une sobriété touchante dans ce personnage, qui demeure un modèle de stabilité et de courage tout au long de son destin tragique. Une âme franche, vivante, et pourtant hantée par un sentiment d'abandon tragique dont le spectateur n'aura malheureusement qu'un court aperçu...

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Les modifications scénaristiques (l'intervention du Duc de Towers dans l'intrigue, qui limite ainsi la dispersion des personnages et de l'action), confortent l'univers onirique de ce film, qui est son élément le plus hors-norme et le plus fort. Une oeuvre, qui est à beaucoup de point de vue très singulier et plutôt en avance sur son époque.

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Ajoutons que la photographie, quasiment expressionniste, apporte à ce film une beauté sobre, qui accompagne l'intrigue à la perfection.

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Un chef d'oeuvre oublié à (re)découvrir, édité dans la Collection des Introuvables (disponible à la fnac) !

10 septembre 2008

Le Vol du Faucon

The Flight of the Falcon

De Daphné du Maurier.

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Résumé

Armino Fabbio est guide pour touristes. Lorsqu'une femme qu'il croit connaître est retrouvée assassinée sur les marches d'une église de Rome, Armino sent ressurgir les démons du passé. Il décide alors de retourner à Ruffano, sa ville natale qu il avait quitté enfant, et d'élucider le crime. Il retrouve là-bas son frère aîné, Aldo, qu'il avait cru mort. Ce dernier semble hanté par les sinistres exploits d'un tyran qui régnait sur la ville de Ruffano au Moyen-Age, le duc Claudio, surnommé le Faucon. Exploits que son frère tente de réitérer à tous prix d'une façon inquiétante.
Mon avis

Le Vol du Faucon est un roman peu connu de la romancière, mais c'est certainement un grand roman. On y retrouve ces personnages troubles, aux personnalités inquiétantes, cette tension extraordinaire, et finalement cette frustration extrême que l'on ressent inéluctablement à la fin d'un tel livre. J'ai été particulièrement fascinée par la manière dont est décrit le personnage d'Aldo Donati, le frère d'Armino, plein de contrastes, tour à tour charmant et énigmatique, victime ou criminel ; en un mot, un de ces personnages que Daphné du Maurier aime à décrire dans toutes ces oeuvres. Il est un étrange amalgame de ce que l'on peut trouver en Max de Winter, Rachel ou encore le révérend Francis Davey d'autres romans.

Le Vol du Faucon est une oeuvre qui laisse certainement une trace indélébile dans l'esprit, je le conseille vivement à tous ceux qui ont une affection particulière pour les précédentes oeuvres de la romancière.

Roman encore disponible chez Phébus Libretto

10 juin 2008

Jamaica Inn (1983)

L'Auberge de la Jamaïque

d'après le roman de Daphné du Maurier

Adaptation produite par ITV (1983)

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J'avais vu cette version il y a très longtemps lors de sa diffusion à la tv, et j'en gardais un souvenir assez flou, hormis le fait de la sensation éprouvée à l'époque dans mon esprit d'enfant : une adaptation noire, inquiétante, avec des paysages battus par les vents, des mers déchaînées.Et c'est tout à fait ça. Je suis mal placée pour faire un parallèle valable avec le roman, car ma lecture remonte un peu... Je vais donc simplement parler de mon ressenti suite au visionnage.

J'en ressors très satisfaite, voire très emballée. Certes, l'image n'est pas toujours de très bonne qualité, mais il est indéniable que les décors sont vraiment bien choisis. Il y a tout d'abord la mer, évidemment très présente (peut-être pas autant que je l'avais imaginé, mais enfin...), les naufrages, les navires. Pour une adaptation télévisée, je dois dire que les moyens sont très bons et que tout est très soigné, ce qui m'a agréablement surprise.

Enfin, il y a l'auberge de la Jamaïque, cette sombre masure de pierres noires, plongée dans la brume, gorgée d'humidité, qui vous fait froid dans le dos...

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Et puis, il y a la lande grise et son manteau de brouillard, qui est telle que je l'imaginais à la lecture du roman...

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Passons ensuite aux personnages.

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Il y a bien sûr l'héroïne, Mary Yelan, jeune femme indépendante, au caractère intrépide, interprétée par la très jolie Jane Seymour. Je la trouve d'ailleurs parfois un peu trop jolie, un peu trop apprêtée, un tantinet trop propre (c'est très péjoratif ce que je dis là ) pour la cadre dans lequel elle évolue... Enfin, je ne peux vraiment pas m'arrêter à ça, car à ça ne m'a absoluement pas dérangé... J'ai trouvé l'actrice vraiment très bien, très fraîche, très vivante, très intelligente, en un mot, elle n'est pas loin du personnage que j'avais en tête.

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Ensuite, il y a l'incontournable Joss Merlyn, un personnage qui m'avait terrifiée à la lecture et que je trouve bien différent de l'image que je m'en étais faite. Celui-ci est interprété par le terrible Patrick McGoohan, excellentissime, bien qu'un tout petit peu trop âgé (enfin, ce n'est que mon impression), mais alors !!! quel acteur !! quelle présence !! tout cela m'a fait oublié le Joss que j'avais imaginé il y a plusieurs années... Le personnage est méprisable, horrible, d'une noirceur extrême. La scène de délire de boisson est une anthologie à elle toute seule, on y voit Joss Merlyn délirant, buvant, qui n'est plus que l'ombre de lui-même, d'une saleté innommable, à donner envie de détourner les yeux. En tout cas, c'est une performance d'acteur inoubliable...

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Ensuite, il y bien entendu Jeremiah "Jem" Merlyn, le frère de Joss, le brigand au grand coeur, un tantinet bon à rien (excusez, mais je n'ai pas pris de photo), interprété par Trevor Eve. Bizarrement, ce personnage m'a laissée de glace, malgré que l'acteur soit assez bon.

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N'oublions pas la tante Patience, interprétée par Billie Whitelaw, en pauvre femme apeurée, vivant dans l'ombre de ce mari violent, tremblant dès qu'il met un pied dans la maison... L'arrivée de Mary adoucit un peu son quotidien. On la prend sincèrement en pitié du début à la fin

Et puis, j'ai gardé le meilleur pour la fin, le révérend Francis Davey, le pasteur albinos, interprété par John McEnery.Honnêtement, c'est le personnage que je redoutais le plus de voir apparaître dans l'histoire, car il ne fallait absolument qu'il nous le massacre!! je l'attendais de pied ferme, celui-là !! Et je dois dire que je n'ai pas été déçue, mais alors pas du tout... Francis Davey est la douceur incarnée, l'ami dévoué, toujours présent, toujours à l'écoute des malheurs de Mary et des méfaits de Joss... On le prend parfois un peu pour un doux original (original, il l'est, je confirme), parfois pour une statue de marbre... C'est un personnage troublant, dont on sent progressivement le côté ambigu et paradoxal.

Voilà sa première apparition dans l'épisode 1 quand il rencontre Mary sur la lande, alors qu'elle est s'est égarée.

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Attention, ne pas lire ce qui suit pour ceux qui ne connaissent pas le dénouement de l'histoire !

Immédiatement, Mary se confie à lui, se sentant épaulée par ce dernier. Il faut voir le pasteur, avec ce regard bon, ces manières absolument amicales, recueillir les confessions de la jeune femme. Seul moment où l'on voit transparaître la flamme dans ces yeux pourtant impassibles : quand Mary évoque le délire de boisson de Joss auquel elle a assisté et où elle a tout appris des naufrages. A ce moment, on voit le révérend Davey sourire d'une façon glaciale, en considérant simplement que Joss finira par se perdre à raconter ses petites histoires au tout-venant... Et cela s'arrête là, mais c'est interprété avec une finesse implaccable.Lorsque Mary est enfin convaincue de l'implication du pasteur (et quelle implication), la lente montée de la tension est sublime. Mary est quasiment prostrée dans un coin de la pièce plongée dans la pénombre, n'osant plus parler, n'osant à peine bouger, alors qu'il est là, impassible, doux, aimable, et qu'il se révèle être le diable en personne...

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Comme vous l'aurez compris, j'ai adoré du début à la fin. Il y a des défauts bien sûr et peut-être que certains aspects ne figurent pas dans le roman (la fin notamment, je ne suis pas vraiment certaine que le dénouement de l'intrigue se déroule tout à fait de cette manière), mais elle est vraiment splendide.

On peut être rebuté par la VO uniquement sur le dvd nouvellement disponible sur amazon, dépourvu de sous-titres, mais globalement les acteurs sont faciles à comprendre, sauf peut-être Patrick McGoohan, pour lequel il faut faire bon nombre de marche-arrière pour bien le comprendre. Autant vous dire Jamaica Inn trône en première place dans ma dvdthèque !