11 août 2021

Lectures pépites de l'été

La Bible Perdue, d'Igor Bergler 

Charles Baker, un éminent universitaire, se voit interrompu en pleine conférence par la police roumaine pour se rendre sur les lieux d'un crime atroce, perpétré selon un rituel sanglant. Lancé sans le vouloir sur les traces d'un assassin aussi terrible qu'insaisissable, et épaulé par une enquêtrice d'Interpol, Charles Baker se retrouve aux prises avec une société secrète, souhaitant récupérer le sabre de Vlad l'Empaleur et la première Bible de Guthenberg, commanditée par le tristement célèbre prince des Carpathes... 

Que voilà un étonnant roman d'intrigues d'un auteur roumain que je ne connaissais pas mais qui semble rencontrer un certain succès en Europe de l'est. En commençant la lecture, je croyais me lancer dans un roman du style de ceux de Dan Brown, cependant, j'ai été forcée de constater que même si on lorgne clairement du côté du mystère et du polar ésotérique, La Bible Perdue est en réalité un roman d'une précision rare, extrêmement bien documenté et qui exploite à merveille l'Histoire et les légendes roumaines, et bien entendu surtout celle de Vlad Tepes III, qui est la pierre angulaire de ce livre, qui m'a décidément fait beaucoup penser au diptyque d'Elizabeth Kostova, "L'Historienne et Dracula", pour son côté soigné et profondément érudit. Il est clair que malgré la densité de la narration, des digressions aussi que l'on pourrait peut-être reprocher à l'auteur, je suis restée scotchée sur ce livre foisonnant, où l'on ne s'ennuie pas une seule seconde, et au détour duquel on apprend aussi énormément de choses, le tout noyé dans une ambiance brumeuse et inquiétante à laquelle il est impossible de rester indifférent. Alors attention, même si les références au mythe de Dracula sont nombreuses, il n'est pas question ici de récits vampiriques, mais plutôt de gigantesques conspirations déployées à travers l'histoire de l'humanité... Une très belle découverte, qui mériterait sans doute une seconde lecture pour bien en appréhender tous les ressorts !


L'Estrange Malaventure de Mirella, de Flore Vesco

Lorsque la petite bourgade de Hamelin est envahie par les rats, l'humble Mirella, la porteuse d'eau, ignorée de tous, se voit soudain investie d'un don sans précédent. Elle semble voir celui que personne ne peut voir : l'homme encapuchonné qui se penche à l'oreille des habitants de Hamelin qui vont bientôt mourir de la peste. S'en suit un duel sans merci entre la jeune fille et la mort en personne... 

Ce roman faussement classé en YA, est un véritable coup de coeur. Tout d'abord pour l'écriture, entièrement réalisée dans les premiers chapitres en vieux français, ce qui relève en soi du tour de force, et qui a le don de vous plonger dans une ambiance médiévale absolument plus vraie que nature. Ensuite pour cette histoire du Joueur de Flûte de Hamelin, complètement revisitée, dont je ne conservais de mon enfance qu'un très vague souvenir. Mirella est une jeune porteuse d'eau aux cheveux de feu, qui peu après l'arrivée des rats dans la bourgade, commence à apercevoir une silhouette mener les rats apportant la peste, et semblant comme choisir ceux qui vont mourir en se penchant à leur oreille... Invisible aux yeux de tous, la personnification de la maladie, jeune homme à la peau d'ébène d'une beauté saisissante, remarque cette jeune fille qui le trouble et l'intrigue. Mirella se lance donc dans un combat avec la Peste en personne afin de sauver la ville, pour laquelle elle n'est pourtant qu'une réprouvée. Evidemment, au vu de cette opposition délicieuse entre deux contraires, entre la mort et la vie en quelque sorte, dans l'attraction qu'ils exercent aussi l'un sur l'autre, cette trame ne pouvait que me plaire, et c'est peu dire ! Le tout est mené d'une manière peu habituelle, conclu de manière tout aussi peu conventionnelle, et c'est ce qu'il y a finalement de plus appréciable : tout le piquant et l'éternelle lutte de la lumière contre les ténèbres persistent jusqu'au bout, dans un style absolument fantastique, sans que le propos ou les interactions ne s'en retrouvent affadis ! Une lecture que je recommande à coup sûr pour tous les admirateurs de personnages complexes et de belle littérature. Il est à noter que Flore Vesco a également sorti il y a peu un roman intitulé "D'or et d'oreillers", revisitant cette fois le conte de la Princesse au petit pois, mais que j'ai trouvé en-dessous de celui-ci, même si le contenu reste profondément inventif. Mais peut-être que la thématique m'a tout simplement moins parlée. Je vous en laisse juge ;)


Les Fleurs de l'ombre, de Tatiana de Rosnay

Clarissa, auteur de romans, tout juste sortie d'une séparation douloureuse, se réfugie dans une résidence pour artistes située en plein Paris, où les candidats sont triés sur le volet. Sans savoir pourquoi elle a été retenue après une série d'entretiens étranges, la voilà installée dans son nouvel appartement, truffé de technologie dernier cri, où son assistante virtuelle, "Mrs Dolloway", semble la scruter en permanence. Bientôt le "confort" de cette nouvelle vie, le contrôle permanent qu'il lui impose, la met mal à l'aise, et bientôt Clarissa se sent en danger. Que veulent réellement ceux qui sont à la tête de cette résidence d'artistes ? Pourquoi l'observent-ils ?

J'ai tendance à rapprocher de plus en plus Tatiana de Rosnay du style de Daphne du Maurier, en raison de cette impression de menace sournoise, invisible, planant sur les protagonistes, et sur les motivations singulières de cette menace, que n'aurait pas boudée l'auteur de Rebecca ou de Mad... Ce court roman se déroulant dans un futur plus ou moins proche, dans lequel l'omniprésence d'une certaine forme de technologie avec toutes ses dérives n'est pas sans rappeler certains aspects de 1984, m'a littéralement ravie par son style direct et diablement efficace. Le doute que laisse planer la conclusion du récit m'a laissée un long moment en flottement, avec une bonne dose de réflexion à la clé. A lire absolument lorsque l'on aime les ambiances incertaines et les conclusions pleines de frustrations à la Du Maurier !

 

La Vie invisible d'Addie Larue, de V.E. Schwab

Le jour de son mariage, Adeline Larue, jeune femme indépendante de la France rurale du XVIIIe, désespérée par l'union qu'on la force à conclure, se met à invoquer désespérément les anciens dieux, afin qu'ils lui viennent en aide. La seule aide qui lui vient est celle de la Nuit elle-même, un démon qui lui propose d'échanger son âme contre l'oubli éternel. Sans comprendre dans quoi elle s'engage, la jeune femme accepte. La voilà donc devenue immortelle, mais condamnée à jamais à être oubliée par tous ceux qu'elle rencontre... 

Cela faisait un long moment que cette brique de 700 pages me faisait de l'oeil dans les rayons de la librairie, et j'ai fini par céder, parce que le mythe faustien, décidément, je n'y résiste jamais ! Je dois dire que j'attendais beaucoup de ce roman, peut-être un peu trop. Et même s'il a été impossible à lâcher, j'ai été un peu désappointée par les personnages, en tout premier lieu par celui d'Addie, auquel je trouve qu'il est très difficile de s'attacher, et par celui d'Henry. La lecture vaut vraiment le détour pour le personnage du démon aux yeux verts, sorte de diable faustien, fasciné par sa proie, jouant avec elle pour mieux la faire céder, mais n'en demeurant pas moins admiratif lorsqu'elle déjoue ses plans les mieux établis... La relation d'attraction-répulsion entre eux est le meilleur ressort du livre, dans lequel se trouve malheureusement in fine beaucoup de longueurs... La construction du récit reste aussi tout à fait excellente, avec ses incessantes ruptures de chronologie, et qui permettent de découvrir l'histoire et la psychologie des personnages au compte-gouttes, ce qui est assez plaisant en soi. Je reste tout de même un peu sur ma faim en raison du manque d'empathie pour le personnage principal, mais très satisfaite par la conclusion, qui est une merveille d'ambigüité. 

A suivre...    

1 commentaire:

  1. Que de belles lectures, dont je n'avais pas entendu parler pour La Bible perdue et ce roman de Flore Vesco, qui est très intrigant. La richesse et la documentation de la Bible perdue m'épate, d'après tes mots : c'est rare qu'on plonge dans un roman en sentant à quel point l'auteur a fait un travail de documentation et de recherche derrière. Les différentes légendes évoquées ajoutent un grain de sel intéressant !

    Pour Flore Vesco, j'ai entendu parler de sa relecture de La princesse au petit pois, mais L'estrange malaventure de Mirella me plairait beaucoup plus, je pense. L'ambivalence et la dualité entre la vie et la mort, incarnés en deux personnages, ça plaît toujours ! Et le risque du style en vieux français est à saluer, j'adore quand les auteurs s'y risquent, cela donne une telle atmosphère à l'histoire.
    Je ne suis pas une grande fan de Tatiana de Rosnay,si j'excepte sa biographie sur Daphne du Maurier que j'ai adoré, je crois avoir essayé un de ses romans, ou recueil de nouvelles, sans accrocher du tout... mais je pense qu'elle n'a pas des affinités avec Du Maurier pour rien, en effet !

    Quant à la Vie invisible d'Addie Larue, je saurais donc que je peux être un peu déçue... je verrai bien, je te dirai quand je l'aurai lu ! En attendant, je retourne à Six of Crows, j'irai commenter sur ton article quand j'aurai fini le premier tome ! J'adore toujours Kaz, je suis un peu près à la moitié...

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