31 juillet 2020

Les visionnages du (dé)confinement - 3ème partie

The Young Pope suivi de The New Pope
saison 1 & 2
(2016 - 2019)
HBO-Sky

 

Lenny Belardo (Jude Law), cardinal américain ambitieux, devient le nouveau souverain pontife sous le nom de Pie XIII. Alors que tout le Vatican songeait qu'un jeune pape serait le signe du renouveau, de l'ouverture et de la modération au sein de l'Eglise, Pie XIII se révèle au contraire extrêmement rétrograde et pétri d'idéaux presque moyenâgeux. Son intransigeance et son caractère insaisissable, au lieu de rassembler le monde chrétien, divisent et posent réellement question...
La première saison de cette série, créée et réalisée par Paolo Sorrentino, mais aussi produite par Jude Law, a été vraiment un visionnage inattendu... Au vu de la bande-annonce, je croyais fermement à une série très osée et iconoclaste, et j'ai été largement détrompée. Le personnage de Lenny, alias le pape Pie XIII, est en effet parfaitement ambivalent, quoiqu'il ne fasse guère dans la demie-mesure. Rien que le nom qu'il choisit, d'ailleurs, en devenant pape, est à lui seul révélateur de ses idées à contre-courant  : pour rappel, Pie XII est le pape qui a béni les troupes de Mussolini et fermé les yeux sur les atrocités commises par le régime nazi... Insaisissable et incontrôlable, Pie XIII échappe avec une aisance inaccoutumée aux pressions politiques et populaires... Il n'est clairement pas là pour le décorum, et compte bien mener sa révolution au sein de l'Eglise, mais certainement pas celle que l'on attendait ! Avec ses idées échappées d'un autre siècle, il agace, terrifie, mais charme aussi presque aussi sûrement, parce que c'est un prêtre exemplaire, foncièrement honnête et droit, quoique pas très regardant sur les procédures... Tantôt insupportable comme un enfant gâté, tantôt réfléchi et profond comme un saint homme, il peut dans la même heure, fumer comme un pompier, et accomplir, à proprement parler, des miracles... S'il apparaît parfaitement détestable, car conscient de sa supériorité et de son intelligence implacable, on ne peut s'empêcher d'être intrigué par cet être qui vit, en quelque sorte, dans de perpétuels extrêmes. La série sort donc vraiment des sentiers battus, non seulement grâce à son personnage central, hors de toute mesure, mais aussi grâce à son côté humour absurde, à prendre au 36e degré, qui n'est pas sans rappeler la patte lynchienne à la Twin Peaks... Par ce côté très à contre-courant, je l'ai également fortement rapprochée de Profit (1996), par cet aspect complètement politiquement incorrect qui peut choquer ou faire grincer des dents. Il est clair de toute manière que l'on aime ou que l'on déteste, cette série ne peut résolument pas laisser indifférent... Pour ma part, je suis restée un peu en flottement après le visionnage de la première saison, sans savoir me positionner sur le très fort symbolisme attaché au personnage de Pie XIII, mais fascinée en tout cas par ce personnage tantôt antipathique, tantôt touchant, mais qui déborde de charisme...
Il est certain donc que j'entamais la saison 2 avec quelques craintes, puisque le personnage de Lenny, plongé dans le coma, est remplacé par un nouveau pape, incarné cette fois par John Malkovich... Après avoir achevé très récemment le visionnage des derniers épisodes, je peux dire qu'effectivement, le nouveau pape manque cruellement d'envergure (et ce n'est pas la faute de Malkovich, qui parvient, malgré tout, à rendre son Jean-Paul III troublant de mystère), mais plutôt au contexte de la saison dans son ensemble. La mise en scène dans l'absurde est tellement poussée à l'excès que c'en devient lassant voire incompréhensible, sans compter les aspects très graveleux, voire complètement obscènes, qui n'avaient été qu'effleurés lors de la première saison. Le contexte est donc beaucoup plus cru, plus froid aussi, plus dérangeant, et m'a paru en définitive vide et  dénué de sens. Le personnage de Pie XIII manque cruellement à l'appel, quoiqu'il revienne tout de même dans les 3 derniers épisodes, mais on sent que la série s'essouffle et que les scénaristes ne savent plus quoi faire pour surprendre ou choquer. Il est clair que j'ai achevé le visionnage de manière un peu laborieuse, mais tâcherai de n'en retenir que le meilleur, à savoir la prestation haute en couleurs de Jude Law dans un rôle très inattendu et contestable ...



**

Prodigal Son 
saison 1
(2019)
Fox



Malcolm Bright (Tom Payne), jeune profiler, remercié de la CIA à cause de graves troubles comportementaux, atterri comme consultant à la police de New-York, où il épaule son ancien mentor, le chef de district Gil Arroyo (Lou Diamond Phillips), qui lui a presque tenu lieu de figure paternelle après l'arrestation du véritable père de Malcolm, vingt ans auparavant. Celui-ci, le Dr Martin Whitly (Michael Sheen), incarcéré depuis lors dans un hôpital psychiatrique de haute sécurité, n'est autre qu'un sinistre tueur en série, plus connu sous le nom du "Chirurgien".
On pourrait se dire qu'il s'agit là d'une énième série policière dont les intrigues ont été remâchées cent fois, et pourtant non. A vrai dire, rien que la présence du gallois Michael Sheen au casting m'a immédiatement mise en confiance, car c'est un acteur qui a vraiment l'art de choisir des rôles très en demie-teinte. Et je n'ai pas du tout été déçue. Si les intrigues policières qui servent de "béquilles" au contexte de la série peuvent paraître tout à fait standard, voire disons-le, légèrement sans intérêt, la plupart des épisodes se concentrent à la fois sur les errances psychologiques et les terreurs nocturnes que vit Malcolm Bright, perturbé depuis l'enfance pour avoir vu, deviné, les déviances de son père, avec lequel, pourtant, il ne parvient jamais à couper vraiment les ponts. Car là réside l'autre aspect fascinant de la série : si Malcolm ne pardonnera jamais à son père ce qu'il a fait (et comment le pourrait-il ?), il ne peut s'empêcher de retourner le voir en prison à la moindre occasion, où le Dr Whitly, autrefois brillant médecin, continue à travailler à distance comme consultant pour des opérations chirurgicales délicates... Le personnage campé par Michael Sheen, sous ses airs de nounours inoffensif (selon ses propres dires), au sourire affable et au sens de la famille développé à l'extrême, pour ne pas dire pathologique, n'en est pas moins capable d'atrocités sans nom. La relation extrêmement ambiguë et toxique qu'entretiennent le père et le fils (puis également avec la fille cadette ensuite) est l'aspect le plus intéressant de la série, et celui qui vous tient en haleine durant les 20 épisodes de cette première saison. Narcissique à l'extrême, mais particulièrement chatouilleux lorsque l'on touche à ses enfants ou à son ex-femme, le Dr Whitly est un véritable paradoxe ambulant, qui m'a fasciné de bout en bout. Si on est terrifié par les actes qu'il a commis, on ne peut s'empêcher de sourire nerveusement devant ses cabotinages, ou les contacts un peu pathétiques et parfois pas très subtils qu'il essaye d'avoir avec ses enfants... Il y a une sorte de rapport amour/haine passionnante à voir se développer entre les différents protagonistes, qui ont véritablement beaucoup de peine à savoir eux-mêmes où ils vont, sous l'emprise de ce père tentaculaire.
J'espère une deuxième saison, apparemment sur les rails, aussi brillante et surprenante, et qui devrait probablement se concentrer, cette fois, sur Ainsley, la fille du Dr Whitly, campée par Halston Sage, en pleine tourmente à la fin du premier opus... 




La Lumière des Justes
d'après Henri Troyat
(1979)



1814. Napoléon vient de perdre la guerre contre les forces coalisées européennes, qui occupent temporairement Paris en attendant qu'un nouveau monarque monte sur le trône de France. Un jeune officier russe, Nicolas Ozareff (Michel Robbe), fait la rencontre d'une charmante veuve, Sophie de Lambrefoux (Chantal Nobel), habitée par l'esprit des Lumières. L'épousant contre l'avis de son père (Georges Wilson), Nicolas emmène cependant Sophie en Russie sur le domaine familial. La cohabitation se passe fort mal, et lorsque Nicolas se met à fréquenter un groupe d'anti-tsaristes à St Pétersbourg, c'est le début pour eux d'une longue descente aux enfers...
C'est ma maman, grande lectrice d'Henri Troyat, qui m'a poussé à regarder cette adaptation télévisée de 1979, issue d'une série de cinq romans de l'auteur (que je n'ai cependant pas lus). La réalisation date peut-être un peu, mais au-delà des images, très belles et très soignées pour l'époque -  de longs plans sur les campagnes sous la neige et sur les troïka parcourant de grands espaces esseulés - elle présente en Sophie, un très beau portrait de femme forte, prise dans la tourmente de l'Histoire, et traversant les épreuves avec une intelligence et sans-froid rares. Le personnage principal masculin, s'il est capable de quelques élans d'héroïsme, laisse un peu de marbre, en raison de son incroyable facilité à prendre des mauvaises décisions et à s'attirer des ennuis... Mais on suit vraiment les pérégrinations de Sophie à travers la Russie impériale avec un énorme intérêt, dans ses joies et ses tragédies, au coeur cette famille Ozareff, où le père tout-puissant, magnifiquement interprété par Georges Wilson, d'une personnalité écrasante, se prend d'une affection très ambivalente pour sa belle-fille, quitte à pousser avec une joie mauvaise, son mariage avec son fils à l'abîme. Cette longue fresque mélancolique dans la grande tradition russe donne terriblement envie de s'attaquer aux romans dont elle est issue ! Elle parlera, je pense, à tous les amoureux de Tolstoï ou de grandes histoires romantiques.


2 commentaires:

  1. Que des séries que je ne connais pas, même si j'avais entendu parler de The young pope à sa sortie, et que la série m'avait tentée... et puis je l'ai complètement oubliée ! Jude Law doit être saisissant vu comment tu le décris, mais c'est dommage que Malkovich n'ait pas réussi à s'imposer autant dans la saison 2. Mais si les scénarios n'étaient pas à la hauteur, même lui n'y peut pas grand-chose ! En tout cas, ils sont partis de quelque chose de très original et atypique avec cette série, le sujet est loin d'être commun ! Quant à Prodigal Son, je ne connaissais pas du tout, mais le design des affiches est très classe, très à l'image des troubles comportementaux que tu analyses pour les personnages. Ces protagonistes tout aussi contradictoires que nébuleux ou toxiques sont souvent des merveilles d'interprétation !

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    1. Comme tu le dis très bien, la série The Young Pope est vraiment très atypique. C’est un véritable ovni. Je trouve qu’ils ont fait beaucoup moins bien avec la seconde saison. Je n’ai rien contre un peu d’absurde, mais là, c’est tellement poussé que j’ai décroché. Personnellement, j’ai trouvé que la saison 1 se suffisait à elle-même. Si tu as l’occasion de la voir, je pense que tu aimeras beaucoup ! Et Jude Law y est vraiment bluffant. Moi qui ne l’appréciait pas plus que ça, il m’a convaincue complètement. Concernant Prodigal Son, comme souvent dans ce genre de séries, les enquêtes policières ne servent que de « béquilles » à la psychologie tortueuse des personnages principaux. Le personnage de Martin Whitly est tellement glaçant, malgré ses airs débonnaires… La relation avec son fils est vraiment fascinante et pleine d’ambigüité.

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