13 novembre 2021

Bilan des lectures de septembre à octobre

L'automne n'aura vraiment pas été très riche en lectures, quoiqu'il ressort tout de même de ce panel, deux très bons romans de styles tout à fait différents... 

Mexican Gothic, de Silvia Moreno-Garcia

Naomí Taboada, jeune mondaine qui n'a d'yeux que pour les soirées bon chic bon genre, reçoit une lettre singulière de sa cousine, récemment mariée à un anglais et habitant depuis lors avec sa belle-famille dans leur manoir située dans une région reculée et hostile du Mexique. Les propos décousus de sa cousine, qui se dit malade et la proie d'hallucinations, réclame l'aide de Naomí. Il n'en faut pas plus à cette jeune femme un peu tête brûlée pour faire immédiatement ses bagages. Arrivée dans la sinistre demeure des Doyle, Naomí, que l'on s'empresse d'éloigner de sa cousine souffrante, se retrouve peu à peu assaillie de singuliers cauchemars, qui la poussent, petit à petit à confondre songes et réalité... Aux prises avec l'époux au charme délétère de sa cousine, et le patriarche de la famille qui semble étrangement nourrir pour elle des attentions malsaines, la jeune femme commence à se rendre compte qu'il lui est impossible de partir, comme si le manoir était en train d'étendre sur elle une influence funeste qui l'affaiblit et l'aliène de manière irrémédiable. 
 

Autant commencer ce bilan lectures par mon plus gros coup de coeur de ces dernières semaines ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que le titre de ce roman n'est pas usurpé... Il s'agit effectivement d'un roman gothique moderne, un vrai, avec son lot de cauchemars, de pénombre et de brume, son ambiance poisseuse, et sa panoplie de personnages "bordeline" qui intriguent et révulsent le lecteur tout à la fois.  Si elle est plutôt sans fioritures, la plume de Silvia Moreno-Garcia est pourtant très efficace ! Ce roman est littéralement palpitant et va vous donner quelques sueurs froides très jubilatoires... On y reconnaît tous les ressorts du roman gothique traditionnel, à savoir des jeunes femmes qu'on isole et qu'on manipule, sur fond d'une demeure sinistre, qui empoisonne et rend fou ses occupants... Tout y est, et je n'ai pas boudé mon plaisir !


Le Serpent de l'Essex, de Sarah Perry

Résumé de l'éditeur

"Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s'installer à Aldwinter, dans l'Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s'intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l'Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l'estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d'étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté."
 

J'avais commencé ce roman il y a quelques années, lors de sa sortie, et il m'était, comme on dit, tombé des mains après une cinquantaine de pages. Ayant appris qu'une adaptation allait en être tirée pour AppleTV, avec Tom Hiddleston à l'affiche, j'ai voulu réviser mon jugement et vérifier, si avec le temps, mon avis aurait évolué. J'ai malheureusement dû constater que j'ai retrouvé exactement le même sentiment de malaise en lisant ce livre, que je me suis contrainte, cette fois, à lire jusqu'au bout, espérant dans ma grande naïveté un revirement de dernière minute, mais il n'en a rien été. Les personnages sont absolument antipathiques et l'histoire sans intérêt... L'idée de base n'est sans doute pas mauvaise, mais comment diable accrocher à un récit qui ne donne à voir que des personnages presque sans affect, et une intrigue qui n'en est finalement pas une ? Je doute vraiment que la sauce puisse prendre dans une adaptation télévisée, mais sait-on jamais, avec des acteurs convaincants et un bon scénariste, tout est possible... ;)


L'Enigme de Catilina, de Steven Saylor

A la veille des élections consulaires, l'enquêteur Gordien, désormais retiré à la campagne avec sa famille, se voit pourtant rattraper par les affaires de Rome et contraint de loger pour quelques temps Lucius Sergius Catilina, ancien lieutenant du dictateur Scylla, et cherchant à briguer le poste de Consul. Alors que ses plus farouches opposants le décrivent comme un être brutal et dégénéré, Gordien découvre avec surprise en Catilina un homme d'un charisme écrasant, pondéré et tranquille, qui ne cache cependant pas ses opinions populistes. Malgré son ancienne loyauté à Cicéron, Gordien se lie d'amitié avec Catilina. Lorsque l'enquêteur découvre un cadavre sur son domaine, il pense  être devenu la cible de ténébreuses pressions politiques...

Voilà l'un des très rares romans qui existent sur l'une des conspirations les plus emblématiques de l'Antiquité, à savoir la Conjuration de Catilina, bien connue grâce aux fameux Catilinaires de Cicéron, alors Consul de la République Romaine sur le déclin. Ces discours reprennent les allocutions du politicien, s'adressant au Sénat, et révélant une gigantesque conspiration initiée par Catilina, à qui l'on reproche, outre des opinions politiques assez dangereuses, plusieurs tentatives d'assassinat sur des sénateurs et sur la personne du Consul... Après avoir quitté Rome, Catilina constitue une armée pour renverser le Sénat, mais est défait en Etrurie, où il meurt sur le champ de bataille. 

C'est après avoir relu plutôt par hasard les Catilinaires dans leur intégralité, que je me suis intéressée de plus près au personnage qui les ont inspirés, à savoir Lucius Sergius Catilina, dont on sait, in fine, très peu de choses. Les discours de Cicéron sont tellement peu objectifs que l'on peine réellement à y démêler le vrai du faux... Connaissant le goût immodéré des sénateurs de l'Antiquité pour monter des conspirations de toutes pièces afin de détricoter la réputation de quelques opposants politiques (voir le scandale de l'assassinat des frères Gracques, encore bien plus connu que l'affaire Catilina), il est toujours intéressant de peser le pour et le contre dans ces scandales vieux de plus de deux mille ans... Si Catilina était effectivement un ancien bras droit de Scylla, reconnu pour quelques histoires pas très glorieuses touchant sa vie privée, force est de constater que Catilina n'était probablement pas le monstre assoiffé de sang que Cicéron décrit, mais un ambitieux parmi d'autres, qui s'opposait violemment au Consul en raison d'opinions politiques très tranchées en terme de partages de biens... Ces avis populistes étaient, on s'en doute, assez peu de bon ton dans une assemblée de patriciens très attachés à leurs richesses... 

Le récit de Steven Saylor, qui s'insère dans la série des enquêtes de son personnage récurent, Gordien, a le mérite de mettre en balance l'image véhiculée par les Catilinaires et la réalité historique, en présentant un Catilina, qui, s'il n'est certainement pas blanc comme neige, se révèle suffisamment fin et intriguant pour rendre cohérent le contexte réel, et mieux comprendre que la vérité se trouve toujours dans un entre-deux. A cheval entre l'intrigue politique et l'enquête criminelle, L'énigme de Catilina ravit par son brillant esprit et son ambiance délicieusement vivante...

A suivre...


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